Fin novembre dernier, on a pu lire ici et là des articles qui, pour ainsi dire, "fêtaient" les 30 ans de la loi autorisant l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) en France. "Fêter" est un bien grand mot, car le bilan n’est toujours pas des plus roses. A mon avis, c’était plutôt une occasion de revenir sur la question, de faire le point. Les polémiques autour du « Pour » et du « Contre », avec leurs mille bonnes raisons, qui se sont rallumées quelque part sont à la limite du ridicule, car ici il s’agit d’une décision extrêmement personnelle, de la femme ou du couple concerné, et non pas d'imposer sa volonté à quelqu'un d'autre. Ce qui est important, c’est que le droit à l’IVG existe car, avec ou sans loi, personne ne réussira jamais à empêcher la pratique de l'avortement. Il est donc essentiel que cet acte puisse être effectué sous contrôle médical pour sauvegarder la santé de la mère. Mais là où le bât blesse carrément, par contre, c’est du côté de leur nombre qui, en France, est encore de l’ordre de 220.000 IVG par an (soit environ 16,7 IVG sur 1000 femmes de 15 à 44 ans), alors que dans des pays comme
Je pense tout d’abord qu’en trente ans le comportement sexuel a bien changé, et que si d’un côté on s’est finalement occupé de fournir une issue à un contentieux millénaire, la « mentalité catholique » à propos des rapports sexuels telle qu’elle existe en France, en Italie, etc… est toujours tenace, même, quand il s'agit de leurs enfants, chez les personnes qui se disent non pratiquantes et non croyantes, et elle empêche que la part d’éducation qui dans ce domaine revient aux parents accompagne cette évolution. Le tabou, la gêne sont encore bien vivants dans la plupart des familles, même dans celles où on aborde, un beau jour, de but en blanc et comme un cheveu sur la soupe, le problème de la contraception parce que l’enfant est désormais un adolescent à risques et qu’il vaut mieux prévenir que guérir, se heurtant souvent cependant, à l'âge de tous les refus, à une sorte de mutisme réfractaire parce que le dialogue n'a jamais commencé.
Si la question de l’IVG concerne toutes les femmes durant les 35/40 ans de leur vie féconde parce que dans la vie de toutes les femmes il existe des moments à risque même avec une contraception, dans la vie des adolescents, il s’agit presque uniquement d’une connaissance superficielle des méthodes de contraception, proche de l'ignorance, et il est évident que, vu l’importance du nombre de recours à l’IVG (autant qu'en 1994) ou à la pilule du lendemain, on n’a pas suffisamment insisté sur le fait que ni l’une ni l’autre ne sont des méthodes de contraception.
A mon avis, compte tenu du contexte actuel, il y a deux questions complémentaires à revoir de façon urgente.
Tout d'abord, il semble que nos gouvernants n’aient pas encore compris qu’on ne peut pas, d’un côté, promouvoir, faciliter mais surtout banaliser la liberté (mais aussi la violence) sexuelle du matin au soir à travers films, téléfilms, émissions, langage, publicité etc… et de l’autre se contenter d’une petite campagne anti-SIDA de temps en temps. Quant aux leçons à l’école, je n’y crois guère autrement qu’à travers des cours précis d’anatomie physiologique.
Ensuite, en ce qui concerne les familles, la préparation à l’enseignement de la contraception doit commencer dès l’enfance, bien avant dix ans. Bien entendu, pas par une longue leçon théorique à un enfant qui ne se pose pas encore de question ou, tout du moins, n’a pas encore éprouvé le besoin d’en poser. Mais, dès le plus jeune âge, les parents doivent sauter sur « toutes » les occasions qui se présentent pour expliquer à leurs enfants la « fonctionnalité » sexuelle, comme s’il s’agissait - et c’est le cas -, d’une des fonctions les plus naturelles au monde. Il suffit souvent d’une oreille attentive, d’un mot au bon moment, d’une réponse appropriée, simple, sans gêne, sous-entendus ou vulgarité, afin que par la suite, à l’âge des rapports sexuels, la question de la contraception puisse être affrontée naturellement, sans fausse honte de part et d’autre, comme s’il ne s’agissait que de l'étape suivante d'un échange de toujours, conçue comme importante voire même essentielle et absolument incontournable.
Certains se sentiront encore mal à l’aise, auront encore des hésitations, des scrupules ? Je crois qu’il serait temps que tout les parents osent se lancer - et c’est bien moins difficile qu’on ne se l’imagine car ce genre de discussion répond toujours à une attente implicite même si elle est muette -, parce que sans cela la liberté qu'on accorde volontiers aux adolescents n’est qu’une hypocrisie de plus dans leur monde intransigeant.
Pour ceux qui veulent en savoir beaucoup plus sur les méthodes de contraception, voir toutes les pages de cet excellent site : http://www.doctissimo.fr/html/dossiers/contraception.htm
Lire aussi : L'épidémie de SIDA menace gravement l'Europe, car ça ne va pas tellement bien non plus du côté SIDA : "Le nombre des personnes vivant avec le VIH en Europe occidentale est passé de 540 000 en 2001 à 580 000 à fin 2003."
Mise à jour du 01.08.2009 : Italie : après être parti en guerre contre le droit à l'IVG en Italie (lire ici), après avoir mis en doute l'efficacité du préservatif contre le SIDA lors de son voyage en Afrique, le Vatican déclare la guerre à la pillule du lendemain, RU436, demandant au gouvernement italien d'en interdire la vente (alors qu'en 2009, elle n'est toujours pas en vente libre), ... parce qu'elles seraient dangereuses pour les femmes.
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Jenny, j'ai suivi avec grand intérêt le récit de ton curetage, et je pense que tu as très bien fait de le publier.
Pour en revenir à l'IVG répété : malheureusement, - et là je suis dans mon domaine -, elle existe bel et bien, et si on ne peut pas faire exactement l'association IGV-contraception, la réalité qui se présente souvent est l'absence de contraception avec l'IGV ou la pillule du lendemain comme solution. Et contrairement à ce que tu écris, je crois que tous les facteurs dont tu parles, anesthésie, risques etc... entrent bien peu en ligne de compte quand une femme décide d'avoir recours à l'IVG. Non pas qu'elle agisse "à la légère", mais la seule chose qui compte c'est de se sortir d'une situation difficile, même si la solution est porteuse de souffrances et de risques. Psychologiquement parlant une fausse couche et une IVG se trouvent dans deux camps opposés. D'un côté il y a un enfant que l'on désirait, de l'autre, un enfant dont on ne veut pas.
Manque de moyens chez les jeunes : au cours des recherches que j'ai faites en préparant ce billet, dans un journal italien, je suis tombée sur un article du mois de juillet qui disait la même chose : les préservatifs sont trop chers. Et suite à une enuqête faite sur un échantillonage de 900 étudiants universitaires entre 19 et 27 ans
44 % affirmaient qu'il partiraient en vacances sans emporter aucun préservatif,
34 % disaient qu'il n'avaient pas les moyens d'en acheter,
22 % refusaient de les utiliser parce qu'ils avaient peur que le plaisir diminue,
19 % idem parce qu'ils se sentaient mal à l'aise,
13 % refusaient de l'utiliser pour des motifs religieux,
8 % avaient peur qu'il se rompe
24 % comptaient sur la pilule de sa partenaire
18 % pensaient que le préservatif est sûr à 100%
11 % choisissaient le coitus interruptus
10 % se fiaient à la pillule du lendemain
La conclusion de l'article était la suivante : "Au-delà du préservatif, l'ignorance en matière de contraception est absolument décourageante. Même parmi les étudiants universitaires, un jeune sur trois est incapable d'indiquer une alternative précise au préservatif."
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Je suis aussi très sensible à la question de l'éducation : mes parents n'ont jamais abordé le sujet avec moi et je suis moi même assez mal à l'aise en présence de ma fille sur le sujet. Olivier est beaucoup plus détendu et se moque gentiment de moi. J'ai découvert durant ma grossesse ma complète ignorance de la biologie élémentaire et de ma propre sexualité, à 29 ans c'est assez déplorable. Il n'est pas question que Lolo soit aussi gourde que moi !
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Mes parents non plus n'ont jamais abordé la question avec moi, mais ils faisaient partie des générations élevées avant mai 68 et dans la plupart des cas leurs connaissances ne dépassaient pas leur propre expérience. Peut-on leur jeter la pierre?
Avec mes enfants, je dois dire que ma profession m'a bien aidée. Et je me suis toujours sentie très à l'aise pour leur répondre, n'ayant même aucun mal à reconnaître mon ignorance quand il s'agissait de questions sur les manifestations de la puberté masculine. Aujourd'hui encore, nous pouvons aborder toutes les questions "techniques" sans la moindre gêne.
Le Portugal ne s'est pas encore décidé à franchir le pas. Mais où en est-on exactement?
En Italie, la loi autorisant l'IVG est passée en 1975, mais je dois dire qu'en arrivant ici, j'ai été très surprise par le rapport des femmes avec l'avortement. On m'a raconté à plusieurs reprises qu'avant la loi, l'avortement était pratiqué assez couramment dans les familles nombreuses, et contrairement à la France où les femmes devaient agir dans le plus grand secret, la honte et la solitude à cause des lourdes peines auxquelles elles s'exposaient (voir le premier lien au début de l'article), ici il n'était pas de notoriété publique mais la nouvelle passait de bouche à oreille entre les femmes sans grande cachotterie, non pas comme un commérage mais plutôt dans une sorte de complicité.... les avortements dans le cadre du mariage, bien entendu!
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J'étais au courant de l'histoire du bateau hollandais. Il y a eu le même problème en Pologne. L'Irlande, la Pologne et le Portugal restent des bastions foncièrement hostiles. J'allais oublier Malte où, en la matière, on ne plaisante pas. En décembre 2003, suite à la déconciation du "père", le tribunal de Malte a ordonné l'emprisonnement d'une femme russe enceinte de 7 semaines alors que clandestine et sans papiers elle était sur le point d'être expulsée, parce que, rentrée chez elle, elle aurait pu se faire avorter.
Pour en revenir au Portugal, je n'y suis jamais allée, mais j'ai souvent l'impression que c'est un pays peu influençable, qui regarde plus vers l'océan et l'Amérique du Sud que vers l'Europe. Est-ce que je me trompe?
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L'avortement renvoie d'abord à la complexité des relations avec un homme
Dans l'article "L'avortement reste un tabou" Danielle Hassoun, gynécologue et obstétricienne, responsable du service d’IVG à l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis, on peut lire la phrase suivante qui illustre bien le fond du problème et répond à ma question :
"On voudrait qu’à force de contraception il n’y ait plus d’IVG, sans comprendre qu’il y en aura toujours, et pour de nombreuses raisons. Mon expérience m’a appris que pour la majorité des femmes avorter est une chose très triste qui renvoie d’abord à la complexité des relations avec un homme. Cela, la société ne l’a pas encore accepté. Elle continue de voir l’IVG comme une chose pas très propre dans le paysage."
Un exemple : ma gynéco m'a dit que pour la plupart des adolescentes qu'elle voit, il n'y a pas de "choix possible" entre achat de contraceptifs et achat de cigarettes, malheureusement...