J’ai eu un mal fou à terminer ce roman de près de 400 pages dans lequel Montalban fait un portrait des Borgia, cette famille d’origine espagnole qui eut une influence énorme sur l’Italie de la Renaissance. Elle régna presque comme une dynastie, de Calixte III, pape de 1455 à 1458, son neveu Rodrigo, pape de 1492 à 1503 sous le nom d’Alexandre VI ; deux des enfants de ce dernier, César, cardinal puis homme d’arme, qui durant le règne de son père rêva d’unifier l’Italie, et la belle Lucrèce que son père et son frère considéraient comme une marchandise d’échange. Et pour finir Francesco, leur neveu, vice-roi de Catalogne et conseiller de Charles-Quint, qui devint Général des Jésuites.
La caractéristique de cette lignée est une vision claire de ses propres objectifs et une ténacité sans scrupule qui seront à l’origine de la modernité. Mais elle est faite de corruption, de dissolution, d’ambition, de délits, de cupidité, de guerres de religion qui sont des guerres de prédominances, de népotisme, de simonie, de cynisme, de violence, d’intrigues, d’abus, de terreur, de tortures.
Un des thèmes importants de ce roman est la prédominance de la famille sur tout et sur tous. Chaque membre, homme ou femme, de la famille Borgia doit savoir tout subordonner, sentiments et passions, au pouvoir et à l’intérêt qui lui est propre. Alexandre VI le rappelle avec dureté à sa fille Lucrèce, en larmes suite à la mort de son deuxième mari, mort à laquelle elle a elle-même participé. Le concept de la « raison d’Etat » entre de façon autoritaire dans l’Histoire. L’Eglise de l’époque est désormais un instrument de pouvoir.
Au centre de la scène la figure de César Borgia avec sa devise « aut Caesar aut nihil » (Ou César ou rien). « Matador » et prince, il est convaincu qu’unir la raison et la force contre les conceptions fatalistes de la Providence et du destin est une vertu.
Je vais peut-être à contre-courant, mais je n’ai pas été emballée par ce livre, et ceci pour de multiples raisons.
Tout d’abord parce que le style y est irrégulier et fait qu’à l’improviste on butte dans une phrase. Mais n’ayant rien lu d’autre de Montalban, je ne sais pas si cela est dû à son style personnel ou de la traduction de Hado Lyria.
Ensuite, il s’agit d’une succession de petits chapitres faits pour la plupart de dialogues entre deux ou, plus rarement, plusieurs personnages, comme s’il s’agissait du scénario d’un film. Mais vu qu’il n’y a pas de texte ni d’image pour nous rappeler qui dit quoi, il arrive souvent qu’on perde le fil, qu’on ne sache plus qui parle et qu’on doive aller jeter un coup d’œil sur la page précédente.
Tous les grands hommes de cette époque apparaissent dans ce roman : Machiavel, qui voyait dans César Borgia le « prince » idéal, toutes les familles influentes des Seigneuries italiennes, Sforza, Orsini, Colonna, Este, Gonzague, Médicis, qui « fournissaient » la plupart des papes, Michel-Ange, Léonard de Vinci et ses inventions, Savonarole qui prêchait un retour à la rigueur, les rois de France Charles VIII et Louis XII, Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille, les souverains espagnols de la découverte de l’Amérique, puis Charles-Quint, Ignace de Loyola, etc… Même si la mise en scène est souvent grandiose, dans la bouche de tous ces personnages ou dans celle de leur interlocuteur, Montalban a mis parfois sans nécessité des tirades toutes faites qui illustrent l’ensemble de leur œuvre, c’est-à-dire ce que nous savons d’eux aujourd’hui, sans qu’il y ait d’autre raison apparente que celle d’informer le lecteur de son érudition.
Pour finir, tout est écrit au présent, et il n’y a aucune référence de dates et de rares références de lieux. Ce qui fait qu’il est inutile d’aborder ce roman si on n’a pas une certaine connaissance de l’histoire de la Renaissance italienne, car on court le risque de s’y perdre.
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