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Octobre en août
--> Le feu et l'eau en folie

Innondations en SuisseAlors qu’Entre mer et maquis il pleut et que nous vivons l’été le plus court et le moins chaud que j’aie jamais vécu depuis mon arrivée ici, au Portugal, sur le même parallèle, l’été - sans doute le plus chaud depuis de nombreuses années -, est un enfer qui dévore le pays de ses flammes, semant terreur et désespoir.

 

Pendant que je regarde le ciel maculé, les larges gouttes qui tombent et gomment le voile de poussière accumulée, j’imagine sans peine mais avec un frisson d’horreur, la calvaire que l’on vit là-bas, car je l'ai vu de près il y a une dizaine d’années. La peur qui vous étreint la gorge de plus en plus étroitement au fur et à mesure que l’incendie se rapproche, le vent que vous maudissez et priez d’aller souffler ailleurs, le thermomètre qui monte en flèche et la chaleur intense qui vous prend sous sa cape, votre respiration qui halète au milieu de la fumée, des étincelles, des brindilles en flamme avant-coureurs, l’immense douleur qui vous déchire dès que le feu est là, près de chez vous. Nous, nous étions dans une villa de vacances, mais nous avons quand même dû fuir en n’emportant que l’essentiel et laissant tout le reste, rejoignant sur la plage, les yeux rougis par la fumée et l’irritation, ceux dont les yeux étaient rouges de désespoir et de peur au milieu d’un visage livide. Les pompiers étaient arrivés, mais sans eau. Là, il n’y avait pas d’eau courante, mais celle légèrement saumâtre qui provient des puits. Il ne restait plus qu’à commencer à détruire les herbes et la broussaille, pour faire la part du feu, avant qu’il n’atteigne les habitations. C’est la raison pour laquelle certains paysans préfèrent brûler leurs champs à l’avance, dès le début de l’été, sans tenir compte du fait que leurs étincelles peuvent aller mettre le feu ailleurs. Heureusement, tout s’était arrêté aux premières maisons, dont la nôtre, et chacun avait retrouvé son chez soi, mais dans quel état ! Au milieu d’un paysage d’apocalypse où une odeur insupportable entravait votre respiration, la suie s’était infiltrée, partout, à travers vos portes et vos persiennes pourtant fermées, dans vos armoires, dans vos draps, dans vos assiettes, dans la nourriture; elle coulait de la douche et du robinet…. Nous avions essayé de résister pendant un jour, puis nous étions partis. Mais ceux qui restaient ?

 

Aujourd’hui, j’ai l’impression de parler d’un autre monde et d’une autre vie, car samedi, sur la route qui nous portait à notre plage préférée, j’ai été saisie par une sensation étrange, indéfinissable, comme par le soulagement de la fin de l’été. La lumière était différente, comme filtrée, les couleurs languissaient, inachevées, résignées, comme si cela ne valait plus la peine de se forcer. La mer semblait calme, mais nous pouvions voir qu’une écume violente explosait sur les écueils. Arrivés sur place, c’est un grondement sourd qui nous a accueilli, celui d’une mer tranquille d’où s’échappait, en violents rouleaux, des lames de fond qui balayaient une partie de la plage, jetant à terre les téméraires et les imprudents dont plus d’un a dû soigner ses bleus et ses bosses. Encore heureux qu’elle n’ait tiré personne par les pieds, vers le fond, comme cela lui arrive. Les enfants, excités par l’aspect insolite de leur jardin d’été, se hâtaient de construire, avec ce sable mouillé et pour un seul instant, des châteaux éphémères dont ils saluaient l’écroulement avec des cris de joie. Une mer d’équinoxe, de septembre, assurément.

Dimanche, la mer sous une clarté d’un azur tendre, alanguie, lisse en surface mais soulevée en longues ondulations par les lames de fond, n’envoyait sur la rive que de petits rouleaux rieurs, permettant aux nageurs de défier ou de s’abandonner à ses eaux laiteuses. Mais les baigneurs, leurs vacances terminées ou effrayés par les gros nuages qui plombaient le ciel de la ville, avaient déserté la plage, comme en octobre, et nous étions bien peu nombreux à aller narguer les bancs sauteurs du menu fretin qui ne craignait plus l'agitation de la rive.

 

Mer anthracite striée de blanc, collines grises derrière un rideau de pluie, ciel de tous les gris, 23 °…, une mauvaise journée de novembre en août en quelque sorte… Dans ce monde de fous qui est devenu le nôtre, espérons que l'excédent de pluie qui innonde l'Europe de la Roumanie à la Suiise aille bien vite éteindre les incendies du Portugal, et reverdir le pays.

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Mardi 23 Août 2005, 14:28 dans la rubrique "Méditerranée".

Commentaires et Mises à jour :

PierreDesiles
23-08-05 à 22:17

""Dans ce monde de fous qui est devenu le nôtre, espérons que l'excédent de pluie qui innonde l'Europe de la Roumanie à la Suiise aille bien vite éteindre les incendies du Portugal, et reverdir le pays.""

Tu ressens exactement les choses comme moi, et on a tendance à les vivre à distance. J'ai eu cette chance de faire un petit séjour d'une semaine au Portugal en mai 1986, après 2000kms au compteur de la voiture, depuis Marseille jusqu'à Lisbonne. Ces paysages étaient magnifiques et vallonés, et les teintes de vert étaient dignes du grand peintre de la nature. Climat continental avec des Jacarandas en fleurs sur toutes les grandes places de la ville. Et quand je vois à la télé cet enfer, comme tu dis, je suis triste de savoir qu'un simple feu de paille, volontaire ou non, peut transformer un paradis en chaudron de la mort.

Je suis d'accord quand tu dis "ce monde de fous", mais n'est t-il pas lui aussi devenu à l'image des hommes qui le massacre? et bien souvent à la tronçonneuse comme en Amazonie, modifiant par une inconscience collective le climat si fragile de notre seule planète, et ce n'est qu'un exemple! On est comme dans un bocal avec des réserves et on est en train d'épuiser dangereusement notre stock vital !

Merci pour ta nouvelle carte postale, qui nous ramène parmi tes souvenirs. Ici sur mon île, c'est l'hiver austral, tout est calme, qu'en sera t-il en saison cyclonique? alors profitons-en!


 
ImpasseSud
24-08-05 à 08:03

Re:

Pierre, dans cette affaire de climat, mon opinion oscille continuellement.

D'un côté je regarde avec horreur et colère toutes les actes criminels que l'on commet contre la planète et ses habitants, sans sourciller, comme la destruction des forêts, non seulement celles de l'Amazonie, mais celles de l'Indonésie où on a allumé sciemment des incendies dont la fumée va jusqu'à obscurcir le ciel de la Malaysie, causant des problèmes respiratoires à ses habitants, etc..., ou encore comme la Chine qui (entre autres méfaits!!!!), avec ses déchets toxiques versés dans les fleuves du Tibet, est en train d'empoisonner les fleuves de tous les pays environnants, etc...

De l'autre, je refuse de céder au vent de catastrophisme idiot et improductif que font souffler les médias, sans critères sérieux, avec, comme uniques résultats, de nous faire consommer un peu plus d'électricité, qui, vu qu'elle ne provient pas encore des énergies renouvelables, augmente un peu plus la dégradation et la pollution. Sans parler du coup de pouce vers le haut à notre taux d'angoisse. Et il ne s'agit pas seulement des JT, mais aussi de la presse écrite, de la plus importante au moindre des sites "spécialisé" sur la Toile, dont les affirmations sont souvent truffées d'erreurs, qui prennent fait et cause pour des querelles de clochers, ou propagent des informations qu'ils n'ont pas apurées.

Alors je regarde le ciel, la mer, la nature qui, après les incendies (et ici nous savons ce que c'est) reprend le dessus dès la première pluie. Je suis bouleversée par les photos en provenance du Niger où on meurt de faim à cause des locustes et de l'avancée du Sahel, mais je sais aussi que les Israéliens ont su faire fructifier le désert. Je crois que la nature sait se défendre, mais comment faire pour empêcher l'homme de la saccager, que ce soit par bêtise ou par vénalité ? Quand une société ne pense plus qu'à satisfaire son propre présent, elle ignore forcément son avenir.

Ici, aujourd'hui, le soleil est revenu, même s'il y a encore quelques nuages !


 
sophie
24-08-05 à 11:26

Au Portugal

Les températures ont l'air de baisser ce qui va peut-être, enfin, faire l'affaire des pompiers. C'est la première année où je maudis le beau temps. J'ai coupé la télé, je n'en pouvais plus de voir des flammes. Vivement les plages de septembre où il est possible de s'installer dès 4 heures sans se couvrir de plaques rouges.

 
Incognito
24-08-05 à 13:26

En Irlande

Et en Irlande il fait bon depuis 3 semaines! Enfin du soleil dans la grisaille :-)

(hum...il est vrai que mon manque de soleil est un probleme minime compare a ceux de vos pays...juste histoire de partager ;-)  )


 
ImpasseSud
24-08-05 à 15:03

Re: Au Portugal

Sophie, espérons surtout que le vent tombe (ce qui est difficile au bord de l'océan), car, si on pense aux incendies d'hiver, les températures élevées sont à la fois la cause et la conséquence. 

Je ne sais pas quel type de législation a le Portugal à ce propos, mais en Italie, à mon avis, on est trop tolérant. Alors qu'en France on doit porter ses mauvaises herbes à la déchetterie, ici, chacun fait son petit feu dans son jardin ou dans son champ, brûle le champ voisin pour se préparer un coupe-feu, et ceci même si le vent souffle fort. On n'a donc pas besoin des pyromanes pour qu'il se propage un peu partout.

En attendant, tu as bien fait de couper ta télé, c'est tellement angoissant. Et c'est vrai que la mer en septembre, c'est vraiment délassant, mais comment se fait-il que tu ne sois pas encore bronzée ? :-) Ici, en septembre, tout le monde est plus ou moins bronzé, même ceux qui ne vont pas à la plage.


 
ImpasseSud
24-08-05 à 15:04

Re: En Irlande

Merci pour le partage ! ;-)

 
sophie
24-08-05 à 23:28

peau de rousse

je suis tout juste halée, j'avoue que je fuis le soleil ma peau de rousse ne résiste pas à ses assauts, et je ne sors qu'après 17 heures sinon je souffre. Je sais vivre au Sud dans de telles conditions...

 
ImpasseSud
25-08-05 à 07:55

Re: peau de rousse

Moi, je n'ai pas une peau de rousse, mais je crains quand même le soleil sous cette latitude. Mais comme j'aime beaucoup nager, je mets une bonne couche de crème protectrice avant d'entrer dans l'eau et quand j'en sors, je reste sous mon parasol. :-)


 
Nicole
27-08-05 à 21:49

Re: Re: Au Portugal

Tout d'abord à propos de la législation au Portugal sur la prévention des incendies, elle existe certainement mais peu la respectent ou la font respecter.

Les 2/3 du Portugal du fait d'un climat plus océanique que méditerranéen est très boisé. Les terrains qui étaient autrefois cultivés ou pâturés ont été plantés en pins ou en eucalyptus très inflammables. Conséquense de l'exode rural et de l'industrie de la pâte à papier.

De plus subsistent toujours des coutumes comme l'écobuage et le lancement de feux d'artifice en pleine sécheresse.

Enfin, de nombreuses maisons sont construites au milieu des bois, puisqu'on ne cultive plus mais que les bois rapportent.

Les solutions face à ce danger : une meilleure gestion de la forêt en général (un remembrement ?), un bon nettoyage autour des maisons, et l'interdiction des coutumes incendiaires.

Mais il restera toujours des pyromanes que les images "vues à la télé" doivent ravir.

Comme toi, je ne marche pas dans le catastrophisme, les prévisions se veulent fiables alors que je crois que notre univers est plutôt cahotique.

Um abraço de Portugal


 
ImpasseSud
28-08-05 à 07:38

Re: Re: Re: Au Portugal

Nicole, un grand merci pour ces informations très intéressantes.

Je ne connaissais pas la coutume de l'écobuage. Ici, dans les régions à blé, les paysans n'hésitent pas à pratiquer le brûlis dès que les moissons sont terminées (fin juin), bien qu'il soit interdit. Et ne parlons pas des barbecues au feu de bois que les gens allument n'importe où, même s'il souffle un vent d'enfer, ou du système de la terre brûlée encore pratiqué par les bergers, des feux d'articifice qui constellent la plupart des nuits du mois d'août ici aussi, etc..  

Je suis tout à fait d'accord avec les solutions que tu proposes. Ici, cependant, il faudrait y ajouter la reprise d'une plus grande conscience professionnelle des agents forestiers. Au sud de l'Italie où le chômage est très élevé, on devient agent forestier pour avoir un emploi et non pas par choix ou par goût. L'emploi acquis, on ne se fait plus trop de soucis. Une région comme la Calabre, par exemple, (un peu plus grande que l'Ile-de-France), avec forêts domaniales et maquis, dispose de 11.000 agents forestiers. Et pourtant il y a sans arrêt des incendies. Tu ne peux pas faire vingt kilomètres sans voir deux ou trois fumées qui montent vers le ciel. Ensuite, le gouvernement, à la télé, incite les gens à téléphoner pour les signaler. Belle façon d'avoir l'air de s'occuper du problème!

Un abbraccio dall'Italia. :-)