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Des opportunismes de la pluie...
--> ... mais surtout d'une fête patronale mouillée

Ici, le week-end dernier, c’était la fête patronale. En fait, le patron de la ville, c’est Saint Georges, mais sa vénération va à la Madonna della Consolazione (peinture sur bois de Nicolò Andrea Capriolo, 1547). Chaque année, avec un enthousiasme jamais tiédi, elle est fêtée avec le plus grand faste, pendant quatre jours, à partir du premier samedi qui suit le 8 septembre, et ceci sans aucune interruption depuis 1636 : « Chî terremoti, câ guèrra e câ pàci, sta fèsta si fìci, sta fèsta si fàci! » dit-on dans le dialecte local. (« Avec les tremblements de terre, en temps de guerre ou de paix, cette fête s’est faite et cette fête se fera ! ») Personne n’y échappe, même ceux que ça n’intéresse pas. Aussi, après cinq mois et demi sans une goutte de pluie, depuis une quinzaine de jours l'inquiétude montait et on entendait les gens répéter : « Per la Festa Madonna, speriamo che non piova! » (Pourvu qu’il ne pleuve pas pour la Fête de la Madone). Comme si tout le monde avait déjà deviné que, justement… il allait pleuvoir.

 

Je l’avoue, si cette fête, d’une certaine importance, a sans autre éveillé ma curiosité quand je suis arrivée ici et que j’avais encore une mentalité de touriste, ensuite, je me suis surtout ingéniée à trouver toutes les échappatoires pour ne pas en subir les inconvénients. Cette année, cependant, j’ai tout à coup vu les choses autrement.


Si l’absence de pluie a favorisé le pèlerinage des fidèles à l’Eremo et la veillée de prière du vendredi ; si les premières gouttes du samedi matin ont permis au tableau lourdement enchâssé (la Vara) de descendre à dos d’hommes de la basilique de l’Eremo à la cathédrale dans une procession solennelle et d'y faire la traditionnelle "volata" sur le parvis, attendant l’après-midi pour se transformer en averses et gâchant un peu la Nuit blanche qu’on avait apprêtée un peu partout dans la ville avec de nombreuses estrades (spectacles et orchestres de toutes sortes) et grils (frittole, saucisses et peperonade) ; si des giboulées en continu ont carrément confiné les gens chez eux le dimanche ; si le lundi a vu de rares éclaircies, et le mardi matin quelques rayons de soleil, comme pour encourager les gens à participer, en masse comme ils en ont l’habitude chaque année, à la procession qui se déroule le mardi après-midi au centre ville, la pluie attendait tout le monde dans la soirée, annulant même le magnifique feu d'artifice sur la mer qui, à minuit, clôt habituellement les festivités.

 

Nous, pour notre marche de fin d’après-midi, nous nous étions contentés de remonter la procession en sens inverse, vers la cathédrale dont elle s’éloignait, reconnaissant au passage, parmi les participants, untel et untel, humble ou célèbre. Suivait une foule incroyable, compacte, enthousiaste et convaincue, parfois dévote mais jamais bigote, dans ce mélange de sacré et de profane spécifique à l’Italie, qui confère toujours une note de gaieté à toutes les cérémonies religieuses. Nous avions du mal à nous frayer un chemin. Tout à coup, de grands coups de vent, et ces nuages noirs tous proches. Nous osions à peine imaginer ce qui allait se passer s’il se mettait à tomber des cordes à la méditerranéenne, alors que le Corso n’offre aucun abri.

 

Proches de la cathédrale, nous avons décidé d’y entrer pour mettre un toit sur nos têtes. Nous y avons même trouvé deux places assises sur les bords du grand espace central qu’on avait libéré pour le retour de la procession, et nous avons attendu…. Pas plus de dix minutes. L’orgue et les chants étouffaient les bruits du dehors, mais tout à coup le service d’ordre est rentré en courant, puis les scouts, puis les religieuses, les diacres, les prêtres, les moines, les séminaristes, les congrégations, les trois archevêques, le maire, le conseil municipal, le préfet, la fanfare, etc... tout ce monde-là était déjà bien mouillé. Puis, finalement, la Vara : une tonne, les porteurs avaient dû mêler leur sueur et leur sang-froid à la pluie. La foule applaudissait à tout rompre. Des fidèles aux parapluies dégoulinants envahissaient les allées, se pressaient pour réussir à aller la toucher. Dans ce tohu-bohu généralisé, il règnait une étrange euphorie, chaleureuse. Sous la conduite de je ne sais quelle autorité ecclésiastique, les gens priaient, chantaient, discutaient, souriaient, s’éventaient, se saluaient, partaient, arrivaient, donnaient même leur goûter aux enfants, se cèdaient des places ou en gardaient une jalousement, tout en reprenant régulièrement et à pleins poumons le dicton populaire de la procession : « E 'griràmulu tutti a nu coru! Oggi e sempri, viva Maria! » (Et crions-le tous en chœur, aujourd’hui et toujours, Vive Marie !)


C’est alors que l’archevêque en titre, celui qui met l’obéissance au premier rang, celui qui tient à ce que rien ne lui échappe, celui qui n’aime ni les initiatives ni les imprévus, s'est lancé dans une brève homélie, à peine audible malgré les haut-parleurs : « Nous avons dû interrompre la procession, mais cela faisait cinq mois qu’il n’avait pas plu. La pluie, c’est une grâce particulière que la Madone a voulu nous faire….  »

Eh bien, voyons, il n’allait quand même pas laisser ça aux explications des météorologues ! Je me demande ce que pensent de cette grâce tous les marchands ambulants, vendeurs improvisés et forains qui ont envahi la ville pour cette fête, comptant, comme chaque année, sur la plus belle recette de l’été, mais qui, à cause de la pluie (ici on n’y est pas habitués) n’auront pas vu grand monde… A se demander si c'est la Madone qui a ses préférés et ses opportunismes, come voudrait le faire croire l'archevêque, ou s’il s’agit, une fois de plus, des habituels opportunismes de langage des gens au pouvoir ?

 

Moi, la Festa Madonna, elle m’a longtemps énervée, comme bon nombre de fêtes patronales  italiennes d'ailleurs, à cause du côté naïf, suranné, vieillot, parfois bigot et souvent hypocrite des croyances qu'elles reprennent. Mais aujourd’hui, puisque ça rend les gens heureux, que même les jeunes y tiennent et que ça ne fait de mal à personne, je fais volontiers la part des choses. Comme fête populaire, ça a quand même plus de sens que les continuelles fêtes-sans-raison, les raves ou les botellones, non ?

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Vendredi 19 Septembre 2008, 19:47 dans la rubrique "Récits".