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La barrière infranchissable des langues
--> Tout le monde connaît l’histoire de la Tour de Babel.

"La terre entière se servait des mêmes mots. Or en se déplaçant vers l'orient, les hommes découvrirent une plaine dans le pays de Shinéar et y habitèrent. Ils se dirent l'un à l'autre : "Allons ! Moulons des briques et cuisons les au four." Les briques leur servirent de pierre et le bitume leur servit de mortier. "Allons ! dirent-ils, bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche le ciel. Faisons-nous un nom afin de ne pas être dispersés sur toute la surface de la terre." Le Seigneur descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils d'Adam. "Eh, dit le Seigneur, ils ne sont tous qu'un peuple et qu'une langue et c'est là leur première oeuvre ! Maintenant, rien de ce qu'ils projetteront de faire ne leur sera accessible ! Allons, descendons et brouillons ici leur langue, qu'ils ne s'entendent plus les uns les autres !" De là, le Seigneur les dispersa sur toute la surface de la terre et ils cessèrent de bâtir la ville. Aussi lui donna-t-on le nom de Babel car c'est là que le Seigneur brouilla la langue de toute la terre, et c'est de là que le Seigneur dispersa les hommes sur toute la surface de la terre." (Livre de la Genèse, 11)

 

On peut penser que si Dieu avait voulu faire à l’homme un cadeau empoisonné, il ne s’y serait pas pris autrement. En fait, la réalité est différente. Tous ceux qui pour une raison ou une autre vivent à l’étranger durant plusieurs années se rendent compte, en rentrant chez eux, que leur langue maternelle a évolué, c’est-à-dire qu’elle s’est enrichie de nouveaux termes acquis ici et là, et que d’autres, par contre, sont devenus vieillots et n’ont plus aucune signification pour les plus jeunes. Alors, en réfléchissant, il est facile de comprendre que deux peuples de même origine puissent, après quelques siècles, parler des langues complètement différentes. Il n’y qu’à voir l’évolution subie par le latin qui, aujourd’hui langue morte, a cependant donné naissance à l’italien, au français, à l’espagnol, au portugais et au roumain, ou la requête des Américains qui  font traduire les livres écrits en anglais avant de les publier. Sans compter que certaines langues se contentent d’un seul mot pour exprimer un concept là où d’autres en ont créé dix. Par exemple, parler de la neige avec un Esquimau n’est pas facile, parce que sa langue a besoin de nombreux termes pour en exprimer toutes les nuances, consistances et couleurs. En attendant, cela a rendu la compréhension des peuples plus difficiles, et il s’est créé, au long des siècles, une barrière très difficile à franchir.

 

Un séjour à l’étranger et un bon dictionnaire peuvent résoudre tout cela me direz-vous. Et bien détrompez-vous, il n’en est rien. Toutes les personnes bilingues le savent, et je dirais même qu’ « il faut » être bilingue pour s’en rendre compte. Le bilinguisme lui-même n’est pas suffisant pour abolir les barrières entre deux langues. On ne peut s’approcher d’une bonne compréhension que si les deux interlocuteurs sont bilingues, car celui qui ne l’est pas sera incapable de comprendre ce que vous lui dîtes dans le sens dans lequel vous, vous l’avez exprimé. Il ne vous entendra que dans le contexte des stéréotypes attachés à son identité et à la vôtre, indissociables de chaque être humain. Et, parfois, s’il n’existe pas au préalable une confiance réciproque, il pourra même naître de la rancœur en plus de l’incompréhension.

 

Bien que bilingue français/italien depuis de plusieurs années, il m’arrive encore souvent de me heurter à ce type d’incompréhension, qui me contraignent ensuite à donner des explications. La dernière en date : l’interprétation d’un mot très simple comme le pronom « nous ».  Plus je fais des progrès, plus je me coule dans le moule jusqu’à en prendre la forme et à en éprouver tous les sentiments, plus je prends conscience du fait que la barrière est infranchissable car, toujours et partout, il n’y a que l’apparence qui compte, le vêtement griffé qu’on a endossé le jour de notre naissance, c’est-à-dire notre identité. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles j’ai si bien compris le livre « Les identités meurtrières » d’Amin Maalouf*.

 

Posséder deux langues, deux cultures, c’est sans aucun doute une immense richesse, mais c’est aussi le pire des poisons, car il arrive qu’il vous porte au silence.

(photo)

*Ce livre est publié chez Grasset, mais existe également en "Livre de Poche" : n° 15005)

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Dimanche 16 Novembre 2003, 12:02 dans la rubrique "Bribes perso".

Commentaires et Mises à jour :

Marco-Bertolini
16-11-03 à 13:48

Possédons-nous une ou plusieurs langues ?  Ou sommes-nous "possédés" par les langues ?  N'est-ce pas le langage qui nous enveloppe dans ses structures, qui nous décline dans ses désinences, qui habille ou donne corps à nos idées ?

Certains concepts sont difficiles, pour ne pas dire impossibles à traduire dans d'autres idiomes.  Comment expliquer à un Bédouin les nuances de la neige perçues comme naturelle par un Esquimeau ?

Seule l'ouverture, la curiosité, l'envie de rencontrer l'autre peuvent transcender ces difficultés et les transformer en richesses.


 
Pietro B.
16-11-03 à 13:53

Spero, come al solito di aver capito bene il senso del tuo intervento. Le lingue rappresentano meglio e più di ogni altra cosa l'identità nazionale. Io italiano mi differenzio da un francesce o da un tedesco innanzi tutto per la mia lingua.
Dunque quale altra maledizione peggiore poteva pensare il buon Dio per punire la voglia di sopraffazione di un popolo su di un altro? Nessuna lingua predominerà sulle altre questo è certo al più ci sarà un "melange" di lingue, spero presto.

 
ImpasseSud
16-11-03 à 14:24

Re:

Marco, je vais réfléchir aux questions que pose ton premier paragraphe. Mais n'est-ce pas un peu l'histoire de la poule et de l'oeuf, c'est-à-dire de quelque chose d'indissociable qui ne permet que la seule question, sans qu’il y ait une réponse possible ?

 

Où je concorde pleinement, c’est sur l’ouverture d’esprit nécessaire à « l’écoute », sur la mise de côté des propres concepts qu’il faut absolument faire si on veut comprendre ce qui est dit et l’esprit dans lequel c’est dit. Ensuite, bien sûr, chacun peut retourner à ses propres opinions, mais il y a alors des chances pour qu’un dialogue devienne possible.

 


 
ImpasseSud
16-11-03 à 16:04

Re:

Pietro, su per giù hai capito il senso del mio articolo. Ho iniziato con il libro della Genesi perché  da un canto mi risulta tanto significativo per quanto riguarda la divisione degli uomini, ma dell’altro incomprensibile e inspiegabile da parte di un Dio buono. Però, accettando un lato "parabola" che tuttavia confesso di non capire, ho continuato con una spiegazione più razionale, vale a dire la deriva di una lingua come il latino ad esempio, sfociata in tante lingue per l'allontanamento da Roma e gli apporti "barbari".


Quello che intendo con “identità” è, non soltanto la lingua, ma proprio l’insieme della nostra persona fisica, mentale e morale, compreso l’approccio alle cose, agli avvenimenti. E ciò fa che soprattutto per gli altri, tu sei irrimediabilmente e fino alla fine dei tuoi giorni un italiano nel tuo caso, e una francese nel mio. Peccato che il libro di Amin Maalouf che cito non sia stato tradotto in italiano (o almeno credo).


Quando tu diventi bi-nazionale e bilingue, però, quando ti cali volentieri nella tua seconda cittadinanza, nelle nuove abitudini, nei nuovi modi di pensare, sentire, esprimersi e comportarsi, allora acquisisci una ricchezza doppia di cui sei felicissimo di poter usufruire, e a te sembra di aver varcato tante barriere, di essere diventato un “collegamento”, un "ponte" tra due nazioni, un passo avanti verso la comprensione, ma soprattutto uno contro l’incomprensione.
Senza dubbio tutto ciò è vero, ma in realtà, sei molto spesso  il solo (o quasi) ad esserne consapevole, poiché di fronte a qualcuno che in tutto ciò che dici non vede che l’etichetta della tua “identità originale” o della propria, non si può istaurare nessuno vero dialogo, nessuna vera compressione. La cosa si snellisce quando gli interlocutori sono entrambi bilingui giacché ciascuno sa che deve mantenere la sua attenzione esclusivamente sulle parole, e NON incollare su ogni parola un contesto di “identità”, nel cui caso si nega all'altro il diritto ad esprimersi, anche se quello è perfettamente integrato.

 

Per riassumere, non basta parlare perfettamente una lingua straniera e conoscere tutto le sfumature racchiuse in tale lingua perché ti sia dato il diritto alla parola, all’opinione. Gli ingredienti necessari non sono scientifici : si tratta di fiducia reciproca e apertura mentale. Senza quelle, l'altro "diverso" è condannato al silenzio e le barriere rimangono intatte, o peggio, si fanno più alte... perché arriva il rancore. Significa anche che ogni sforzo di integrazione è vano.

E non credo proprio che il nostro mondo attuale stia andando verso una maggiore comprensione, anzi....


 
Marco-Bertolini
17-11-03 à 11:45

Re: Re:

Non, je ne crois pas que ce soit l'histoire de l'oeuf et de la poule, en l'occurence.  Nos idées sont structurée par notre langage, qui lui subit en contrecoup l'influence de la culture qui le parle.  C'est un système, et quand on touche à une variable, c'est une bonne part, voire l'intégralité du système qui en est affectée.

La langue arabe n'a pas à proprement parler d'équivalent du futur simple.  Le japonais ignore le pluriel ou la distinction de genre et n'a pas d'article : comme en chinois, c'est le contexte qui détermine si un mot est pluriel ou singulier, si un adjectif est féminin ou masculin.

L'ubyk comprend six ou sept catégories de ce que nous appelons "genre" : selon qu'on se raccroche à tel ou tel élément d'une mythologie d'une richesse extrême.

Par rapport au texte de la Genèse, Umberto Eco, dans "la recherche de la langue parfaite" fait remarquer qu'il y a deux versions de la disparité des langues : celle de la tour de Babel et celle qui survient après le déluge, quand les enfants de Noé sont dispersés ; même Dieu a un problème avec les langues.


 
ImpasseSud
18-11-03 à 08:52

Re: Re: Re:

Marco,
J'espère avoir bien compris ton explication qui, je dois l'avouer, ne m'a pas totalement convaincue. Ici, je resterai dans le domaine de la perception, car je sais très bien que ce problème a été étudié par des gens éminents, sans que toutefois les points de vue concordent.

Pour moi, le langage part tout d'abord d'une association entre un fait précis et un mot entendu pour le décrire, et ici, il ne s'agit pas encore de structure, mais d'imitation. Ensuite, je suis d'accord avec toi, sur le fait que nos idées sont structurées à partir de notre langue, mais jusqu'à un certain point. Si le nombre des mots réservés à un même phénomène ou concept a souvent des raisons climatiques, si l'évolution d'une langue est facilement explicable puisque, en gros, on peut la ramener aux contacts avec les autres langues et aux néologismes que l'on est contraint de créer avec l'avancée du progrès, il me semble, cependant, que les raisons de sa structure ne sont pas aussi évidentes. 

Tu cites de nombreux exemples qui illustrent les différences de structures d'une langue par rapport à une autre, mais ce qui n'est toujours pas clair, ce sont les raisons et l'origine de la structure morphologique d'une langue. Par exemple, pourquoi l'ubyk que tu cites a-t-il éprouvé le besoin, à un certain moment, de créer de si nombreux "genres" bien qu'étant parlé, comme partout, par des hommes et des femmes? Je comprends encore le genre neutre créé pour faire une distiction avec ce qui n'a rien d'humain, mais les autres? Pourquoi, pour en revenir à nous, l'italien a-t-il une écriture phonétique et le français une écriture aussi "antiphonétique" tout en partant l'une et l'autre du latin? Comment se fait-il que l'une et l'autre aient abandonné, même si l'italien l'a fait dans une mesure moindre, le mode de construction des phrases latines, repris, va savoir pourquoi, par l'allemand qui n'est pas une langue latine?
Ce type d'évolution a-t-il une explication? 

Pour ma part et dans mon ignorance, je trouve souvent peu convaincantes et subjectives les explications qu'en donnent les maîtres en la matière, et je suis encore persuadée que, plus qu'à sens unique, le langage et les idées interagissent continuellement l'un/l'une sur l'autre sans que, d'une fois sur l'autre, on sache exactement lequel des deux a commencé.

Ton article sur "De la littérature" d'Umberto Eco m'a incitée à l'acheter, et, à cette occasion, j'ai découvert son livre relatif sur l'art de la traduction. Le titre que tu cites est-il le titre français? Qu'en penses-tu?