"C’est l’après-midi, il est près de 15 heures. Une voiture avec deux hommes et une jeune fille tourne non loin du bâtiment de la police du quartier : « Au diable, il n’est pas encore arrivé ! ». Une heure plus tard : « Oh ! il vient d’arriver, finalement ! ». Le jeune homme s’adresse à la jeune fille :
« Toi, comment ça va ? »
« J’ai peur » .
« Sois tranquille. Et puis tu es courageuse, je sais que tu vas y arriver. Allez ! Tu sentiras rien : une piqûre de moustique et ça sera fini ».
Il ouvre la portière, tend à la jeune fille un sac lourd pendant que l’autre homme sort sa caméra.
« Fais attention à garder le sac en bandoulière, t’as compris. Je te suivrai des yeux, sois tranquille. Fais seulement attention à ne jamais elever le sac de ton épaule ! »
« Eamil…. Eamil… »
(….) La jeune fille semble être sur le point d’éclater en sanglot. Elle a un regard étrange.
« Ça suffit! Arrête! Vas-y ! »
Et la jeune fille, docile, se dirige vers le bâtiment du ROVD (poste de police du quartier). Elle entre, monte les escaliers. Elle cherche le bureau de Zaurbek Amranov. Quand finalement on ne peut plus la voir de la rue, elle enlève le sac de son épaule et le pose près d’elle. Elle s’arrête. Elle ne sait pas quoi faire. Si elle retourne en arrière, elle sait qu’ils la tueront. Si elle se consigne à la police, elle ne sait pas quels sont ceux qui la tueront, ceux-ci ou les autres. Sauter toute seule ? Mais…. Dans le corridor du ROVD on entend une détonation terrible. Fumée, cris de femmes.
« Mission accomplie » dit l’homme dans la voiture. Il vient juste d’actionner le mécanisme qui, à distance, a fait exploser l’engin qui était dans le sac de la jeune fille. Il rit, satisfait et éteint sa caméra. A ce moment-là, il ne sait pas encore qu'elle a réussi à survive parce qu’elle a laissé glisser son sac de son épaule. Il ne sait pas non plus que son ennemi, celui qu’il voulait tuer avec une « bombe vivante », est encore en vie car la jeune fille n’était pas entrée dans son bureau (…)
Zarema, seize ans, a survécu. On l’a opérée à une hanche, on a extrait un tas de fragments de son corps, mais l’important, c’est qu’elle ait survécu. Et elle s’est mise à raconter….
« Tout avait commencé bien avant. Eamil Garibekov me suivait partout. Il me souriait, il me disait que j’étais belle. Puis un jour, - ça se passait au mois de décembre -, alors que je marchais sur la route, sa voiture s’est arrêtée à côté de moi. Deux gars en sont sortis, il m’ont sauté dessus et ils m’ont poussée dans la voiture (….) Ensuite, ils m’ont emmenée dans un appartement où vivaient trois autres filles. J’ai commencé à avoir peur. Avec moi, les filles étaient gentilles, mais elles avaient l’air d’être très malheureuses. Elles s’appelaient Asja, Aset et Elvira. J’ai commencé à dire à Eamil que je ne voulais pas me marier, qu’il fallait avertir ma mère, que je n’avais rien apporté avec moi. Ensuite, ils m’ont donné à manger et je me suis endormie. Je crois qu’ils avaient mis quelque chose dans la nourriture, parce que ma tête a commencé à tourner, mes bras et mes jambes sont devenus lourds et je me suis endormie même si jusque-là je n’avais pas sommeil. Quand je me suis réveillée, j’ai vu que mes vêtements étaient là. Ils avaient été chez moi, ils avaient dit que je me mariais, et ma mère leur avait donné tout ce qu’ils avaient demandé (…)
Les gars avaient toujours pleins d’armes : mitraillettes, révolvers, grenades. Mon petit ami – Eamil – travaillait dans la police. C’est pour ça qu’au début je n’avais absolument pas pensé qu’il était wahhabite. Mais, au contraire, il a commencé à me donner des livres à lire, ceux des Wahhabites (….) Une fois, Eamil m’a « offerte » à son chef, Halid Sedaiev. Le lendemain matin Halid a parlé de moi à Eamil. Ensuite Eamil est venu me trouver, il a fermé la porte et il m’a dit qu’il avait un mission importante pour moi : je devais aller rendre un sac à un de ses amis. Moi, j’ai tout de suite compris qu’il y avait quelque chose de louche (….) Et pourtant, avant, moi j’étais amoureuse d’Eamil. Et pourtant lui, avant, il flirtait avec moi, il me suivait, moi j’avais pensé que c’était sérieux (…) »
Quand nous nous sommes saluées (ici c’est la journaliste qui parle), Zarema m’a demandé en cachette : « Ça t’ennuie si je t’appelle de temps en temps ? Je me sens si mal, j’ai même pas une amie avec qui parler. » (…)
Par la suite, elle s’est mise à m’appeler tard dans la nuit :
« Ciao, tu dors pas ? »
J’avouais sincèrement : « Si, je dormais. »
« Moi, non. Julija, je me sens si mal. »
Et dans l’écouteur j’entendais toujours les rires d’ivrogne d’un homme. Elle me téléphonait toujours d’un numéro différent, toujours de nuit, et à côté d’elle, on entendait toujours les rires d’un homme. Zarema se prostituait. »
(Sources : Il Manifesto)
(Fin)
Comme le montre la photo, en Tchétchénie, les chanteurs sont souvent des chanteuses, car le chant et la danse sont l'apanage des femmes, l’accompagnement étant plutôt réservé aux hommes. A quand le jour où, de
Mots-clefs : Tchétchénie, Femmes.
Commentaires et Mises à jour :
Re: Rien ne change...
D'accord avec toi, Sophie, et cela se répète depuis des siècles et ne sert pas de leçon pour autant...!
Rien ne change...
J'ai l'impression de toujours lire la même histoire, à travers le globe.