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Matin

Il est sept heures, l’air somnole et la ville ne déverse pas encore sa rumeur.  Que « dit » la mer ? Chaque matin j’aime l’interroger longuement du regard.

 

En été, le matin, la mer Méditerranée est souvent indécise. Elle hésite, elle tâtonne, elle s’étire, elle essaie, elle change d’avis, se ride dans un sens, puis se calme, lèche ou blanchit cette plage-ci plutôt que celle-là. Sa couleur aussi est incertaine, métallique, argentée, tachetée, gris bleu, gris perle, elle ne sait pas se décider; elle attend que le soleil surgisse, derrière la montagne. Au loin, quelques barques, posées comme sur un décor, immobiles, les pêcheurs du petit matin. La brise est légère, fraîche, presque imperceptible, elle caresse la peau à la limite du frisson.

 

Tout à coup le bruit d’un moteur. Une petite embarcation suit la côte, derrière les eucalyptus qui couvrent les rochers de leur ombre. Je la devine, je l’attends.  Va-t-elle venir déchirer de son sillage la surface floue? L’attente se prolonge, le vrombissement est incessant. Enfin je la vois, bleue et blanche, plus loin, près de la plage. Elle a commencé sa boucle de pêche à la traîne. Deux hommes : l’un est assis et tient le gouvernail, l’autre, debout, dévide à bâbord un long filet dans l’eau sombre. De la plage à la plage. Sur la grève, un troisième homme que je ne peux pas voir, curieux ou peut-être de passage – on se sent fier de donner un coup de main  – doit être en train de retenir une des extrémités de la corde du filet. La demi-cercle fermé, la rive rejointe, les deux pêcheurs sauteront à terre, l’autre bout dans leurs mains, et tout les trois commenceront à tirer, lentement, vers eux, le filet et sa charge de poissons frétillants. Il est probable qu’il y a déjà des clients, la fraîcheur, la saveur de ces poissons-là n’a pas son pendant.

 

Pendant ce temps, la mer retient toujours son souffle, les mouettes osent se poser, la côte leur appartient encore. Les hirondelles jouent dans l’air transparent, sifflent avec bonheur, insouciantes. Elles, elles savent déjà ce que fera la mer.

 

Et moi, j’attends, je regarde, je respire largement, je goûte le bien-être et la paix, je guette les premières risées. Descendra-t-elle, sous le poids des vents du nord, nous assurant une journée pétillante, ou bien remontera-t-elle avec ceux du sud, apportant la touffeur, la nonchalance, le désir du soir ? Et si la mer ne prenait aucune décision ? Ça lui arrive !

 

La ville s’est réveillée, elle s’agite, frénétique. En été, elle aime travailler le matin, avant que la chaleur n’écrase tout et accable les efforts. Il est près de dix heures. Le soleil est déjà haut. Alors la mer s’éveille, elle aussi. Elle vire du bleu ciel, à l’azur, à l'indigo, au bleu de Prusse, au violet.  Ça y est, c’est son heure, elle s’est décidée… probablement pour toute la journée…

Maintenant je sais.

 

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(photo)

Ecrit par ImpasseSud, le Mercredi 23 Juillet 2003, 10:27 dans la rubrique "Bribes perso".

Commentaires et Mises à jour :

tgtg
23-07-03 à 10:45

regarder...

respirer...

belle matinée!!!
:-)

 
ImpasseSud
23-07-03 à 11:27

Re: regarder...

Mais surtout, savoir saisir l'enchantement, les détails, ça en vaut tellement la peine

 
brigetjones30
23-07-03 à 17:56

Re: Re: regarder...

et se ressourcer....ah, j'ai hâte d'être en vacances!En attendant merci...en lisant, je m'y croies déjà!

briget


 
ImpasseSud
23-07-03 à 19:02

Re: Re: Re: regarder...

Briget,... quand tu y seras, profites-en au maximum :-)

 
PierreDesiles
23-07-03 à 19:36

C'est fou ce que la nature peut inspirer du profond de soi même.
Deux regards différents et deux pensées semblables. Comme toi, ImpasseSud, la nature me touche, et je m'entends conter en lisant tes lignes. Ne m'en veut pas si je suis aussi rêveur à mes heures, que critique à l'égard du genre humain, surtout politique.
Continue à nous faire rêver!

 
Lucanus
23-07-03 à 23:06

Re:

En lisant ton magnifique texte, je me remémore mes vingt années de navigation hauturière sur quelques mers du globe. Si je n'ai jamais croisé en Méditerranée, je puis te dire que de la Norvège au Canada en passant par l'Islande, l'Irlande, les Açores ou les Antilles et j'en passe, la mer hésite bien souvent chaque matin calme, elle prend sa couleur au premier vent thermique lorsque le soleil commence à réchauffer la terre. Alors le marin hisse les voiles pour se glisser jusqu'au port suivant laissant loin les clameurs de la ville et le voyage continue . . . jusqu'aux souvenirs !

 
ImpasseSud
24-07-03 à 09:34

Re: Re:

Là, c'est moi qui meurt d'envie... si je ne souffrais pas autant du mal de mer.