Jusqu’à présent, l’appel lancé par une coalition d’ONG du Libéria est tombée dans le vide. Elle demande à la communauté internationale de bloquer l’extraction et le commerce de l’or, des diamants et du bois libériens : ce sont les ressources naturelles qui tiennent sur pied l’économie du pays et si on en bloquait le commerce, cela contribuerait largement à l’arrêt du conflit interne, qui continue a faire des centaines de victimes parmi la population de Monrovia.
« Durant cette terrible crise, les parties en conflit se sont financées grâce à l’exploitation et à l’exportation des ressources naturelles libérienne, et plus particulièrement avec les bois précieux et les diamants », dit la coalition libérienne dans l’appel qu’elle a réussi à faire arriver sur la table des « Colloques de la paix » sponsorisés par l’Ecowas (Cedeao), Communauté Economique des pays d’Afrique de l’Ouest, à travers un « groupe de contact sur le Libéria ». A cette table, tout le monde cherche à comprendre quel sera le rôle des Etats-Unis, qui, vendredi, ont mobilisé des navires de guerre et des troupes pour soutenir une force militaire de peacekeeping, mais n’ont pas encore fait savoir si leurs propres hommes se déploieront à Monrovia, ni quand. C’est ce qui explique que personne n’a fait attention à l’appel de la très fragile société civile libérienne : la coalition comprend la Environment Lawyers Association of Liberia (avocats environnementaux) et deux autres associations.
Et pourtant cet appel centre parfaitement le problème : car le président Charles Taylor ET les rebelles du Ludr (Libériens unis pour la démocratie et la réconciliation ») se financent (l’un et l’autre) grâce aux ressources naturelles du pays. Il est vrai que dans ce saccage, Taylor a rejoint un niveau non indiffèrent, et ceci bien avant de se faire élire en 1997. En 1991, Taylor soutenait les rebelles de la Sierra Leone (Ruf) qui vendaient les diamants de leurs pays pour se financer. Une bonne partie de ces pierres précieuses passaient en contrebande par le Libéria, éludant ainsi l’embargo déclaré par l’ONU. Depuis qu’il est au pouvoir, Taylor n’a pas cessé de s’enrichir grace aux bois précieux exportés pour 100 millions de dollars, alors que dans les caisses de l’Etat il n’en est entré que 7 millions, que les fonctionnaires ne reçoivent pas leurs salaires et que l’unique université ferme ses portes pour manque de fonds. Maintenant ce sont les rebelles du Ludr qui exportent clandestinement les diamants du Libéria à travers la Sierra Leone, la Guinée et la Gambie.
Les ONG libériennes ont donc raison de dire que l’achat des bois précieux et des diamants libériens aide à prolonger le conflit, « exacerbe la crise humanitaire et sécuritaire de la région », et « mine toutes les recherches pour une solution pacifique ». Leur appel s’adresse au Conseil de sécurité de l’ONU, au Groupe de contact sur le Libéria, aux médiateurs des Colloques de paix : « Que personne n’achète des diamants et des bois précieux du Libéria tant que le pays n’aura pas eu des élections générales et un gouvernement qui contrôle tout le territoire national. »
(Source : Il Manifesto)
Une proposition relativement simple, mais y aura-t-il quelqu’un pour l’entendre ?
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