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Dans la dèche en 2009

Ici, bien sûr, je fais un parallèle avec « Dans la dèche à Paris et à Londres » de George Orwell, livre qui bien qu’écrit en 1929, est tellement actuel, exempt de rhétorique et imprégné d’humanité clairvoyante que tous ceux qui s’intéressent de prêt ou de loin à la montée du chômage et à l’augmentation du nombre des sans-abris et SDF qui en découle devraient le lire. Dans les solutions qu’on proposait alors et qu’on propose aujourd’hui, il y a toujours ce même acharnement négateur : d’une part, on cherche à réduire la visibilité du phénomène, de l’autre on ne propose que des solutions autoritaires qui dépouillent ceux qui en sont l’objet de leur individualité. Si je reviens sur cette question, c’est suite à la lecture de deux articles. Tout d’abord "Ce que nous proposons pour les sans-abri", qui déçoit parce qu’il sent la bureaucratie (que le rapport en lien ne fait que confirmer) dans son désir primordial de définir, disséquer, trier, classer. Ensuite, l’histoire récente de Rosette, et de l’état d'abandon dont elle est l’objet, qu'on peut résumer ainsi :

 

Suite aux difficultés de réapprovisionnement créées par le récent mouvement de grève du LKP en Guadeloupe, la municipalité de Pointe-à-Pitre et le Secours catholique ont décidé de porter des colis de nourriture à ceux qui ne peuvent plus se ravitailler.

62 ans, un grand fils de 46 ans à sa charge, Rosette n’est apparemment pas dans les plus mal lotis puisqu’elle vit à l’abri du froid dans un petit appartement et qu’elle bénéficie d’une allocation logement. Elle est donc recensée (la bureaucratie est sauve), mais l’histoire révèle que les services sociaux qui s’en occupent ne sont jamais entrés chez elle et ignorent tout de la dégradation de son cadre de vie.

Son paquet délivré, le groupe s’éloigne presque avec pudeur, mais Rosette, sans doute dans un dernier réflexe d’espoir, les rappelle et les invite à entrer... car ce dont elle a besoin, c’est d’un plombier. Dans son intérieur tout est d'une saleté repoussante, le mobilier pratiquement inexistant. Dans la cuisine les bacs de l'évier sont bouchés depuis longtemps, et elle ne peut plus cuisiner. Elle a honte de son état, mais finalement quelqu’un semble avoir le temps de l’écouter : « Je voudrais juste un plombier », répète-t-elle tout en racontant brièvement son histoire.

Mais le groupe semble en avoir décidé autrement : un plombier ne suffirait pas, ce dont elle a besoin, c’est d’ « une équipe de nettoyage et d’une aide-ménagère pour assurer le suivi ».

 

Mais que diable ?! Pas moyen de se faire écouter ! Rosette ne demande pas tout le tremblement, elle n’est pas invalide, elle demande simplement qu’on lui envoie un plombier. Si la requête d’un plombier est le seul besoin qu’elle exprime alors que ses interlocuteurs semblent toute-oreille, c’est qu’il est impératif, c’est qu’elle pense qu’avec une tuyauterie de nouveau en bon état, elle pourrait reprendre en main le nettoyage de son appartement, sortir de cette crasse dont elle a honte, sans doute recommencer à cuisiner, etc… Bref, reprendre doucement sa vie en main, retrouver un peu d'espoir, le respect d’elle-même…. Est-ce si difficile à comprendre ?

 

Il en est de même pour tous les sans-abris et les SDF dont on nie les nécessités. J’ai toujours eu du mal à comprendre pourquoi, même aux yeux des mieux intentionnés, la pauvreté (et encore plus quand on n'est plus tout jeune) vous transforme automatiquement en personnes non plus « saines de corps et d’esprit », mais en invalides qui ne savent plus discerner leurs besoins, dont il faut avoir peur, en tous cas en personnes à la place desquelles il faut absolument décider. Compte tenu des progrès sociaux de la seconde moitié du XXème siècle, il est étonnant qu'on n'ait toujours pas appris l'art de l'écoute, ce qui coûterait certainement moins cher à la société. A moins qu'on ait froidement décidé de ne pas entendre. Et compte-tenu des progrès dans le confort, il me semble que les foyers d’hébergement d’aujourd’hui sont tout aussi inadéquats et cruels que ceux d’autrefois. Je suis sûre que George Orwell les dénoncerait.

 

Espérons donc que, dans un effort de compréhension, on envoie bien vite un plombier à Rosette...

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Vendredi 20 Mars 2009, 18:44 dans la rubrique "Actualité".

Commentaires et Mises à jour :

sarah-k
21-03-09 à 13:58

l'insoutenabilité légèreté de l'être

Alors...
Si quelqu'un de responsable envoie rapidement un plombier à Rosette.....
On aura résolu du même coup d'autres problèmes insolubles concernant le logement.
Ma façon de répondre peut sembler lapidaire mais c'est parce que ce problème simple n'est pas résolu ni pris en compte en urgence que d'autres milliers de problèmes ne trouveront pas non plus de solution.
Après 20 ans d'expérience dans le domaine, je ne vois pas d'autres façons de répondre.

 
ImpasseSud
21-03-09 à 15:10

Re: l'insoutenabilité légèreté de l'être

Lapidaire ou pas, je partage tout à fait ton opinion. Je n'ai pas ta grande expérience, mais celle que j'ai encore et que j'ai eue met/a souvent mis en évidence des services sociaux officiels comme nés pour eux-mêmes, qui pensent d'abord à la papasserie, à faire entrer ceux qui ont besoin d'aide dans un cadre, à faire des statistiques, à ne pas sortir des limites que tracent le vent en cours, pour ensuite accoucher de solutions inadéquates, rigides, humiliantes, hors sujet ou carrément disporportionnées. Est-ce dû à la teneur des études qu'on prétend des opérateurs, qui les éloignent trop de la réalité et corrompent leurs esprits ? Est-ce dû à l'esprit de présomption diffus chez ceux que le malheur ou la malchance n'a jamais touché ? Est-ce le lot récurrent de toutes les "aides" érigées en système ?

 
sarah-k
25-03-09 à 07:18

l'insoutenable légèreté de l'être

En fait, dès que l'on se trouve dans le secteur social, il y a des procédures simples ou complexes mais il y a des procédures.
C'est très bête mais si tu es dans un cas qui sort du schéma imposé, tu peux rester longtemps avec ton problème.
Un exemple : tu es dans un immeuble, d'un bailleur social X, il y a un contrat de robinetterie compris dans les charges qui prend en charge les joints de ci de ça mais pas le dégorgement car cette dépense est dîte locative (à la charge du locataire), toi tu as ton évier bouché, tu n'as pas beaucoup d'argent et le contrat ne prendra pas ce problème en charge, tu demandes au bailleur, s'il n'y a pas un plombier en régie qui pourrait régler cela?
Non! Il n'y en a plus....tu te débrouilles, tu appelles le plombier, alors voilà si tu n'es pas touché par mille autres problèmes, tu vas trouver une solution, si la vie t'a laissée par terre, tu vas comme d'habitude laisser aller, les choses se dégradant peu à peu.
C'est pourquoi tu trouves dans les logements des personnes qui ne peuvent plus se servir ni de leur évier ou lavabo ou toilettes.
Alors quand tu es une association, tu milites pour qu'il y ait de nouveau un plombier en régie pour les petite misères du quotidien ou que le contrat de robinetterie prenne en charge d'autres misères quotidiennes mais là, tu te heurtes à ce que l'on appelle, la notion de charges récupérables (décret du 6 juillet 89), toutes ces petites misères de plomberie font partie de l'entretien courant et sont récupérables sur le locataires et si tu prends un contrat qui prend en charge toutes les misères, il est cher le contrat et les associations hésitent pour ne pas alourdir la facture charges, alors on redemande s'il ne serait pas possible qu'il y ait un plombier en régie et ainsi de suite....
Au bout de cent réclamations de la part de l'association( s'il y a une association de locataires), un plombier va quand même venir voir le désastre , la conclusion va être rapide, c'est tellement vétuste, qu'il faut tout changer....
Le bailleur va en conclure que tu as tout saccagé, que tout est à ta charge et que tu ne peux plus rester dans les lieux, tu ne peux plus vivre sans aide et tu vas avoir les services sociaux sur le dos.
Cela joue, évidemment pour les personnes les plus vulnérables.
Tu vois le topo pour une histoire d'évier bouché, alors imagine le reste.
Je vais mettre quand même un bémol, il y a certains bailleurs qui commencent à faire des efforts sur le sujet.

 
ImpasseSud
25-03-09 à 16:39

Re: l'insoutenable légèreté de l'être

La situation que tu décris ici est hallucinante car elle ne peut que générer l'ankylose du système, voire sa paralysie. A se demander si ceux qui l'ont élaboré étaient de mauvais génies, ou si, à force de vouloir le rendre toujours plus parfait et plus sûr, à l'abris des profiteurs et des fourbes, on a fini par le rendre inutilisable. Au grand plaisir de ceux qui en vivent, bien entendu, et des mieux nantis qui, à leurs tours, peuvent abuser des positions de replis.

Pauvre Rosette ! Verra-t-elle jamais un plombier ?
Dans son cas, il ne reste donc qu'à espérer en un retour à une bonne volonté efficace, comme tu le signales, ou, pour l'immédiat, à un recours au bénévolat, principe que je n'aime pas beaucoup hors des catastrophes, car il permet à l'Etat de négliger ses devoirs envers les plus faibles. La montée du bénévolat est en général l'un des premiers indices révélateur d'un système social injuste ou qui fonctionne mal, d'un système qu'il faut revoir.
Cependant, pour Rosette l'urgence est là. Alors j'ose espérer qu'une association quelconque ou qu'un particulier, suite à l'article publié sur France-Antilles, se sera décidé, dans un élan d'humanité, à envoyer un plombier chez elle, et que ce plombier sera un de ces professionnels de la débrouille, de plus en plus rares (moi, j'ai la chance d'en avoir un), qui, sans prétendre de tout remettre à neuf, fasse un travail efficace. Mais dans une société de plus en plus procédurière comme la nôtre, ne risque-t-elle/il pas de se retrouver avec un procès sur les bras pour avoir fait une intervention non autorisée ?
J'aimerais vraiment que la crise remette un peu les pendules à l'heure, car il est grand temps.

 
sarah-k
26-03-09 à 08:53

l'insoutenable légèreté de l'être

Oui! En fait pour être rigoureux , on imagine des procédures qui se révèlent improductives sur le terrain.
Je lis un blog depuis 2007 sur le sujet dans mon HLM , c'est à se rouler par terre soit de pleurs soit de rire .
Il faut évidemment encadrer certaines choses comme les attributions logements, les appels d'offre des entreprises de services et réhabilitations mais il faut garder une souplesse dans le quotidien.
Rosette ne risque rien à ce qu'un copain plombier donne un coup de pouce, l'évier, c'est locatif, c'est à dire à ta charge (en revanche, on ne touche pas aux compteurs d'eau, colonnes montantes, robinets de radiateurs, radiateurs, vannes: à la charge du propriétaire )
Il y a un article de loi très important sur la vétusté : la vétusté étant toujours à la charge du propriétaire mais pour le mettre efficacement en oeuvre, il faut souvent passer par la case tribunal.
(Il y a certains bailleurs qui ont signé des grilles de vétusté avec les associations de locataires)
Il est bien évident que quand les personnes sont très vulnérables, elles ne se servent pas du tribunal d'instance de leur secteur.
J'ai aussi lu avec intérêt, le blog de Julie, SDF et j'ai envie de dire un petit mot.
Cela peut paraître incroyable mais Julie n'est pas plus prioritaire du fait qu'elle ait deux enfants et pas de logement, malheureusement , c'est le lot de beaucoup de gens.
A Paris, il y a 100.000 demandes qui ne sont pas honorées, pas de construction nouvelle, pas de terrains ou terrains hors de prix,les locataires ne bougent plus du tout de leur logement, il n'y a plus de rotation.
Le logement social est très vaste et la situation n'est pas bien comprise.
Dans le logement social, il y a plusieurs catégories de secteurs suivant les prêts qui ont été accordés par l'état.
Du logement très aidé avec des prêts très bas, là, l'état s'est vraiment désengagé, il n'y a preque pas de constructions à Paris.
Des logements intermédiaires moins aidés qui sont réservés aux employés de différentes entreprises (1% patronnal)
D'autres encore qui sont réservés aux fonctionnaires (souvent, l'armée, la police......)
Il y a donc très peu de nouveaux logements très socials et très peu de rotation et les personnes qui entrent aujourd'hui dans ces logements sont ultra prioritaires (enfants atteints de saturnisme, familles en danger....)
Et il est inutile de dire que le Maire du 18 ème est méchant, il ne possède pas d'appartements et heureusement, il ne met pas ses copains, il n'en disposent pas à sa guise, et il se lamente comme nous de cette situation complètement paralysée.
J'aurais préféré que le Monde fasse des articles sérieux sur le sujet et évoque le lent désengagement de l'état pour le logement des personnes les plus modestes.

 
ImpasseSud
26-03-09 à 15:44

Re: l'insoutenable légèreté de l'être

Le Monde, hélas, n'est plus ce qu'il était, ni du côté indépendance, ni du côté éclectisme, ni du côté de la qualité de l'écriture. Mais n'est-ce pas un peu la caractéristique de la presse d'aujour'hui qui, sauf de rares exceptions, préfère courir uniformément après les mêmes faits divers alléchants ou publier des tonnes d'opinions, plutôt que de faire de la réelle information. 100.000 demandes de logements pas honorés dans une seule ville, en Europe de l'Ouest cela devrait faire l'objet d'un martelage incessant.
Hier soir, sur RAI3, j'ai vu une émission où, dans un tout autre domaine, on a mis en évidence les grands pouvoirs mais aussi les grandes responsabilités par omission de la presse écrite dans la dégradation de la société. Actuellement, il semble que tous les grands journaux nationaux aient abdiqué... Quand on pense qu'il n'y a jamais eu autant de journalistes, et que, en ces temps difficiles, il y a de plus en plus de gens avec une grande soif d'information, c'est plutôt paradoxal. Le drame de Julie a simplement servi de scoop, c'est tout. Heureusement qu'elle a la possibilité de continuer à tenir son blog.
Et en ce qui concerne Rosette, que je ne connais absolument pas, j'ai presque envie d'écrire à France-Antilles pour savoir si on lui a finalement envoyé un plombier.

 
sarah-k
26-03-09 à 16:04

l'insoutenable légèreté de l'être

Impasse, fais ça!
On veut savoir si Rosette a eu la visite d'un plombier.

 
ImpasseSud
04-04-09 à 12:26

Re: l'insoutenable légèreté de l'être

J'espérais pouvoir contacter directement le journaliste-auteur de l'article à travers le service de rédaction de France-Antilles, mais je n'y arrive pas.