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Saramago José, « L’Evangile selon Jésus-Christ » (1991)

Plus que de l’Evangile selon Jésus-Christ, il s’agit sans autre de l’Evangile selon Saramago, car le narrateur, c’est lui. Sans faire semblant d’être un de ses contemporains, avec la même prétention de véridicité des évangiles écrits il y a près de 2000 ans dont il conserve les grandes lignes, et tout en y insérant ses propres commentaires liés à la culture occidentale d'aujourd'hui, il ramène Jésus à une dimension humaine, avec tout ce que cela implique de douleur et d’amour chez un adolescent puis chez un homme jeune ; une dimension humaine qui se révolte contre le destin que Dieu, celui qui se dit son père, a choisi pour lui pour satisfaire sa soif du pouvoir, non plus seulement sur le peuple juif mais sur l’humanité toute entière. Ce qui en fait une œuvre bouleversante et peu importe que les clergés portugais et italiens l’aient déclaré blasphématoire.

Si on est déjà habitué à la syntaxe et aux fantaisies de la ponctuation typiques du grand José Saramago, la lecture de ce livre file toute seule, même si la progression est de plus en plus affligeante. A la fin, il faut même dégeler l’atmosphère, autrement on risque la déprime. C’est pourquoi j’ai choisi de récupérer (partiellement et de traduire) la fraîcheur du beau résumé à la naïveté savamment voulue d'une blogueuse italienne.

 

« (…) Dans ce livre, il y a Marie à qui on a donné un petit rôle insignifiant : elle est un peu bécasse et pas le moins du monde vierge parce qu’elle fait l’amour avec Joseph, et ensemble ils font un tas d’enfants en plus de Jésus, et cette chose-là m’a déplu parce que Marie est une figure que m’a toujours beaucoup plu, mais idéalisée, du genre de celles qu’on voit peintes sur table, pas comme celle-ci qui se rend à peine compte de ce qui se passe autour d’elle ou que Dieu la traite comme un utérus en location. Mais voyons !

Il y a Marie de Magdala, la prostituée, qui, par contre, a un très beau rôle. L’histoire d’amour entre elle et Jésus est d’une beauté, mais d’une beauté ! Le mérite des passages les plus émouvants de tout le livre revient à ces deux amoureux-là, pas à Dieu.

Puis il y a le Diable déguisé en berger qui est le plus équilibré de tous, un personnage vraiment posé, le seul qui, entre autres, soit capable de pitié et qui à un certain moment demande même à Dieu s’il peut lui pardonner, de façon à ce qu’il n’y ait plus le Mal dans le monde, mais Dieu lui répond : « Je ne t’accepte pas, je ne te pardonne pas, je te veux comme tu es et, si possible, encore pire que maintenant, parce que le bien que je suis n’existerait pas sans le mal que tu représentes, l’existence d’un bien sans toi serait tellement inconcevable que moi-même je n’arrive même pas à l’imaginer, en somme, si toi tu finis, je finis moi aussi. » Essayez donc de lui faire la leçon, à Dieu.

En somme, il n’y a pas grand-chose de divin, ils sont tous très humains avec leurs faiblesses, Dieu y compris, qui existe grâce aux hommes et non pas le contraire, - et il le sait -, raison pour laquelle il fait la grosse voix, comme les crapauds qui se gonflent quand ils ont peur.

Mais surtout Jésus, qui se passerait bien d’être le fils de Dieu, parce qu’il ne comprend pas pourquoi, à lui justement qui préfèrerait être simplement un homme, ni pourquoi cette soif de pouvoir du Père sur la peau du Fils, ou plutôt de tous les Fils, et tout ce vacarme à sensation qui en sortira entre martyrs, croisades et guerres au nom de, après, parce que. Mais rien, Dieu, quand il a ses délires d’omnipotence, il faut le laisser cuire dans son jus, parce que de toute façon il ne répond pas, même quand vous lui demandez pourquoi.

« Alors Jésus comprit qu’on l’avait mené à la tromperie comme on conduit l’agneau au sacrifice, que sa vie était destinée à cette mort-là, dès le début, et, en repensant au fleuve de sang et de souffrance qui allait naître en se répandant sur la terre toute entière, il s’exclama en s’adressant au ciel où Dieu souriait, Hommes, pardonnez-lui, parce qu’il ne sait pas ce qu’il a fait. »

Quand on parle d’un final à effet… »

 

Vu par Roberto Saviano : lire le 3ème commentaire ci-dessous.


P.S. Alors que ce livre était mon livre de chevet, j'ai eu l'occasion de voir le film "Centochiodi" d'Ermanno Olmi qui imagine le geste sacrilège d'un Jésus-Christ moderne. Il y a un certain nombre de points communs entre Saramago le athée et Olmi le croyant : lire mon billet à ce sujet.

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Vendredi 17 Juillet 2009, 14:44 dans la rubrique "J'ai lu".

Commentaires et Mises à jour :

sarah-k
17-07-09 à 18:04

Je vais lire ce livre!
Il m'arrive d'avoir des pannes de lecture, c'est à dire que le dernier livre lu, m'a tellement "remuée" (le mot n'est pas tout à fait juste mais je n'en trouve pas d'autres) que je n'ai pas envie de lire autre chose.
Le (les derniers livres): je m'appelle Asher Lev et le don d'Asher Lev de Chaïm Potock.
Et je te les conseille.
En attendant, je vais lire ce livre, tu m'as convaincue :-)))

 
ImpasseSud
17-07-09 à 18:36

Re:

Un livre excellent... un peu déprimant quand même quand on a déjà le moral dans les chaussettes. Mais Saramago me plaît de plus en plus. A tel point qu'il m'a donné l'envie d'apprendre non pas le portugais mais l'espagnol (assez facile quand on part de l'italien, et ça fait plus d'un mois que j'ai commencé) pour pouvoir lire son blog sur lequel il publie chaque jour en deux langues. Concis et mordant là où il faut mordre, comme j'aime :-)
Je prends note des livres que tu me conseilles, je vais les ajouter à la liste de mes prochains achats.


 
ImpasseSud
03-07-10 à 10:04

Vu par Roberto Saviano

Ici il s’agit de l’extrait d’un article de Roberto Saviano : "Il mio maestro José. Saviano ricorda Saramago", publié sur Micromega le 19 juin 2010, le lendemain de sa mort.

 

« Saramago, je l’avais découvert comme tout le monde, en le lisant. L’Evangile selon Jésus-Christ, c’était celui de ses livres qui m’avait changé, en transformant la façon de sentir les choses. Ce Jésus homme, qui fait des erreurs, aime, avance péniblement, essaie d’être heureux, m’était apparu comme un personnage tout à fait nouveau dans l’histoire de la littérature. C’était une synthèse des évangiles apocryphes, des évangiles officiels, des récits païens et des légendes matérialistes sur le Christ socialiste. C’était le Jésus de l’amour charnel envers Marie-Madeleine. Sur cet amour Saramago a écrit des mots enchanteurs comme seul le Cantique des Cantiques avait réussi à le faire : « “ Si tu ne veux pas que je te regarde, je regarderai ton ombre”, lui dit-elle, et lui, il répondit : “Je veux être partout où il y aura mon ombre, si c’est là que se trouveront tes yeux” ».

C’est un Jésus humain qui ne veut pas mourir : il est le contraire de la sainteté, un homme avec ses erreurs, ses pêchés, ses talents et avec son courage. Il a l’air de dire au lecteur que pour connaitre la vie sans devenir des serfs ou des esclaves, il suffit d’être fidèle à soi-même. « Alors Jésus comprit qu’il avait été trompé comme un agneau qu’on conduit au sacrifice, que sa vie était destinée à cette mort, dès le début, et, en pensant au fleuve de sang et de souffrance qui allait naître et se répandre sur toute la terre, il s’exclama tourné vers le ciel où Dieu souriait : « Hommes, pardonnez-lui, car il ne sait pas ce qu’il a fait ». C’est ainsi : quand il s’adresse à l’Homme, Jésus lui demande de pardonner Dieu, retournant la version évangélique du « Père, pardonne-leur…. »
(Traduction de l'italien par ImpasseSud)