Ce document fournit la liste de plus de 360 compagnies privées, départements universitaires et organisations gouvernementales qui, dans 8 pays (dont Pakistan, Inde, Iran. Israël, Syrie, Egypte, Emirats Arabes Unis) « ont fourni du matériel et de la technologie à utiliser pour la fabrication des armes nucléaires ». Cela indique qu’ « au Moyen-Orient et en Asie il existe différents Etats déterminés à développer les armes nucléaires » et que « le supermarché des armes est supérieur à ce qu’on pensait jusqu’ici ».

En substance, le document ne dit rien de neuf, car personne n'a oublié la confession du chercheur pakistanais A.Q. Khan avouant avoir mis sur pied un supermarché nucléaire, mais obligé ensuite à se rétracter et à blanchir son pays. Analogue est l’affaire de l’ingénieur sud-africain, Johan Meyer qui, arrêté pour le commerce d’appareils pour la fabrication d’armes nucléaires, a tout de suite été remis en liberté. On a ainsi occulté des preuves impliquant les gouvernements et les services secrets. Le document que les services secrets britanniques ont laissé filtrer joue le même rôle politique, car vu que parmi les pays en cause trois d’entre eux (Pakistan. Inde et Israël) ont déjà des armes nucléaires, c’est aussi une façon de faire apparaître les autres, mais surtout l’Iran, comme des sources menaçantes de prolifération nucléaire.

Quoi qu’il en soit, Greenpeace critique sévèrement l’attribution du prix Nobel de la Paix à l’AIEA (cliquer sur la photo pour l'agrandir), et n'hésite pas, au contraire, à l'accuser d'être « l’une des plus grandes prolifératrices nucléaires du monde ». Elle joue le double rôle du Dr. Jekyl et de Mr. Hyde : d’un côté, empêcher la prolifération nucléaire, et de l’autre « promouvoir la technologie, y compris le retraitement du plutonium et l’enrichissement de l’uranium qui donnent à de nombreux pays la possibilité de développer des armes nucléaires ». 

L’industrie électronucléaire est née comme retombée technologique de l'utilisation militaire de la puissance nucléaire et elle a servi et continue à servir, à son tour, au développement de cette dernière. D’après les données fournies par l’AIEA elle-même, 130 des 441 réacteurs nucléaires distribués dans 31 pays, fonctionnent avec de l’uranium enrichi apte à la fabrication d’armes nucléaires. En plus des huit pays qui possèdent déjà des armes nucléaires, - USA, Russie, France, Chine, Israël, Grande-Bretagne, Inde, Pakistan, auquel il faut peut-être ajouter la Corée du Nord -, il y en a 40 qui sont en mesure de les construire. Dans le cycle de l’exploitation de l’uranium, en effet, il n’existe aucune ligne de démarcation nette entre l’usage civil et l’usage militaire de ce matériel fissible. Et ce qui pousse les autres pays sur la voie de l’usage du nucléaire à des fins militaires, c’est le fait que les puissances nucléaires actuelles, loin de désarmer comme le prescrit le Traité de non-prolifération (que l’Inde, le Pakistan et Israël n’ont cependant pas souscrit), continuent à augmenter la puissance de leurs propres arsenaux sous les yeux de l’AIEA. C’est alors qu’on se demande à qui a été attribué le Prix Nobel de la Paix 2005 : au Dr. Jekyl ou à Mr. Hyde ? Drôle d'année!

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