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Le Clézio J.M.G., « Désert » (1980)

Deux récits parallèles, en alternance, à travers deux magnifiques regards d’adolescents. Celui de Nour, adolescent puis tout jeune homme aux alentours de 1910. Celui de Lalla, adolescente puis toute jeune femme durant les années 70. La seconde pouvant être une descendante du premier. Une histoire double au souffle épique, à travers les personnages mémorables et la grandeur d’une culture perdue, face à laquelle c’est l’Europe qui apparaît comme une terre aride et désolée. 


Nour prend part à la grande migration des peuples libres du désert, guidée par Ma el Aïnine, chef spirituel et fondateur de la ville de Smara dans la vallée Saguiet El Hamra, ses fils et ses courageux guerriers, contraints par l’invasion des « Chrétiens » à la fuite vers des terres qu’ils croient plus hospitalières.

Lalla est fille du Sahara, née à l’ombre d’un arbre proche d’une source. Dans ses veines coule le sang des « hommes bleus », vaincus par les conquérants français mais indomptés. Elle a grandi dans un bidonville, mais libre et dans « Le bonheur », au rythme des récits des légendes. Dans les dunes qui regardent la mer ou sur le plateau rocheux tout proche où l’unique son et l’unique odeur sont ceux du vent, elle retrouve ses amis, Naman le pêcheur, Prince la mouette, attend la révélation de Es Ser, le Secret, « celui dont le regard est comme la lumière du soleil, qui entoure et protège », ou va à la recherche du Hartani, le jeune berger qu’elle aime. Mais on veut la marier contre son gré. Après une évasion manquée vers « leur » désert, Lalla arrive à Marseille avec l'enfant qu'elle porte en elle. Là aussi la liberté existe, mais c’est une liberté faite de faim, de la violence des hommes, de la peur de la police. Dans le panorama de cette liberté qui ressemble plutôt à une « vie chez les esclaves », il n’y a ni dune, ni vent, ni lumière, ni ciel d’un bleu pur, mais des rues sombres et humides, des maisons opprimantes, des lumières au néon, des mendiants sur les trottoirs, du travail dégradant. Bien que sa grande beauté lui offre tout à coup un destin différent, rien ne pourra suffoquer le rappel du désert, l’unique endroit où elle peut se retrouver et…

 

Un très très beau roman, une langue d’une grande pureté, un style lent aux rythmes du désert. De ce livre-là, j’ai savouré chaque mot, chaque phrase, chaque regard. Ayant connu le Sahara, j'y ai retrouvé tout ce qui m'avait séduite, mais pour ceux qui ne le connaissent pas, c'est l'occasion de découvrir en beauté tout ce qui se cache derrière le regard de tous ces "autres" qui en viennent. "Mon message est qu'il faut continuer de lire des romans car c'est un bon moyen de comprendre le monde actuel", a déclaré J.M.G. Le Clézio quand il a appris qu'on venait de lui décerner le Prix Nobel de littérature 2008. 

A lire absolument.

 

Je suis enchantée d'avoir renoué avec cet écrivain, un peu abandonné après Le Procès-verbal que j'ai tout à coup envie de relire. Chaque âge n'a-t-il pas ses interprétations ? 

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Vendredi 7 Août 2009, 20:03 dans la rubrique "J'ai lu".