Les services des grands brûlés des hôpitaux iraquiens ne désemplissent pas. Non seulement à cause de la présence des blessés par les bombes et les explosions, mais à cause des « victimes » des « fourneaux de fortune ». La fourniture du gaz étant interrompue dans les grandes villes, pour cuisiner, les femmes ont dû inventer des « cuisinières ou fourneaux de fortune » à bois ou à gaz en bombonne, auxquelles elles ne sont pas habituées. Les accidents sont très courants et bien souvent même leurs petits enfants sont blessés. Idem en Afrique du Sud : le nombre d’enfants brûlés et mutilés gravement par des petits fourneaux est tel qu’il a fait naître une association « Children of Fire ». Mais tout cela n’est rien en comparaison des maladies et des morts causées par la fumée de ces « cuisinières ». L’OMS estime que dans le monde, 1,6 millions de femmes et d’enfants meurent chaque année prématurément suite à la pollution due aux fourneaux de fortune ou inadaptés.

En Inde, par exemple, les morts en rapport avec ce phénomène seraient de 400.000 à 550.000 (femmes et enfants de moins de cinq ans). En somme le troisième « killer » du pays par ordre d’importance est la fumée des chulas, nom que l’on donne aux petits fourneaux qu’on alimente avec du bois, des brindilles, des feuilles sèches, les résidus des cultures et du fumier bovin séché.

D’après un éditorial de Sunita Narain sur Down to Earth,  publié à New Dehli par le Center of Science and Environment (www.cseindia.org), dès les années 80, un professeur universitaire avait publié une étude affirmant que les femmes qui cuisinent dans ces conditions sont exposées à 7.000 microgrammes de particules suspendues, alors que les standards pour l’air sont de 140. La quantité de benzopyrène libérée dans l’air équivaut à celle de dix paquets de cigarettes. Durant les années 90, la pollution a subi un boom, même dans les villes indiennes, et c’est alors qu’on a clairement constaté l’impact des particules domestiques sur la santé, qui présentent des concentrations supérieures à celle d’une rue polluée. Les maladies dues aux « chulas » arrivent tout de suite après celles imputables à l’eau sale et à l’absence d'égouts.

« Pour balayer la moitié des causes de maladie et de mort prématurée en Inde », écrit Mme Narain, « il suffirait de garantir l’accès à l’eau propre, l’installation de sanitaires, de la nourriture et un logement ventilé. »

Afin de résoudre ce problème, l’Inde a déjà lancé plusieurs solutions, comme la promotion d’un nouveau type de "chulas amélioré", puis des fourneaux à énergie solaire, d’où ne se dégage aucune fumée. Cependant, ils ont du mal à décoller, surtout dans la couche sociale qui en aurait le plus besoin, et le Concil for Applied Economic Research a constaté que 40 % des nouveaux fourneaux installés entre 1996 et 2001 n’étaient plus utilisés. La solution serait que tout le monde - pas seulement les classes moyennes - puisse avoir accès au gaz propane, directement ou grâce à des bombonnes, même petites.

Mme Narain conclut son article par cette phrase :

« Si on améliorait le rendement des voitures de 0,5 % par an pendant les 10 prochaines années, ceci libérerait, dans la même période, l’énergie combustible équivalente aux besoins de cuisson de deux milliards de personnes. Et vu que les riches de ce monde utilisent l’espace atmosphérique des pauvres, ce serait un beau fait de justice climatique. »

(Sources : Il Manifesto)

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