Pour l’instant, mon opinion sur le genre humain ne vole pas bien haut. Il m’arrive même de me mettre en colère bien plus souvent qu’avant car il est vraiment difficile d’aller à contre-courant. Et pourtant…..

… hier après-midi, on m’a dit « Madame, je vous prie de nous excuser », et un peu plus tard « Madame, je vous en prie, vous êtes arrivée avant moi ».

Les excuses ont eu lieu dans une librairie tenue par père et fils. Ce dernier m’avait fait payer plus que mon dû, et qui plus est de bonne foi et sans que je m’en rende compte, sauf, cinq minutes plus tard quand j’étais loin de là dans la rue. Les livres, en Italie, affichant encore le prix en face du code-barres, l’erreur était flagrante. J’y suis retournée sur-le-champ. On a refait les comptes et tout étant évident, le fils a bougonné :

- « Mais je ne comprends pas, il devait déjà y avoir une somme dans le compteur de la caisse. »
Le père a ajouté avec un sourire, tout en plongeant dans sa caisse pour me tendre la différence :
- « Madame, je vous prie de nous excuser. »
Ce à quoi j’ai répondu, comme il se doit et avec un sourire moi aussi :
- « Je vous en prie, Monsieur. Tout le monde peut se tromper. »

Quant au droit de passage, il a eu lieu chez le marchand de primeurs d’à côté. Une toute jeune femme est entrée peu après moi. Pendant que je me servais (ici on se sert soi-même dans les cagettes), elle a commencé à se faire servir de je ne sais quoi. La balance et la caisse étant au même endroit et gérées par le même vendeur, quand j’ai eu terminé, j’ai posé mes sachets, attendant qu’il en en ait terminé avec elle. Mais c’est elle qui s’est interrompue et m’a dit : « Madame, je vous en prie, vous êtes arrivée avant moi ».

Malgré l’épisode suivant ou.... , à la caisse du supermarché où je suis allée ensuite et juste devant moi, un vieil homme bousculait sa vieille épouse. A tel point qu’ils ont fini par laisser tomber, ensemble, - car il l’obligeait à enfiler de force la marchandise dans une pochette plastique qui n’en pouvait plus -, des bouteilles de verre qui en tombant et se brisant ont envoyé des éclats coupants dans les jambes de la dame. Elle a commencé à saigner. Lui s’est défilé sous prétexte de charger la voiture, puis est revenu en lui demandant ce qui lui était arrivé! Elle, blanche de douleur et de fureur, assise sur une chaise qu'on lui avait avancée, lui a répondu les dents serrées : « Oh ! je me le suis fait en dansant ! »…

Malgré l’épisode suivant, disais-je, aujourd’hui je vais essayé de croire que le monde est comme le vieux libraire et la jeune femme, fait de gens aimables et intelligents, qui pensent qu’il vaut mieux être honnête et souriant, toujours et en tous temps, plutôt que de recourir sans arrêt aux fausses excuses et aux faux fuyants qui déclanchent rancune et mauvaise humeur.

Désormais, dans ce monde à la classe politque arrogante, aux talk-shows insolents, on nous a appris à être toujours sur nos gardes et habitués au pire, la réponse blessante au coin des lèvres, le coup de dent en réserve. C'est même parfois sur cela qu'on nous juge*. Et pourtant, que c’est bon une reconnaissance de tort, une reconnaissance de droit, et le tout avec un sourire sincère! Et pour les deux parties, cela va sans dire. On a tout à coup l'impression que le monde tourne plus rond.

* En Allemagne, lors d'un récent débat télévisé entre le chancelier Schroeder et son opposante dans le cadre de la campgane électorale en cours, ce qu'on a choisi de nous rapporter est la phrase suivante : "Elle, elle a été brillante, elle l'a interrompu cinq fois. Par contre, lui, il l'a fait au moins dix-sept fois!". Drôle de critère de valeurs que celui de couper la parole!!!!
 
Mots-clefs : Société