Dans l’imaginaire européen, il faut probablement remonter à la Seconde Guerre mondiale pour retrouver une ville fantôme pleine de décombres comme c’est le cas de L’Aquila depuis le tremblement de terre du 6 avril dernier (mes autres billets ci-dessous). Aujourd’hui, je regrette de n’avoir jamais eu le temps d’y aller pour la visiter, car loin des deux grands axes nord-sud qui parcourent l’Italie en ligne droite, sur la barrière centrale des Apennins, L’Aquila est une ville où personne ne passe par hasard, il faut devoir ou vouloir s’y rendre. Si proche mais si loin de Rome, discrète, absente des faits divers grandiloquents ou scandaleux, presqu’isolée dans sa vallée sédimentaire aux pieds du Gran Sasso (littéralement « grand caillou »), j’ai demandé à une petite voisine qui y était étudiante depuis quatre ans et qui, la nuit du 6 avril, a réussi à se sauver, de me la raconter brièvement. La maison où elle habitait ne s’est pas écroulée, mais affaissée d’un côté, elle a, dit-elle, un air penché et tous les meubles s’y sont vidés. A L’Aquila, Maria se plaisait, et vu du côté des parents, L’Aquila d’avant (1) était vraiment la ville universitaire laborieuse et tranquille où envoyer ses enfants, dans un cadre magnifique, qui plus est. Pour s’en convaincre, il suffit de cliquer ici (vidéo de 00.6’02’’ à 00.18’36’’ ) et là, et ensuite, avec un peu de patience, de suivre le récit photographique qui raconte l'après (1-2).
Il ne manquait plus que la pluie et les orages pour aggraver ultérieurement la situation et les conditions des rescapés sous la tente (vidéo). Heureusement qu’on va vers l’été.
Berlusconi a donc décidé de déplacer le Sommet du G8 du 8 au 10 juillet prochain de La Maddalena, en Sardaigne, à L’Aquila. Les Sardes sont furieux, bien entendu, mai ils auront l’occasion de se rattraper, éventuellement en septembre au Sommet d'un G20 de l’environnement réclamé par Obama, ou faisant de La Maddalena un centre international de réunions, séminaires, etc.
A première vue, cette idée est surprenante : il paraît qu’elle lui a été suggérée par Guido Bertolaso, le grand chef de la Protection civile. USA, Grande-Bretagne, Allemagne et Japon ont déjà donné leur accord, mais d’après les sondages, deux-tiers des Italiens y seraient opposés sous prétexte que cela ne fera qu’augmenter la confusion qui règne sur les lieux, retardant le retour à la vie normale. Pour les rescapés, au contraire, au point où ils en sont, dans la précarité de leurs tentes, les pieds dans l’eau et au froid, cela a presque l’air d’une bonne nouvelle. Aux journalistes qui ont bien du mal à retenir leurs questions idiotes, ils répondent en disant : « Les no-globals ? Que pourront-ils bien détruire de plus que ce qui l’est déjà ? »
A mon avis, - et Dieu sait si je désapprouve pratiquement tous les opportunismes populistes de Berlusconi -, il y a quelque chose de positif dans cette idée. Car tant que L’Aquila restera au centre de l’attention, personne ne se permettra de l’oublier. Au contraire, on fera tout le possible pour activer la mise sur pied des préfabriqués temporaires où reloger, avant l’automne, les rescapés le temps de la véritable reconstruction ; et cela tiendra à distance les infiltrations mafieuses qui, en général, préfèrent opérer dans l’ombre. Sur la scène internationale, vu que près de 40 pays ont immédiatement fait part à l’Italie de leur disponibilité pour participer à la reconstruction ou la restauration des monuments historiques, et qu’un grand nombre de délégations se trouvent déjà sur place pour y étudier les effets sismiques d’une part, et la façon dont la Protection civile italienne fait front à la situation de l’autre, il me semble que le prestige de ce Sommet pourrait avoir un impact propulseur. Car il y a au moins 44 monuments en attente d'adoption.
Un défi de titan. Donc, à suivre.
En attendant, aujourd'hui, en Italie, c'est la Fête de la Libération, la libération du nazifascisme en correspondance avec la libération de Milan et de Turin, le 25 avril 1945. Jour férié où les autorités vont fleurir les monuments aux morts, c'est à Onna justement, petite fraction rasée au sol par le tremblement de terre (40 morts), où les nazis assassinèrent 17 personnes en représailles le 11 juin 1944, que trois leaders politiques ont choisi de répondre au rendez-vous... L'un après l'autre, bien entendu, n'oublions pas que nous sommes déjà en campagne électorale. Une récupération douteuse de la part d'un Berlusconi qui, durant toutes les années où il a été Président du Conseil, a toujours refusé de participer à cette commémoration, et qui, cette fois-ci, pour son exhibition personnelle, a fait en sorte qu'on écarte la population locale.
Tous mes billets sur le Tremblement de terre du 6 avril 2009 à L'Aquila
1 : Jour de Pâques... qui suit le tremblement de terre de L'Aquila
2 : Les risques de la reconstruction
5 : Sur la scène et dans les coulisses
6 : L'éclosion des petits malins
8 : La aussi on vote... malgré tout
9 : Ce qu'aucun JT italien ne raconte
10 : Les Aquilani en colère vont protester à Rome
11 : A trois mois du séisme vers le Sommet du G8
12 : La parade du G8 à son apogée et la réponse des Aquilani
13 : L'erreur d'Obama
14 : Les Aquilani plus isolés que jamais
15 : Vu de loin
16 : La grande confusion
17 : 6 mois après, cahin-caha, mais toujours en dépit du bon sens
18 : Après une longue mise sous tutelle, les Aquilani reprennent possession de leur ville que le gouvernement laisse mourir
19 : Manoeuvres électorales sur Wikipédia
20 : Un dimanche après l'autre et à la barbe des instrumentalisations, le tissu social de la ville se reconstitue
21 : 1 an après !
23 : Deux films qui racontent la réalité du post-séisme
24 : Vers une Union européenne de sinistrés ?
25 : 15 mois après, les Aquilani sont toujours sinistrés, abandonnés leur sort et... matraqués
26, 27, etc... toute la suite ici
Mots-clefs : Italie, Société, Sujets brûlants, Planète Terre, Occident, Europe, L'Aquila