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Une information malade
--> 80.000 personnes ont manifesté et je n’en ai rien su

En 2007 et en Italie, c’est ce qui m’est arrivé, à moi comme à la majorité de la population de ce pays. Le 15 décembre dernier, 80.000 personnes ont défilé dans les rues de Vicence  pour manifester contre la construction a Dal Molin d’une nouvelle base militaire étatsunienne, sans aucune couverture médiatique nationale. Sur le plan national, seul Il Manifesto en a parlé et continue à en parler. Vu que je ne lis ce journal que de temps en temps, en ce qui me concerne, je ne l’ai appris que grâce à un de mes correspondants inscrit au parti des Verts… français. Et pourtant, à Vicence, voilà plus d’un an que cela dure. Ici on peut trouver le compte-rendu original en anglais de cette grande manifestation (avec des photos et des liens) qu’en a fait le journaliste américain David Swanson, et ci-dessous la traduction rapide que j’en ai faite moi-même en français.


La Constitution italienne réfute la guerre, la population italienne dans sa grande majorité est contre la guerre, mais le gouvernement italien actuel de gauche, tout comme le précédent de droite, camoufle sa participation guerrière sous le nom de « mission de paix », augmente annuellement son budget militaire alors que l’éducation nationale et la recherche pleurent misère, et, plus que jamais, se met au garde-à-vous à chaque requête des USA. Les USA veulent une nouvelle base alors qu’ils en avaient déjà une dans les parages. Et bien, va pour la base, même si pour cela il faut sacrifier une partie de cette région célèbre pour son architecte de la Renaissance. Par contre, il vaut mieux passer la chose sous silence. Et les médias nationaux, à leur tour, se mettent au garde-à-vous ou minimisent les faits, les décrivant souvent comme la provocation marginale de quelques no-global ou anarchistes. 80.000 provocateurs ?!

Désormais, c’est la technique de l’information, d'une information vraiment malade. Technique qu’on n’a pas hésité à utiliser pour la nouvelle explosion du scandale des ordures à Naples et en Campanie (noter la date de l'article !!!). Les habitants bloquent la circulation, hurlent leur colère, ont parfois du mal à la contenir dans le calme (mais vous, votre colère, réussiriez-vous encore à la contenir dans le calme après 14 ans de crises ordurières chroniques et de promesses jamais tenues ?!!! Tout le monde n’a pas les moyens d’aller habiter ailleurs). Technique dont on s'est de nouveau servi cette semaine pour l'affaire éclésialo-scientifique vu qu'il était impossible de la passer sous silence. Si les médias sont obligés, suite à l'excès de bruit, de parler d'une manifestation de protestation non agréée par le pouvoir, tout à coup il ne s'agit plus de rien d'autre que des extériorisations de petits groupes isolés de casseurs (j’allais écrire … de racaille).


Le métier de journaliste ne serait-il plus que celui de porte-parole d'un pouvoir ? Et qu'on ne vienne pas me dire que ce n'est pas spécifique à Italie parce que je le sais déjà. C'est, hélas, le propre de notre époque où derrière le mot démocratie se cache une oligarchie toujours plus puissante et toujours plus éloignée du peuple. « Ô rage ! Ô désespoir ! (…) N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ! » écrivait quelqu’un au XVIIème siècle. Dans un tout autre contexte, cela va de soi, mais, aujourd'hui, c’est le cri du cœur qui me monte aux lèvres.

 

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Traduction
" Des Italiens bloquent la construction d'une base états-unienne à Vicenza (Vicence)

"Les habitants de la ville de Vicence au nord de l'Italie, aidés par des militants de toute l’Italie, du reste de l’Europe et même des Etats-Unis continuent à bloquer la proposition de construction d'une nouvelle base militaire US sur leur sol. Quand une entreprise est venue enterrer les câbles de fibres optiques, les militants ont rempli une boite de jonction avec du ciment. Quand une autre compagnie a essayé de commencer à déménager du site des bombes US datant de la 2ème guerre mondiale, des militants ont campé sur place pendant trois jours et trois nuits en bravant le froid, tandis qu’à Florence et dans une petite ville proche de Naples, nos alliés manifestaient simultanément devant les bureaux de cette compagnie. La compagnie a fait marche arrière et a suspendu les travaux. Et une petite ville non loin de Vicence vient de refuser l’autorisation aux Etats-Unis de construire un village résidentiel pour ses troupes.
Récemment, le ministre des affaires étrangères italien a donné l’assurance à Condoleezza Rice, - et le président de l'Italie à George W. Bush, ce n’est pas la première fois -, que la base serait construite. Et le congrès des ETATS-UNIS, à l’insu du peuple américain, en a approuvé le financement. Mais la raison pour laquelle on répète ces affirmations publiques pour dire que tout est sur la bonne voie, c’est que ce n’est pas vrai.
Le samedi 15 décembre 2007 devait être le jour le plus froid que Vicence ait jamais connu. Le matin il neigeait doucement, et même sans le facteur temps, les organisateurs n’espéraient qu’une foule d’environ 20.000 personnes pour une longue marche à travers la ville plus un autre ralliement contre la construction d'une base au lieu-dit Dal Molin. Mais comme la marche a duré pendant des heures à travers les rues de Vicence, que le soleil avait fait fondre la neige, et qu’on avait appris que le fond du cortège n’avait pas encore quitté le lieu du départ, il fut clair que, sans aucune publicité et avec une couverture médiatique négative ou inexistante, plus de 80.000 personnes étaient descendues dans les rues de cette ville conservatrice sans université ni tradition de protestation. Et il n'y avait pas la moindre contre-protestation.
PHOTOS
A la fin de la marche, la foule s’est rassemblée sur une place pour écouter les discours du dramaturge Dario Fo, du prêtre catholique Don Gallo, de l’organisatrice de l'événement Cinzia Bottene, de la militante Désirée Fairooz d’American Code Pink (célèbre dans le monde entier pour avoir présenté des mains couleur sang à Condoleezza Rice) et d'autres. Désirée a été merveilleuse bien qu’elle soit émue jusqu’aux larmes à la pensée de ceux dont la faute obligeait des Italiens et d'autres personnes dans le monde entier à faire ces protestations.
Quand ça a été mon tour de parler, j'ai décrit la situation aux Etats-Unis, exprimé solidarité aux habitants de Vicence, et j’ai encouragé les soldats américains déjà en poste à Vicence et dans le voisinage à refuser les ordres illégaux de se rendre en Irak. J'ai également pris note qu'un certain clown nommé Edouard Luttwak ne parle pas en faveur des Américains, bien qu’il passe pour un expert militaire américain (et chef de ses supporters) dans toutes les histoires relatives aux militaires US des journaux télévisés italiens.
Naturellement, j'ai également mentionné le mouvement pour l’impeachment (la mise en accusation, NdT), et c’était beau d'entendre une foule d’Italiens se joindre au slogan "Impeach ! Impeach ! Impeach!" Plus tard, quelqu’un m'a dit : "Vous savez, il y a beaucoup plus que 80.000 personnes qui veulent mettre Bush en accusation." Le lendemain, au cours d’une conférence au "Presidio Permanente" (un important camp de militants sur la propriété touchant l'emplacement de la base) j'ai demandé à l’assistance si elle savait que le prolongement du financement pour l’occupation de l'Irak et le fiasco de la mise en route de l'accusation étaient l’œuvre d'une femme d’origine italienne. Plusieurs personnes ont crié "Nancy Pelosi!" J'ai demandé à tout le monde de lui envoyer des e-mails.
Il y a vingt ans à Vicence, si vous disiez que vous étiez américain c'était un peu comme de dire que vous étiez une rock star. Maintenant c’est comme si vous disiez que vous êtes Dick Cheney. "Yankee go home" et "Americani A Casa » (Américains, rentrez chez vous, NdT) sont des slogans et des graffiti populaires, bien qu'habituellement ils se réfèrent seulement aux militaires américains. Les habitants de Vicence disent que nous sommes leurs frères, mais ils ne veulent pas que nous occupions leur ville. Parfois ils crient "Fratelli Americani... A casa." En effet, on accuse les activistes italiens pour la paix, tout comme les activistes américains pour la paix, d'être anti-américains, mais ils répondent qu'eux, ils veulent être les amis des Américains, non pas les esclaves des Américains.
Ils n’ont pas tort. Avant qu’on ait demandé leur avis aux Italiens, les militaires des Etats-Unis et l’équipe du comité du Congrès avaient présenté les plans pour une nouvelle base, plus grande, au milieu d’une zone résidentielle en marge d'une ville historique riche en architecture de la Renaissance. Le fait d’accepter de construire la nouvelle base en style "palladien" n'a apaisé personne.
Au lieu de cela, les citoyens maintiennent une présence de 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 en marge du site dans leur fort "permanent", qui consiste en de grandes tentes blanches et des caravanes. Les tentes ont le chauffage, l'électricité, la lumière, un système de son, une cuisine, et un magasin qui vend tous les articles possibles avec l'étiquette anti-base "
No Dal Molin". Dans une des caravanes, il y a une station de radio. Toutefois, il n'y a pas assez de places pour héberger le grand nombre d'activistes qui arrivent de l’extérieur. Donc, en plus d'accueillir les invités chez l’habitant, le mouvement No Dal Molin, en vue de la marche de samedi a saisi des baraquements abandonnés par l’armée italienne. Les activistes ont alors contacté la police offrant de payer les coûts d’utilisation pour trois jours et de faire un nettoyage approfondi des lieux. La police les a laissés tranquilles. Même durant la marche, la police ne s’est pas montrée, ayant apparemment décidé qu'une présence visible de la police amplifie le mouvement. Vous savez, quand les activistes européens - habitués aux libertés de parole et d’assemblée – entendent dire que des Américains ont été arrêtés pour de la désobéissance civile non-violente, ils s’imaginent parfois que nous avons commis de véritables crimes.
Mais, en Europe aussi, il y a des actions de désobéissance civile qui peuvent porter à l’arrestation. Certaines d'entre elles comprennent le blocage de la construction des bases ou des voies ferrées, ou celui du passage sur les voies ferrées des trains portant du matériel militaire.
Pendant trois jours, y compris le samedi de la marche, les activistes anti-bases de tout le continent se sont réunis à Vicence pour partager leurs expériences et planifier de futurs efforts en commun. Des rassemblements anti-bases sont prévus en Allemagne, Belgique, et au printemps aux Etats-Unis.
L'invasion et l’occupation de l'Irak aurait pu être possibles sans les bases US en pointillés sur la physionomie de l'Europe, mais cela aurait été et continuerait à être une opération bien différente, vu qu’on envoie un grand nombre de soldats en Irak au départ de ces bases et qu’ils y reviennent ensuite. Ces bases ont été utilisées pour le transfert des prisonniers à Guantanamo il y a quatre ans. Et, comme pour 80 % des nations sur terre, la présence des bases militaires US crée dans une large mesure la perception que les Européens ont des Etats-Unis. Pendant ce temps-là, aux Etats-Unis, de nombreux citoyens n’ont qu’une très vague idée des quelques 1.000 bases et 300.000 soldats pour lesquels ils payent des impôts afin qu’ils restent dans les pays des autres.
Combien d'Américains sont-ils au courant de cette histoire ? Des citoyens de la République Tchèque découvrirent qu'une base était en projet dans leur région. Le côté absurde de cette plaisanterie US, c’est que cette base était nécessaire pour se protéger contre les attaques de la Corée du Nord et de l'Iran. Mais, par referendum public, 99 % des résidants de cette zone se sont opposés à la construction de la base. Un groupe de maires des villes de la région s’est mit d’accord pour se prononcer contre la base. Elle n'a pas été construite.
Tant que les militaires US continueront à construire de nouvelles bases, tant qu’ils décideront d'utiliser un endroit autre que celui où on a protesté, la victoire ne sera pas aussi immédiatement évidente qu’à Vieques, et les organisateurs de la protestation de Vicence n’auront pas l’impression d’une victoire complète. Quand j'ai demandé à Cinzia ce qu'elle ferait s’ils choisissaient de construire leur base en Roumanie, elle a répondu : "Nous irons entrainer les Roumains." Mais tant que la lutte contre la base continuera à Vicence, les victoires continueront à s’empiler sous forme de croissance des mouvements italien et européen pour la paix, et si possible par des changements au sein du gouvernement italien.
En Amérique nous aimons parfois imaginer qu'un troisième parti politique résoudrait nos problèmes, mais l'Italie a environ 15 partis politiques significatifs et essentiellement les mêmes problèmes que nous. On leur dit que s'ils ne sont pas d’accord avec le gouvernement actuel, ils finiront par en avoir un encore pire. On leur dit que s'ils ne sont pas contents de Prodi ils peuvent ravoir Berlusconi. On leur dit que s'ils n’arrivent pas à se contenter d’un gouvernement qui leur dit qu'il est pour la paix et le progrès tandis qu’il fait exactement les mêmes choses que le gouvernement précédent, bon, alors, qu’ils peuvent de nouveau ravoir leur précédent gouvernement, ou quelque chose d’encore pire. Et ainsi, dès que le changement devient possible, l'activisme qui pourrait l’imposer finit dans la partisannerie et la sensation d’être au pouvoir pour le pouvoir. L'Italie a même un nouveau parti qui porte le nom de Partito Democratico.
Tandis que notre Parti Démocratique feint de devoir approuver un projet de loi pour mettre fin au financement d’une occupation qui peut prendre fin en refusant d’approuver tous les projets de lois, les gauchistes italiens proposent des élections condamnées à l’avance pour un moratoire sur les bases plutôt que d'ajouter une mesure pour un projet de loi plus large et courir le risque de l'effondrement des coalitions actuelles. Et les médias, dont la plupart sont la propriété de Berlusconi ou sont contrôlés par le gouvernement de Prodi, et la majeure partie du restant, propriété d‘autres intérêts commerciaux, sont favorables à l’empire des ETATS-UNIS. La Constitution italienne répudiant la guerre, c’est ainsi que l’occupation de l'Irak, et celle de l'Afghanistan que l'Italie continue à soutenir, s'appellent missions humanitaires. La plus importante couverture de la marche de samedi était pour les graffitis qu’une ou plusieurs personnes avaient faits sur un mur près d'un nouveau théâtre, bien que les activistes du
No Dal Molin les aient nettoyés dès le lendemain après-midi.
Mais les Italiens ne sont ni sots ni réduits au silence. Ils ont quelques journaux de leur côté. Ils s’organisent avec Internet. Ils ont des syndicats actifs et agressifs. Et leur mouvement de paix, à la différence du nôtre, ne se confronte pas directement avec le nationalisme de leur pays. En fait, il y a des nationalistes de droite qui s'opposent à la construction des bases US. Mais, surtout, il y a beaucoup de monde qui met en opposition nationalisme et militarisme, qui est fier de se dire gauchiste, et a voué sa vie à faire ce qu’il faut pour réaliser la paix dans le monde."
David Swanson
(Traduction de l’anglais par ImpasseSud)
Ecrit par ImpasseSud, le Samedi 19 Janvier 2008, 14:36 dans la rubrique "Actualité".