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Des choix difficiles

Qu’on sache tout de suite que mon intention n’est pas de jeter la pierre. Les temps sont trop durs, et ceux d'une partie de la presse écrite encore plus puisque son intégrité et son existence sont menacées. Mais faut-il être devin pour imaginer que si la grande majorité des salariés de Libération a donné son accord (252 votants, 161 oui, 81 non) à l’entrée d’Edouard de Rothschild dans le capital du journal, c’est avant tout pour préserver une place d’un certain prestige qui disparaîtrait en même temps que le journal si celui-ci était contraint à fermer ?

 

L’article de Serge July a déjà le ton qu’il faut, ménageant la chèvre et le chou, et j’ai eu du mal à aller jusqu’au bout. A votre avis que peut bien signifier un texte comme celui-ci ?

« Assumer la promesse de notre titre, être quotidiennement Libération, apportant chaque jour le vent de la liberté d’écrire, de témoigner, de voir et de penser. Libération reste indépendant. Il a désormais les moyens d’agir et de se projeter. Et Libération sera demain ce que nous en ferons, la direction, l’équipe, ses actionnaires, et naturellement ses lecteurs, en inventant notre propre chemin. »

Qu'on se réjouisse donc, il y en a pour tout le monde! Et pourtant Serge July ne peut pas ne pas savoir exactement ce qu’il en est. La situation est celle que décrit Ignacio Ramonet dans son article « Médias en crise » publié sur Le Monde diplomatique. On ne peut pas se mettre dans les mains du monde de la finance sans être tôt au tard contraints à penser comme lui et publier ce qu’il appelle ses « idées saines ».

 

Ce quotidien, de toute façon, a perdu de son mordant depuis quelques années déjà. Peut-être parce que tout s'use, ou bien parce que les gouvernements de gauche ont endormi son sens critique. En tout cas, il a laissé s’effilocher sa vocation première, versant souvent dans des historiettes à la mode mais sans aucun intérêt. Et ne parlons pas du style d’un bon nombre d’article où la langue française est franchement sous torture, avec un grand nombre de titres en jeux de mots et un langage argotique en veux-tu en voilà. Pour être plus proche du peuple ? Pour faire avaler la pilule ? Parce qu'il vaut mieux en rire ? Moi aussi je suis capable de dédramatiser quand c'est nécessaire, mais est-ce le rôle d’un journal de dédramatiser une situation grave ou préoccupante ? Les journalistes qui font cela ont une bien piètre opinion de leurs lecteurs. On dit que la baisse des ventes est due à la télévision et à Internet. Il y a sans doute du vrai car ce n'est plus par les journaux que l'on apprend l’actualité. C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, le rôle des grands quotidiens doit changer. Désormais, ils doivent reprendre les informations pour les présenter, examiner et commenter dans une optique en rapport avec leur façon de voir, leur tendance, leur couleur. Tous les gens qui lisent des journaux savent pourquoi ils achètent un journal plutôt qu’un autre, mais quand ce journal les déçoit, et bien ils le laissent tomber, même sur la Toile. Pour ma part, c’est ce que j’ai fait avec Libération, que je ne parcours plus que de temps à autre.

 

L’indépendance financière est indispensable à la crédibilité d'un journal d'opinion. Il est impossible de s'exprimer librement si on doit rendre des comptes à des actionnaires, et des actionnaires de l'autre bord par surcroît. Mais l'indépendance coûte cher, malheureusement. Il est vrai qu’il en a toujours été ainsi, mais aujourd’hui les budgets sont tellement plus gros qu’autrefois. Et alors, où est la solution ? Actuellement, je crains qu’elle ne se trouve que dans les abonnements et le sacrifice financier des journalistes. Pour les journalistes, il s’agit d’un cas de conscience bien difficile. Quand on appartient à un grand journal, on ne descend pas volontiers vers un type de presse inférieur ou vers un salaire plus maigre. Quant à l’abonnement des lecteurs, tout le monde n’a pas les moyens de se le payer. Et, si on voulait aller jusqu'au bout de ce à quoi on tient, ce n'est pas un abonnement qu'il faudrait se payer, mais plusieurs. 

 

Au Figaro ou à l'Express, pour n'en citer que quelques-uns, les temps ne sont pas meilleurs. On pourrait presque parler de tournant. Les grands journaux sont-ils donc tous condamnés à perdre leur identité ou à disparaître ? Les faiseurs d’opinions seront-ils bientôt condamnés à se taire ? La dictature de la finance est-elle moins nuisible qu’une dictature politique ? Je crois au contraire qu’elle est presque pire car on s’en accommode facilement et, ayant bien trop à perdre, on ne se lève pas volontiers pour aller la combattre.

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Lundi 24 Janvier 2005, 13:26 dans la rubrique "Actualité".