Je viens de terminer la lecture de la traduction française de « Az Ajtó » («
Il y a quelques années de cela, j'ai eu l'occasion de confronter deux traductions en italien du Moby Dick d’Herman Melville. Je n’en croyais pas mes yeux. Même si l’histoire était la même, il s’agissait carrément de deux livres différents. La première était l’œuvre d’une traductrice que je ne connais pas, la seconde celle du célèbre écrivain Cesare Pavese. L’une des deux était-elle plus proche que l’autre de l’original ? En étaient-elles aussi éloignées l’une que l’autre ? Le statut d’écrivain de renom garantit-il l’excellence d’une traduction, ou, au contraire, une trahison majeure du fait qu’il est bien difficile de résister à l’impulsion de son propre talent ?
Je ne vais pas répéter le fameux proverbe italien, si concis et si explicite, mais une traduction est toujours une trahison. Au mieux, c'est une approche de l’original, parce que chaque langue a ses propres concepts, que ces propres concepts n’ont pas forcément un équivalent dans une autre langue, et que, en plus, les lecteurs qui lisent une traduction n’en perçoivent que ce qui est à leur portée - (comme de toute lecture me diront certains avec raison, mais ne nous éloignons pas du contexte) -, c’est-à-dire le reflet de ce que leur langue maternelle a jugé bon, nécessaire, impératif d’exprimer. Entre l'écrivain et le lecteur, combien de trahisons intellectuelles et mentales l'original a-t-il subi ? Encore plus quand l’écrivain est décédé et que le traducteur n’a même plus la possibilité de le contacter pour éclaircir les ambiguïtés. Il y a bien des chances que le produit fini soit, au contraire, « excellemment trahi ».
« Excellemment traduit » par-ci, « excellemment traduit » par-là, j’ai bien peur qu’on soit en train d’assister à une nouvelle mode, celle de la revanche des traducteurs qui, tout à coup, en cette époque où tout le monde revendique, en ont, eux aussi, assez de rester dans l’ombre. Car, même si elle est passionnante, la profession de traducteur littéraire n’est pas facile. En plus d’une grande compétence, elle requiert beaucoup d’humilité pour se couler dans l’esprit de l’auteur. Toutefois, le dur travail achevé, le traducteur a toujours un peu l’impression que l’œuvre qui va sortir est un peu le fruit de ses entrailles, qu'elle lui appartient. En effet, il s’agit à chaque fois d’une véritable œuvre originale, différente de celle qu’aurait produite un autre traducteur.
Par les temps qui courent, où tout est monnayable, il se peut également que cette mode du prix d’excellence soit une trouvaille éditoriale. Je me le demande et je pense que les associations de traducteurs devraient s’intéresser à la question. Au lieu de se soumettre aux distributions de prix d’excellence arbitraires, elles devraient peut-être prétendre que le nom du traducteur apparaisse systématiquement sur la couverture, en dessous du titre.
Mots-clefs : Société, Livres, Défense de la langue française
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Re:
En ce qui concerne la musique, cependant, la transmission, même si sujette à l'interpretation, est plus directe car tous les musiciens du monde entier peuvent partir directement de la même partition, sans qu'il y ait besoin d'un "traducteur".
Cordialement à toi.
Cordialement