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« Taxi driver », Martin Scorsese (1976)

De retour du Vietnam (on le suppose car il ne le dit pas), Travis Bickle, souffre d’insomnies qu’il meuble comme il peut. Il finit par trouver un emploi comme chauffeur de taxi. La dépravation, le dépotoir humain qu’il découvre dans les nuits de New York mais que personne ne semble voir comme un problème urgent, accentuent le déséquilibre dont il souffre déjà, le convainquant peu à peu du rôle de justicier dont il est probablement investi. C’est à partir de là que les armes entrent en scène en tant que protagonistes. L’attention de Travis se fixe tout d’abord sur un homme politique en campagne électorale, mais après un échec, il décide de « libérer » une jeune prostituée de 13 ans.

 

Dans cette histoire, il est difficile de faire la part de la réalité et celle de l’imaginaire. Palme d’Or à Cannes en 1976, ce film n’est intéressant que confiné dans son contexte, celui des Etats-Unis du début des années 70, vers la fin ou juste après la guerre du Vietnam. Quand ils ont la chance de rentrer, tous les « braves garçons » qu’on y a envoyés au nom de la défense des valeurs américaines sont passablement déçus par le pays qu’ils retrouvent, indifférent envers ceux qui ont risqué leur vie pour lui, aux idéaux qu’il représentait et à la dégradation sociale et morale où il est en train de glisser. Tout cela alors qu’eux-mêmes, après des années d’horreur, sont contraints de continuer à vivre enfermés dans leurs cauchemars. C’est à cette époque, en effet, que fleurissent de nombreux films et téléfilms qui mettent en scène des justiciers-héros.

 

Vu aujourd’hui, et connaissant le résultat des incitations réitérées à faire justice soi-même, c’est-à-dire une Amérique sans sécurité où presque tout le monde se croit obligé d’être armé et à la répétition des épisodes tels que ceux de Bowling for Columbine, ce film, - ce grand film, on ne peut le nier -, a cependant quelque chose de banal, de navrant. Je me suis presque ennuyée.

La critique de l’époque a qualifié le jury du festival de Cannes de « courageux », mais qu’en reste-t-il aujourd’hui ? La très savante montée de la folie dans la tête du « héro » a-t-elle vraiment un quelconque intérêt vu qu’elle aboutit à l’habituelle tuerie ? Robert de Niro y est incontestablement excellent, mais on découvre que son jeu n’a subi aucune évolution, aucune maturation en trente ans. Comment pourrait-il nous surprendre, susciter de l’enthousiasme ? Pour finir et comme déjà écrit ici, comment se fait-il qu’on n’ait pas tiqué sur le rôle d’une prostituée de 13 ans confié à une Jodie Foster de 13 ans ? Par contre, on s’aperçoit tout de suite que la musique envoûtante de Bernard Herrmann vous est entrée dans la peau depuis longtemps. Et n’est-ce pas cela qui, bien souvent, confère aux films qui en sont pourvus un long succès dans le temps?

 

Bref, ce film ne m'a pas emballée, mais je ne suis quand même pas mécontente de l’avoir vu.

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Jeudi 23 Février 2006, 09:09 dans la rubrique "J'ai vu".

Commentaires et Mises à jour :

sophie
23-02-06 à 10:55

C'est malsain

Comme un mélange de film de zombies et du justicier dans la ville.J'ai mis du temps à dissiper le malaise.

 
ImpasseSud
23-02-06 à 12:23

Re: C'est malsain

Malsain, c'est bien le mot. C'était peut-être très nouveau en 1976, mais aujourd'hui il y a tellement de films semblables... que je ne regarde jamais d'ailleurs.

 
Incognito
23-02-06 à 13:43

Lien croisé

sophil de l'eau : "ImpasseSud donne son avis ici."

 
PierreDesiles
03-03-06 à 15:20

Taxi Driver

     Quand j'avais vu ce film à l'époque, à l'approche de mes trente ans, j'avais encore une âme de héros justicier, et je dois dire que ma haine envers une certaine sociéte dépradée avait trouvé son compte dans ce héros. J'avais été fortement marqué par cette façon de gommer des gangs proxénètes croulant dans l'argent sale volé à de pauvres filles soumises. C'était l'image que j'avais du monde parallèle et des marchands de sexe. C'est vrai comme tu dis, maintenant avec tous ces reportages qui nous arrivent en pleine figure à tous instants de la journée, par magazine ou média interposés, plus rien ne nous étonne. C'est à celle ou celui qui se distinguera dans une nouvelle façon de se faire de l'argent sale, sans tenir compte de la nature humaine, qui devient souvent secondaire, sauf dans les demandes de rançons. Mais s'il y a plusieurs otages, en éliminer un de temps en temps aide à accélérer les choses.

     On est au 21è siècle et l'Homme dans son ensemble n'a pas évolué de ce côté la. On peut le constater dans tous les conflits ou crises majeures, on commence par les pillages, puis si ça dure, les viols! C'est le retour à l'état bestial et du non sens, et tous les repaires, acquis pendant tant d'années, sont balayés d'un revers de la main, pour laisser place au chacun pour soi !

     Tu as raison quand tu dis que De Niro se complait dans ce rôle, peut-être est-il refoulé d'une cause bien précise, et c'est pour lui une thérapie que de se défouler dans ce rôle?

     Je ne verrais plus ce film de la même façon aujourd'hui, car la sagesse est passée par là!


 
ImpasseSud
03-03-06 à 17:57

Re: Taxi Driver

Je suis d'accord avec toi, Pierre. Entre livres et films, la perception est très différente selon l'âge qu'on a.