Qu’on ne voie surtout pas, dans les propos qui suivront, le moindre désir de faire la morale à qui que ce soit. D’une part, je pense que les personnes qui, en leur âme et conscience, ont un comportement d’une perfection telle qui leur permette de s’arroger le droit de la faire à leur prochain sont extrêmement rares, mais en plus, ce n’est pas mon genre, car je sais trop combien la vie est parfois compliquée, et combien sont nombreuses les situations, les circonstances qui vous forcent la main.
Ici, je me réfère à
Tout d’abord, je suis indisposée par la photo : c’est celle d’un enfant (unique ?) tiraillé entre deux adultes, et qui, pour sa part, s’accroche aux bras de ses parents dont chacun a l’air de vouloir aller de son côté. J’excède en fantaisie ? Examinez-la bien ! C’est une véritable leçon d’actualité !
Ensuite, passons à l'article : il est clair et net, tout comme le décret. Chacun des deux parents aura le droit, - bien que ce droit (un vote par famille) ait été bien mal exercé jusqu’à présent -, d’aller s’exprimer sur les choix du corps enseignant. Tout cela au nom de l’évolution de notre société où un enfant sur quatre vit avec un seul de ses parents. Ensuite on enverra deux bulletins scolaires aux parents divorcés.
En fait, à l’école, plus ça va, plus on parle « du » (qui est en train de devenir « des ») droit des parents. Il est devenu primordial, impératif, essentiel, permissif ou prohibitif, censeur, décisif. Le parent vote, juge, dénonce, conteste, autorise, défend, discute, fait des chantages. Et bien maintenant, ce sera encore mieux qu’avant, car, pour chaque petit, chaque enfant ou chaque adolescent, les parents qui pourront voter, juger, dénoncer, contester, autoriser, défendre, discuter et faire du chantage seront deux. A quand le vote aux grands-parents, aux gardiennes, aux nounous, etc… qui, eux, en tant que repli (nécessaire ou non) s’en occupent réellement ? Là j’exagère, je vous l’accorde. Mais je crois qu’aujourd’hui il faut arriver à l’université pour que, finalement, les parents fichent la paix au couple enfant/professeurs. Finalement, le rapport enseignants/élèves reprend ses droits, chacun retrouve sa vraie place, avec la possibilité pour les uns et les autres de donner le meilleur, sans autre limite que les grandes lignes du programme. Avec toutes les imperfections, les précarités, les lacunes que cela implique, je ne le nierai pas, mais n'en est-il pas ainsi dans tous les rapports humains? A chacun son métier, que diable !
Pour ma part, j’ai détesté pendant des années, voire haï, ces rapports avec les enseignants, tellement coincés dans leurs rôles inconfortables, que par peur de s'engager sur un terrain mouvant, ils finissaient par vous demander à vous, parents, de résoudre « leurs » problèmes à leur place, comme si on n’avait pas assez à faire à la maison. Car, il ne faut pas en douter, c’est au doute et à la frustration que les droits des parents ont condamné les enseignants !
Les parents d’aujourd’hui acquerront des droits que n’avaient pas les parents de 1993, qui eux-mêmes ont eu des droits dont les parents de 1969, avant qu’on leur en accorde quelques-uns, n’avaient pas la moindre notion. Mais où est le progrès là-dedans ? Et l’avantage pour l’enfant qui devrait être en tête de liste des préoccupations? Sera-t-il plus heureux ou plus instruit parce qu’à l’école un de ses parents dira blanc et l’autre noir ? Ou, au contraire, tout en le déchirant un peu plus, lui offre-t-on, une fois encore, une belle occasion de diviser pour mieux régner ? Et pour lui, adieu aux points de repaire!
Certains croiront (ou feront semblant de croire) que les enfants vont y ont gagné; tout du moins, c'est presque l'argument officiel. Mais, en fait, pour l'Education Nationale, il s'agit de se décharger encore un peu plus de ses responsabilités en laissant encore plus de lest aux ingérences et aux caprices des parents, rejetant toujours plus loin derrière soi ses objectifs primordiaux. Et tout ce que les enfants y gagneront, c’est le droit d’habiter dans un monde où les notions de confiance et de conscience ont totalement disparu, où leur véritable intérêt passe après « les droits » de chacun de leurs parents, séparément. Pauvres gosses!
Commentaires et Mises à jour :
Re: Re:
Cette idée effleure très souvent mon esprit. Et je pense que nous ne sommes pas loin de la vérité vu que les gens aujourd'hui recourent de plus en plus souvent à l'aide des coaches, et qu'on pense même à les imposer dans les grandes écoles françaises (en France, l'université comprend un bon nombre de grandes écoles où on entre par concours, censées fournir les cadres, et pour certaines l'élite de demain).
Pour remplacer les parents?
Re:
Tu ne peux même pas imaginer comme je suis heureux de lire un pareil article! C'est magistral.
Je ne sais pas si je te l'ai déjà dit, mais je suis instituteur primaire de formation, j'ai d'ailleurs enseigné une année. Et ce que tu racontes est criant de vérité sur le terrain. Je ne reviendrai pas sur le système scolaire belge qui est une véritable abérration, mais il est effarant de voir à quel point le statut de l'instit est bafoué, c'est bien simple, aux yeux des parents (pas tous, bien sûr, heureusement!), il n'est qu'une m...
Il ne sait même plus exercé son métier, ce pourquoi il a été (mal) formé: il doit non seulement tenter d'enseigner, il doit faire le psy, l'assistant social, le chauffeur (si, si!!), l'éducateur: ce n'est pas son rôle. L'enseignant enseigne, les parents sont sensés faire le reste. En Belgique aussi, il y a ce qu'on appelle les "conseils de participation" où les parents ont leur mot à dire sur la façon d'enseigner. Le monde à l'envers. Plus aucun respect pour le prof.
Alors, je me pose la question: nos parents sont-ils si cons que cela pour que l'enseignement évolue dans cette voie? Ont-ils reçu un mauvais enseignement ? Je ne le crois pas du tout: à leur époque (et à la mienne, je n'ai que 33 ans), l'instituteur était quelqu'un qu'on respectait... Et lorsque l'on voit l'état d'une certaine jeunesse de nos jours (on dirait un vieux qui parle!), je me dis que l'enseignement doublé d'un manque manifeste chez les parents est fautif. Est-ce la faute des profs? Je ne le crois pas non plus: les politiques scolaires sont déplorables ainsi que la formation des instits (du moins, pour la Belgique). Et moi, je suis sûr que c'est un souhait des dirigeants: plus les enfants sont mal formés, moins ils auront la faculté, plus tard, de se rebeller et de réfléchir à leur situation. C'est une aussi une façon de pratiquer un certain eugénisme intellectuel...
Très bon article. Comme toujours.