Voilà quelques années que ça dure. Je côtoie de plus en plus souvent des personnes avec des problèmes de santé. Certains exagèrent nettement de petits maux sans importance et empoisonnent les autres avec leurs jérémiades et leurs chantages incessants, tandis que d’autres, dont le cas est beaucoup plus sérieux, font tout ce qu’ils peuvent pour minimiser, pour ne pas peser sur leur entourage. Moi, au milieu de tout cela, j’ai la chance d’aller bien, mais je suis contrainte à observer, comprendre, encaisser, m’adapter, etc… Rien d’héroïque dans tout cela, je n’y ai pas grand mérite car si ça ne coule pas de source, c’est tout comme. Je suis loin d’avoir la patience d’un ange et je bouscule volontiers les plates-bandes, mais, physiologiquement parlant, je serais totalement incapable de rester indifférente. Et puis, je n’aime pas les problèmes sans solution.
Il y a trois ans environ, une de mes meilleures amies a eu un cancer du sein. Au moment du diagnostic, son mari et elle-même (un couple très uni et d’un très grand charme) ont tout d’abord fait le voyage en Chine qu’ils avaient projeté, et, au retour, ils ont pris le taureau par les cornes. Entre opération et chimiothérapie, la vie n’a pas été facile tous les jours. C’est là que l’amour donne tout son poids, et, heureusement, aujourd’hui ça va mieux. Cependant, un jour que je téléphonais pour avoir des nouvelles, je suis tombée sur lui, que j’ai en grande sympathie, et, peut-être plus las que d’habitude, il a laissé échapper : « Quand on a quelqu’un de gravement malade, tout le monde s’intéresse à lui, mais jamais à ceux qui l’assistent ! ». Je n’ai pu qu’en convenir. On prétend toujours d’eux qu’ils aient une santé de fer, des nerfs d’aciers, un courage à toute épreuve, un grand esprit d’abnégation, etc.… tout cela au nom de l’amour. On oublie si vite qu’un être humain n’est qu’un être humain, avec ses limites et ses besoins, on oublie qu’il est assailli par l’angoisse et même par le découragement, mais que tous les jours, il doit faire semblant de rien, comme si tout était au mieux dans le meilleur des mondes. On oublie que sa vie est souvent bouleversée de fond en comble, et qu’il est obligé de tout réinventer pour que rien n'ait l'air de changer. Alors pourquoi ne leur demande-t-on jamais : « Et toi, comment vas-tu ? »
Un bon nombre d’entre nous est capable de comprendre que la lutte contre une grave maladie est une gageure, qu’elle comprend une souffrance permanente, des actes de courage, un grand besoin d’espoir, beaucoup de patience mais aussi des moments d’abattement. Mais pourquoi oublie-t-on si facilement le parent proche, toujours présent, si discret ou hilare pour donner le change, pour alléger le côté dramatique de la situation, et qui sait si bien s’effacer. Car dans l’ombre et en cachette, alors que la journée s’achève, c’est lui qui, tout au fond d’une mécanique routinière désormais bien huilée, se demande « Pourquoi ? », et ivre de lassitude, de fatigue et de solitude, n’espère qu’une seule chose : sombrer dans le sommeil.
J’ai vécu cette situation, et je sais combien peut faire plaisir le mot, le sourire qu’on a pour vous, personnellement, le courage que cela peut insuffler. Et quand je parle avec un malade, rien ne me touche plus que de savoir que lui-même, au lieu de se replier exclusivment sur soi, est conscient des efforts de son entourage, de la part qu'ils assument dans sa lutte contre la maladie. Alors, la prochaine fois que vous irez rendre visite à un malade, n’oubliez pas de demander à ceux qui l’assistent : « Et toi, comment vas-tu ? » Sans vous en douter, sans en avoir l'air, vous aurez apporté une aide très précieuse.
Commentaires et Mises à jour :
Re:
Bonsoir Jean-Jacques,
Je pense que le "Et toi, comment vas-tu?" ne doit pas forcément entrer dans le cadre de la maladie mais plutôt donner aux proches l'impression qu'ils existent encore en tant qu'individus. Cela apporte un soulagement mental et recharge les batteries en quelque sorte.
Bien amicalement... en ce dimanche soir :-)))!
Re: Re:
Jean-Jacques
Ton texte, encore une fois ImpasseSud, met en évidence les tenants et les aboutissants de chaque sutuation existentielle. Je me retrouve dans deux d'entres elles. Côté acteur et côté spectateur. J'ai reçu dans le prmier cas et donné dans le second.
Depuis de nombreuses années je minimise mon état de santé pour ne pas ennuyer les autres. On m'a appris à regarder des souffrances bien pires, pour en supporter la mienne...Lorsqu'on a une souffrance physique ou morale et qu'on lutte pour s'en affranchir, il n'est pas toujours bon d'en faire partager ses amis. On veut toujours offrir ce qu'il y a en nous de meilleur et leur laisser cette image. On réserve les pleurs et la souffrance pour soi, cela ne s'explique pas.
Par contre, j'ai eut maintes fois l'occasion d'offrir mon aide à ceux ou celles qui le désiraient. J'encourage toujours les autres à ne pas céder à l'immobilisme face à des problèmes qui n'en sont pas forcément.
C'est vrai qu'un encouragement ou un regard pour soi, lorsqu'on passe des journées et des nuits d'assistance médicale à une tierce personne, donne du courage et nous renvoie une image de l'utilité de notre geste.
Re: rien à ajouter
une petite question qui peut faire tellement de bien ,effectivement....je l'ai encore constaté hier , aujourd'hui....:-)
>Lorsqu'on a une souffrance physique ou morale et qu'on lutte pour s'en affranchir, il n'est pas toujours bon d'en faire partager ses amis.
Pierre, je suis tout à fait d'accord avec toi, car bien souvent au lieu de la rendre plus légère, on en augmente la portée, on complique les situations et il arrive même qu'on paralyse la gaîté spontanée de son propre entourage, cette gaîté qui, justement, nous fait du bien, nous change les idées.
Re: Re: rien à ajouter
Tgtg, elle fait du bien même dans la vie de tous les jours. Je suis toujours surprise par ces gens à qui, quand on les rencontre, on demande comment ils vont. En moins de deux ils vous racontent toute leurs vie, mais il ne leur vient pas à l'esprit de dire : Et vous? :-)))))
Juste ce petit mot pour confirmer ce que tu penses, les prôches ont eux aussi grand besoin de réconfort. Mais la communication devient un peu plus difficile face à la maladie, car nos propres peurs ressurgissent aussi.
Des bisous en ce dimanche soir... :-)
Jean-Jacques