On sait que je n'aime pas beaucoup les fleurs ou les plantes trop sofistiquées. Mais on ne peut pas cueillir des fleurs des champs tous les jours. Alors, de temps à autre, on m'apporte une nouveauté, du marché. Cette fois-ci il s'agit d'un minuscule pot de pétunia et d'un petit rosier nain.

Dans son banal pot en plastique brun, le rosier nain se tient bien droit, avec ses nombreux bourgeons et, en préparation, deux petits boutons d'un rose orangé. Mais hautain, indifférent, il a l'air de dire : Je fleurirai quand je le voudrai. Bon, qu'il fasse ce qu'il veut. Quel caractère!

Mais le pétunia! C'est un pétunia sans "s", car il ne fait qu'une seul fleur à la fois... mais quelle fleur! D'un beau velours violet, presque noir et moiré, foncé, violent, presque pénitent mais avec quelle volupté! La jupe de sa corolle est tellement ample qu'elle ondule et recouvre presque toutes les feuillelettes d'un vert tendre et réservé. Ce matin, je l'ai oté car elle s'était rabougrie en instant, lasse, ayant fait son temps. Sa remplaçante, timide, encore plissée, d'un violet pâle strié de veinules crème, commençait, curieuse, à étirer son long cou vers la lumière. Elle s'épanouit et grandit presque à vue d'oeil, la nuance change et fonce d'heure en heure. Je l'observe chaque fois que je passe, et je passe plus qu'à mon tour, exprès, faisant un détour et plissant les yeux sous un sourire interne. La plante le sent-elle? Cet après-midi déjà la nouvelle corolle s'ouvre largement au soleil, cachant en profondeur son chétif coeur d'or. Demain elle s'étalera comme sa soeur d'hier, large et sensuelle, dès le matin dans sa robe de grand soir.

Mot-clef : Flore.