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Si l’Italie se déchire sur le corps d’une jeune femme dans le coma depuis 17 ans, ce n’est pas à propos de l’euthanasie.

Le cas d'Eluana Englaro, quelle tristesse ! Quelle honte ! Quand, jeudi dernier, on croyait avoir touché le fond parce que le Sénat venait d’approuver grâce au Partito del Popolo della Libertà (qui englobe Ligue du Nord, Forza Italia de Berlusconi et Alliance nationale ex-fasciste) les lois sur la sécurité, qui non seulement abolissent l'interdiction faite précédemment aux médecins et personnels de santé de dénoncer à la police les sans-papiers qui viennent se faire soigner, mais les obligent implicitement à le faire vu qu’aux yeux de la loi ils sont désormais identiques aux criminels mafieux les plus sanguinaires qu’ils ont l’obligation de dénoncer ; qui légalise les rondes de citoyens comme auxiliaires des polices municipales ; qui permet de porter le prix du permis de séjour jusqu’à 200 Euros ; qui ordonne le fichage de tous les SDF (on imagine rarement toutes les catégories de personnes qu’on peut mettre sous cette dénomination), et bien, on en était encore loin. Car, depuis vendredi et sous le faux prétexte du sort de cette jeune femme, c’est la légitimité de la Constitution de la République italienne qu’on est en train de remettre en cause.

 

Dune part, la Constitution italienne : écrite en 1948, après la chute du Fascisme, on y avait pris soin, afin d’éviter toute possibilité de résurgence, de mettre un double pouvoir à la tête de l’Etat entre un gouvernement qui répond de ses actes devant le Parlement et un Président de la République muni d’un droit de véto, sans oublier le principe de laïcité qui devait libérer l’Etat italien de la mainmise implicite du Vatican.
De l'autre, Eluana Englaro : de son vivant, elle avait clairement exprimé son refus de tout acharnement thérapeutique. Le cas est né de la bataille légale que son père a voulu entreprendre pour faire respecter sa décision, actuellement admise par la Constitution. Après un long calvaire judiciaire qui est même passé, si je me souviens bien,  par la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, en octobre 2008 la Cour de Cassation a donné son accord définitif pour l’interruption de l’alimentation artificielle. Depuis lors, cependant, les gouvernements (celui de Prodi d’abord et celui de Berlusconi ensuite), toujours aux ordres du Vatican à travers la CEI (Conférence des évêques italiens) qui martèle quand quelque chose ne lui plaît pas mais laisse passer les pires ignominies dans le silence, s’acharne à mettre les bâtons dans les roues à l’application de cette sentence, à travers toutes sortes de menaces et chantages voilés et non, plus sordides les uns que les autres.

Il y a quelques jours de cela, finalement, une clinique de son Frioul natal a finalement accepté d’accueillir Mme Englaro pour procéder, sous sédatifs, à l’interruption de toute alimentation et hydratation. Dès que la jeune femme a été sur place, le Vatican (moins sensible à la vie quand il s’agit des chambres à gaz) s’est immédiatement écrié qu’on allait accomplir un « délit abominable », et le gouvernement, à ses bottes, est remonté sur ses grands chevaux. Berlusconi qui jusque-là était resté silencieux, car il est plutôt indifférent à tout ce qui ne le touche pas personnellement, s’est tout à coup retrouvé au pied du mur et obligé de prendre parti. C’est ainsi qu’il a annoncé que le gouvernement allait promulguer un décret d'urgence pour annuler le verdict de la Cour de Cassation. Un décret d'urgence requérant obligatoirement la signature du Président de la République, Giorgio Napolitano a annoncé qu’il y mettrait son véto, parce qu’il serait inconstitutionnel. Benoît XVI s’est déclaré publiquement profondément déçu par le Président. Berlusconi, dont l’unique aspiration encore insatisfaite sur cette terre est de transformer l’Italie en République présidentielle avec lui à sa tête, a certainement vu là l’occasion qu’il cherchait depuis longtemps pour accélérer les choses en sa faveur, et répliqué : « Si le Président a le droit d’empêcher le gouvernement de faire un décret de loi, cela signifie qu’il faut changer de constitution »(l'art. en it)… y ajoutant toutes sortes d’horreurs comme le fait qu’Eluana pourrait encore avoir un enfant et que la Constitution actuelle n’est qu'un produit philo-soviétique.

 

Ignorant le véto du Président de la République, le décret d'urgence (texte 1) sera soumis à l'approbation du Sénat dès ce mardi. Quand on sait que le Partito del Popolo della Libertà y est majoritaire, et qu’on pourrait faire suivre par un referendum populiste… En somme, il s’agit d’une lutte acharnée pour le pouvoir, avec, comme tremplin, rien de moins qu’un pauvre corps dans le coma depuis 17 ans et toute la douleur que cela comprend. D'ici là tout marche à coup de déclarations et de piquets, pour ou contre, et de manifestations en défense de la Costituzione* que le gouvernement en place piétine de toutes parts. Le fait est que l'Italie, toujours plus fascisante dans son chaos, est maintenant sur le bord de l’illégalité. Donc, à suivre

 

A lire pour ceux qui comprennent l'italien : Non poteva esserci scempio più atroce

1) Traduction de l'italien :"En attendant l’approbation d’une discipline législative complète et organique en matière de fin de vie, l’alimentation et l’hydratation, en tant que formes de soutien vital et physiologiquement finalisées à soulager les souffrances, ne peuvent en aucun cas être suspendues par ceux qui prêtent assistance à des sujets qui ne sont pas en mesure d’y pourvoir par eux-mêmes."

* Pour signer la pétition "Rompiamo il silenzio"

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Ecrit par ImpasseSud, le Dimanche 8 Février 2009, 15:20 dans la rubrique "Actualité".

Commentaires et Mises à jour :

JvH
09-02-09 à 09:53

Tes articles sur l'Italie me rendent toujours triste... La victoire de la démagogie, du populisme, de la superstition, de l'émotion fait mal au coeur! Je me demande quand ça a commencé, ce pays n'a pas toujours été comme ça!

 
ImpasseSud
09-02-09 à 15:27

Re:

Triste... à qui le dis-tu ! Chaque soir je suis contente d'aller dormir pour m'évader de tout cela. Je me dis que demain ça ira mieux, mais il n'en est rien, et c'est de pire en pire. Au début, ce qui m'a attirée puis retenue dans ce pays, c'est son âme chaleureuse, accueillante, tellement plus légère et douce que la rationalité française. Bien sûr, il y avait déjà le revers de la médaille avec quelques inconvénients, quelques retards. Aujourd'hui il ne reste plus grand chose de cette chaleur humaine, l'arrogance, le calcul et la vulgarité ayant pris le dessus. La raison... tu la connais certainement tout autant que moi. Il ne reste plus qu'à espérer que ce "coup de trop" finisse par réveiller les consciences... Mais je me fais peu d'illusion.