Hier, un de mes amis italiens m’a raconté l’histoire suivante : il venait juste de recevoir, à son bureau, en Italie, une lettre commerciale adressée à son fils qui habite dans la région parisienne depuis plusieurs années. Elle avait été expédiée, avec un libellé largement estropié, par une société dont le siège se trouve à Levallois-Perret. Le timbre exhibait une oblitération automatique de la poste de Genève. Que devait-il en faire ? La réexpédier directement à l’adresse de son fils, en allant la poster - pourquoi pas ? -, en Autriche ? Ou bien l’ouvrir ? Il avait fini par opter pour la seconde solution, pour découvrir que même s'il la réexpédiait, son fils ne pourrait pas la lire, parce qu’elle était rédigée en anglais, qu'il ne parle pas, bien que son auteur et signataire avec un « Director of…. », ait un nom des plus français.
La lettre finira à la poubelle, mais mon ami a terminé son histoire en disant que la première réflexion qui lui est venue à l’esprit est la fameuse phrase-clef du film « The Rainmaker » de Francis Ford Coppola, (« L’idéaliste »)* : " They must be stupid, stupid, stupid ! " (Dans le film le "they" est remplacé par "you".)
Aujourd’hui, on condamne le « spam » qui circule sur Internet, mais pourquoi continue-t-on à encourager celui qui empêche le bon fonctionnement de la poste ? La lettre en question, complètement inutile, a contribué au ralentissement des postes de trois pays, a pesé sur le budget des habitants de trois pays, alors que le destinataire ne se trouve qu’à quelques kilomètres. Où se trouve le profit réel?
Stupide, c’est bien le seul adjectif par lequel on peut qualifier un tel système, qui a envahi notre village planétaire et fait déborder nos boîtes à lettres, souvent sans la moindre utilité. Quels sont les cerveaux vides qui l'ont conçu ? Dans quel but ? De quel type d'économie intelligente pourrait-il être le support? Est-il gratifiant de devenir "directeur" dans cette spirale de démence, après avoir fait des études supérieures, dans une grande école par exemple ? Une lettre écrite en français ou en italien (par respect pour son destinataire) et postée à Levallois aurait-elle été trop banale, trop compréhensible, trop intelligente ? A quoi cela sert-il d'avoir cherché pendant des décennies à raccourcir les distances en faisant de notre Terre un village planétaire, si ensuite, des gens stupides les rallongent et les compliquent?
* J'ai bien aimé ce film avec Matt Damon et Denis De Vito. Une nouvelle illustration du combat entre David et Goliath, tiré d’un roman de John Grisham, où David gagne, comme d’habitude, mais pas tout à fait comme il l’espérait. La critique n’a pas toujours été très tendre. C’est peut-être, tout simplement, parce que l’idéalisme n’est plus à la mode.
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