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Lifting

"La Belle et la Bête", illustration de Lucienne Loyeux, 1920Que les chefs d’état soignent leur image, tout le monde le sait. Chacun d’eux a même, parmi ceux qui le suivent à chaque pas, une personne qui ne s’occupe que de cela. A l’ère des médias télévisés comme première source d’information, l’apparence a pris le pas sur la consistance.

 

On a abondement disserté, élaboré, parlé de l’appareil acoustique de Jacques Chirac, dont, paraît-il, le principal défaut est qu’il est visible. Et de l’autre côté des Alpes, les gorges chaudes à propos du récent lifting de Silvio Berlusconi n’en finissent plus. Il  y a cependant une nette différence entre l’un et l’autre. Pour le premier, il s’agissait sans aucun doute d’une nécessité « absolue », et je suppose qu’il est suivi en France. Pour le second, qui s’est fait retouché les paupières tombantes, les poches sous les yeux et le cou, je pense qu’il s’agissait d’un désir « personnel », mais qu’il a fait exécuté, avec le mépris habituel des Italiens riches pour la médecine de leur pays, y compris pour les mandarins, dans une clinique suisse par des chirurgiens américains, les meilleurs dans ce domaine, venus de Californie exprès pour lui. Je ne sais pas si Berlusconi est satisfait des résultats qu’il a obtenus. A mon point de vue, il était mieux avant. Il n’a pas rajeuni, au contraire. Aujourd’hui, il est plus maigre (ses vêtements semblent trop grands), et ses traits (avec les pattes d’oie qui ont remplacé les bourses et les tendons saillants du cou) sont incontestablement plus durs. Le sourire enjôleur qui a su séduire les foules semble moins spontané, mais l’arrogance est toujours intacte. Est-ce cette image-là qu’il désirait? N’a-t-il pas, au contraire, déchiré un coin du voile ?

 

Pour ma part, si je suis loin d’être insensible aux gens qui « vieillissent bien », je n’y attache plus aucune importance à partir du moment où ces mêmes personnes ont un rôle fondamental dans la vie de chacun d’entre nous. Ce qui compte, c’est ce qu’ils font, ils n’ont pas été élus pour jouer au jeune premier.

 

Certaines opérations de chirurgie esthétique sont parfois vraiment nécessaires, mais quoi de plus ambigu qu’un lifting ? Pour celui qui s’y décide, j’imagine qu’il s’agit d’une question importante, mais a-t-il vraiment le pouvoir de changer l’image qu’on se fait de soi ? Un être humain avec des défauts, un être humain qui vieillit n’est-il plus digne de respect ni de considération ? La sphère intellectuelle et celle des compétences, ne sont-elles qu’un ajout, une qualité en plus, qui, cependant, ne peut être reconnue, admirée ou utilisable que si elle est « présentable » ?

 

Il paraît qu’aujourd’hui - je l’ai entendu dire à plusieurs reprises -, que des hommes d’Etat comme Roosevelt (sur sa chaise roulante) et Churchill (avec son gros ventre), ne pourraient plus avoir, tels quels, leur place sur la scène politique. Il paraît qu’un homme en vue ne peut plus se permettre d’avoir des cheveux gris ou blancs et parfois même un crâne chauve, et qu’une femme, pour être acceptable, doit conserver la fraîcheur d’une jeune fille, alors qu’une jeune fille, pour être remarquée, sélectionnée, doit présenter, avant l’âge, un corps de femme. N’y a-t-il pas un grain de folie dans tout ça ?

 

La beauté et la jeunesse sont sans aucun doute une joie pour les yeux, et je reconnais volontiers que certains défauts physiques peuvent empoisonner l’existence de quelqu’un jusqu’à devenir une fixation, effaçable seulement par une opération. Mais je ne comprends pas qu’on érige en système la beauté physique (aux canons parfois douteux) et l’éternelle jeunesse, que les médias, pour bêler dans le sens du vent, en fassent un impératif, un critère incontournable, donnant de cette manière une gifle retentissante et humiliante au commun des mortels, fait de jeunes et de vieux, de beauté et de laideur, mais surtout, pour ceux qui savent la voir, d’une personnalité complexe et mouvante pleine de qualités, de compétences, de sentiments, et parfois même de génie. S’il est normal de prendre soin de son corps pour soi-même et comme forme de respect envers ses semblables, est-il normal que les seuls modèles valables soient la jeunesse et la beauté ? Ou bien s’agit-il, de la part de la classe dirigeante actuelle (pas spécialement jeune!), de l’imposition, pour leur satisfaction personnelle, d’une sorte « d’uniformisation » à tout prix, à laquelle ne se plient, la plupart du temps, que les masses manoeuvrables, de beaux moutons de Panurge en quelque sorte, qui sont près à tout pour le devenir ou pour le rester ?  

 

« La belle et la bête »*, conte philosophique écrit en 1757 par Mme Leprince de Beaumont, n’est-il pas, plus que jamais, à l’ordre du jour ? Notre société, on ne peut plus bancale, ne l’est-elle pas justement à cause de ce nivellement qui rétrécit la gamme et la variété des aspects et rejette les membres non conformes? Faut-il vraiment que tout le monde se mette au lifting?


(photo) * J'aurais aimé trouver la photo d'une des illustrations de Gustave Doré. Si quelqu'un peut m'aider, je l'en remercie d'avance.

Ecrit par ImpasseSud, le Samedi 31 Janvier 2004, 16:33 dans la rubrique "Actualité".

Commentaires et Mises à jour :

sarah-k
01-02-04 à 15:02

Crise de narcissisme aîgue!

A dix ans, je me trouvais mignonne
A vingt ans, je me trouvais pas mal
A trente ans,je me trouvais carrément belle
A quarante ans, je me trouvais superbe
La quarantaine, bien avancée,je me trouve extraordinaire :-)))!
A quatre-vingt ans, je concourrai pour Miss monde.
Tout ceci est bien évidemment dans la tête.....
Aussi, narcissique sois-je, je ne changerai rien à mon physique.
je me souviens de ma grand-mère avec ses rides et ses cheveux blancs et son air si fragile et son odeur de grand-mère entre lessive, confiture et clous de girofle, je veux lui ressembler à qq détails près,jeans, cheveux blancs, rides et clope au bec :-))).
Je me souviens de "la belle et la bête", surtout le film de Jean Cocteau,mais je savais que la bête était Jean Marais, alors voilà tout le paradoxe :-))!
Je me demande si Gustave Doré a illustré le conte, les contes de Perrault, ça j'en suis sûre mais "la belle et la bête", je ne crois pas???
Ce qui est sûr, c'est que Cocteau s'est inspiré pour son film des gravures de Gustave Doré.

 
ImpasseSud
01-02-04 à 17:59

Re: Crise de narcissisme aîgue!

Point de vue entièrement partagé! :-))) Ton commentaire m'a tout de suite fait penser au petit chapeau violet de Tgtg.

Je n'ai pas vu le film de Cocteau. Cette grosse bête ne m'inspirait pas du tout, au contraire, je crois qu'elle m'aurait fait peur. Je préférais Jean Marais dans les films de cape et d'épée :-)))))