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Primevères

Je ne suis pas née entre mer et maquis, mais sur le bord d'une plaine lacustre non loin de hautes montagnes, et j’ai grandi dans une petite ville où chaque saison était au rendez-vous.

 

L’été arrivait de façon incertaine, imprécis entre les Saintes Glaces et les touffeurs de juin, puis se lançait avec les journées sèches, les foins fleuris et les moissons de juillet, l'apparition des fraises des bois, des framboises et des mûres, et les orages à grêlons du mois d’août qui trempaient les regains et hachaient le fruits mûrs des arbres lourds. Pourquoi n’ai-je aucun souvenir de septembre ? Ah si ! C’était le mois des cyclamens et des  colchiques ! Puis l’automne amenait la période des marrons, brillants et lisses, que l’on ramassait sous les arbres roux en allant à l’école, durant un octobre indécis entre le dernier soleil et les premiers froids. Le brouillard de novembre, gris mais haut, s’installait ensuite comme une chape au-dessus de nos têtes, immobilisant les corps et les âmes, assombrissant les humeurs, et donnant envie d’aller chercher le soleil ailleurs. Et décembre arrivait avec la première neige qui invitait à sortir ses planches. Mais elle ne tenait pas longtemps car la terre n’était pas encore assez froide. Il ne restait qu’à goûter au ciel bleu qui tout à coup apparaissait à travers une déchirure, et ne plus penser au temps, car Noël réclamait son sapin collant de résine et ses longues nuits noires, donnant envie de rester au chaud. Mais avec janvier, le grand froid était là, assidu, portant avec lui la neige qui restait au sol, les batailles de boules de neige, la luge et les glissades sur les flaques gelées, puis, plus tard, le ski à perdre haleine quand mains et pieds sont glacés et que le soleil bas sur l’horizon cède très tôt la place au cobalt du crépuscule. Février suivait sans grands changements, mais sans jamais oublier les crêpes de la chandeleur, avec ses journées plus longues et un soleil fugueur. Mars, comme d’habitude, promettait sans tenir, avec ses merveilleuses journées au milieu d’un hiver qui avait du mal à se congédier. On commençait à désirer l’or des forsythias. Pâques était là, avec les pâquerettes, les violettes et les primevères qui tachaient l’herbe neuve sortie d’un humus encore lourd. Les dimanches nous voyaient sur les chemins et dans les champs. On étrennait les tenues de printemps à peine achetées, malgré le persiflage de la bise qui ne voulait pas lâcher prise jusqu’en avril où on commençait à comprendre qu’il ne fallait pas se découvrir d’un fil. En mai, dans la cour de l’école les « pince-nez » étaient prêts à virevolter sous les érables, et les hannetons nettoyaient leurs élytres. Dans les bois, le muguet, pointant à foison, attendait notre visite.

 

Entre mer et maquis, les rythmes sont différents. L’automne n’est qu’un été qui traîne en longueur et le printemps n’est qu’une date sur le calendrier. Alors, dès les premières journées plus ensoleillées, la nostalgie des fleurs des champs et des bois m’assaille …. Mais pas très longtemps, car ponctuellement, le 10 février justement, les primevères entrent chez moi, en grande quantité, multicolores et fières, aux touffes pommelées au milieu d’un tendre vert, pas assez nombreuses pour m’en faire un parterre, mais suffisantes pour envahir mes devants de fenêtres, le centre de mes tables, apportant pendant près d’un mois à l'intérieur de mon appartement ce printemps qui ici n’existe pas.

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Ecrit par ImpasseSud, le Mardi 10 Février 2004, 16:59 dans la rubrique "Bribes perso".

Commentaires et Mises à jour :

PierreDesiles
11-02-04 à 08:48

Jolies tes primevères

Tout ce que tu décris est dans ma mémoire enfantine lors de mes déplacements en province ou en colonie de vacances, moi le titi parisien. J'adorai le printemps et tous ces arbres en fleurs, sources d'inspiration des peintres.

Toutes ces saisons qui rythment la nature et favorisent sa transformation sont réduites à deux saisons principales sous les tropiques, l'hiver et l'été.Ici, sur mon île, en ce moment c'est l'été, symbolisé par l'opulence des platanes ornés de leur feuillus d'un verre profond à 1000m d'altitude, alors que leurs cousins sur le "vieux" continent en sont dépourvus en février. A partir de 600m, on retrouve pratiquement toutes les plantes et fleurs importées de pays tempérés et adaptées au climat, les primevères sont à l'honneur. Seules les tulipes font de la résistance et refusent de se laisser dompter.

Merci, ImpasseSud, pour ton joli texte qui est comme une fenêtre sur le monde et nous permet de rêver.


 
ImpasseSud
11-02-04 à 10:01

Re: Jolies tes primevères

Je n'aurais jamais imaginé qu'on puisse trouver des primevères à La Réunion.:-) Quant aux tulipes, ça ne m'étonne pas, quand on pense aux champs plats, arrachés la mer, qui couvrent la Hollande, il y a vraiment une trop grande différence de climat.
Chez moi aussi, on trouve des primevères à l'état sauvage, avec les violettes et les pensées, (sans qu'elles aient été importées) à partir de 600 mètres. Au dessus de 1000 mètres, on retrouve les fraises des bois, les mûres, les framboises, les cyclamens. Par contre, il n'y a pas de muguet. Certains sous-bois ressemblant à ceux de mon enfance, j'ai souvent eu la tentation de rapporter des plants de muguet et d'aller les mettre en terre pour voir si ils prendraient, mais il faudrait un concours de circonstance et du temps à perdre....:-)))))

 
linkback
14-04-04 à 19:45

Lien croisé

Toujours une cloche d'avance sur Place! : " Mes primevères, après avoir fleuri et refleuri, viennent de rendre l'âme. Mais ton muguet de Pâques me fait mourir d'envie! :-))) "

 
Incognito
29-05-05 à 01:23

Lien croisé

[371]moissons -21- : "ponctuellement, le 10 février justement, les primevères entrent chez moi, en grande quantité, multicolores et fières, aux touffes pommelées au milieu d’un tendre vert, pas assez nombreuses pour m’en faire un parterre, mais suffisantes pour envahir mes devants de fenêtres, le centre de mes tables, apportant pendant près d’un mois à l'intérieur de mon appartement ce"