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Objets

J’aime sentir mes meubles, mes objets autour de moi. Il ne me plaisent pas forcément tous, car de certains, j’ai hérité. Mais jusqu’à présent, et d’autant plus depuis que j’ai émigré, j’avais l’impression qu’ils étaient comme les témoins de mon origine, une protection, la présence vigilante de mes ancêtres, le mot de passe pour un confort intérieur, ceux qui, quand tout va mal, te susurrent à l’oreille que ce n’est pas si grave, puisque tu es vraiment chez toi. Mais ce matin, le doute qui en moi rôdait depuis quelques temps a fait surface.

 

Face à un porte-cigarettes d'Orient, très original, en cuivre, très finement ciselé, qui, terni lui aussi par la poussière, faisait piètre figure, je me suis souvenue du prestige qu'avait cet objet dans le salon de mes parents. Son élégance attirait le regard, provoquait un temps d’arrêt, une réflexion, une question, et parfois même de la convoitise, la caresse d’une main, des connaisseurs comme des indifférents. Et c’est moi qui en ai hérité. Maintenant, il est là, dans ma bibliothèque, en bonne place, mais il est morne, silencieux. Que peuvent bien signifier ces deux mots en arabe ?  Je l’ai nettoyé, frotté, lustré, avec énergie et douceur, comme une lampe d’Aladin. Il a récupéré toute sa luminescence, il en est presque aveuglant, mais sa beauté, son élégance ne me touchent plus. Mon père l’avait rapporté, avant que je naisse, d’une mission en Syrie où on le lui avait offert. Pourquoi ? Je ne le sais pas et il n’est plus là pour me le dire, me raconter son histoire, les circonstances qui se rattachent à cet épisode. Toutes ces questions, de son vivant, je n’ai jamais songé à les lui poser car je n’en avais pas l’âge, mais aujourd’hui les réponses me manquent. Ce porte-cigarettes, c’était un peu mon père. Il en est de même pour un service de verres en cristal ayant appartenu à mes grands-parents paternels. Je l’ai désiré, on a fait des prouesses d’emballages pour que je le reçoive intact. Et maintenant ? C’est tout juste s’il ne m’encombre pas.

 

Il me vient tout à coup à l’esprit ces scènes que l’on voit dans tant de films, où dans un monde inhospitalier ou trop impitoyable, le/la protagoniste, jeune, va, pour prendre un peu de recul, explorer son grenier, sortant de dessous une couche de poussière ou des toiles d'araignées feintes des objets qui provoquent chez lui/elle une certaine nostalgie, une sorte de communion avec le passé. Il n’y a pas grand-chose de vrai dans tout cela. A vingt ou trente ans, on ne regrette pas encore ses vieux jouets. C’est plus tard que les regrets (s’il y en a) pointent, déclanchés, justement, par la disparition d’un être cher à qui on ne pourra plus jamais poser de questions.

 

Aujourd’hui, je n’en suis pas à la nostalgie et ni même aux regrets. De ceux qui m’ont précédée, j’aime connaître la vie, la jeunesse, les amours, les histoires, les aventures, les joies, les difficultés. Ce porte-cigarettes, chez moi, il ne sera jamais à sa place. Et il ne le sera même pas pour mes enfants qui ont connu son ancienne place, chez leurs grands-parents. Il reprendra peut-être ses droits pour mes petits-enfants, si j’en ai un jour et si un tremblement de terre ne l’engloutit pas avant. Un objet, sans la personne qui le possédait, n'est bien souvent qu'un objet sans âme.

Ecrit par ImpasseSud, le Jeudi 29 Juillet 2004, 19:10 dans la rubrique "Bribes perso".

Commentaires et Mises à jour :

PierreDesiles
29-07-04 à 21:08

Réflexion...

Ces dernières lignes traduisent un passage important dans ta vie après ce "grand" voyage à Paris. Besoin de réfléchir sur un temps présent relié au passé ou un arrêt sur image pour mieux analyser la situation? C'est vrai que les objets qui ont prit place dans la maison perdent leur sens... jusqu'au jour où, un regard doublé d'une image furtive, se posent dessus sans qu'on s'y attende et nous projette dans une réflexion sans fin, avec un défilé de souvenirs...sont-ce des signes? de...?

Ce n'est pas toujours facile de regarder son passé sans y verser quelques larmes d'amertumes d'un "devoir" inachevé, mais je pense qu'on est tous pareils en ce domaine. On ne refait pas le monde malheureusement, mais on peut aimer toujours...

Je t'envoie un coucher de soleil austral.

Bsx

Pierre


 
ImpasseSud
30-07-04 à 07:04

Re: Réflexion...

Cet article, en fait, est la suite du précédent, "Nonchalance". Mes réflexions n'ont rien à voir avec mon voyage à Paris qui n'a pas été plus "grand" que les précédents, mais plutôt plus agréable et mieux rempli. Elles ne sont nées que parce que j'ai dû faire mes grands nettoyages hors saison. Elles n'ont rien de nostalgique, car il est normal que la roue tourne et que les générations disparaissent, l'une après l'autre. Mais alors, pourquoi se raccroche-t-on aux objets en croyant retenir un être? Tout comme toi, je crois beaucoup plus à l'impact des images furtives, dans un contexte qu'on a connu, elles en disent tellement plus. Merci pour ton coucher de soleil austral. Hier soir, j'aurais également pu t'en envoyer un peu du mien, il était très beau :-)))!