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Entre « Liberté d’expression » et « liberté d’exhibitionnisme »

Si je suis une inconditionnelle de la « liberté d’expression », je le suis un peu moins en ce qui concerne la « liberté d’exhibitionnisme ». Dans l’ensemble de cette affaire (dont on pourra se faire une petite idée ici), il me semble qu’on mélange bien des choses et qu’il y a pas mal de confusion, de mauvaise foi, d’inconscience, d’échauffements grandiloquents, de déclarations définitives, de prises de position exagérées, et je dois dire que cela m’énerve passablement. L’information fournie au ministre a peut-être été faussée, sa première « sanction » est sans autre hors de proportion vu l'état de service sans tache, il n’est pas impossible non plus qu’on ait préféré « frapper » un homosexuel, mais restreindre cette histoire à de l’homophobie ou la transformer en attaque à la liberté d’expression, cela signifie surtout qu’on n’a pas envie d’aller au fond de la question. Est-on vraiment persuadés qu’hors de France, au Canada par exemple, on permettrait à la fameuse blogueuse, Anne Archet, de conserver son poste si elle était proviseur d’un lycée ? Tous nos professeurs ou presque ont eu une vie sexuelle. Mais, à moins d’un scandale éclatant, n’en avons-nous jamais su quoi que ce soit ? Car c’est bien à ce niveau-là que la situation bascule.

 

Qu’on soit homosexuel, hétérosexuel ou bisexuel, quand on est proviseur ou professeur dans un collège ou un lycée, raconter sa vie sexuelle sur son blog, c’est décider d’exhiber aux yeux de tous, non pas sa propre sphère intime, mais, qu'on le veuille ou non, celle d’un « fonctionnaire de l’Education nationale ». L'anonymat ayant les jambes courtes, et les élèves d’aujourd’hui alliant l’expertise en informatique à l’esprit d’espièglerie maligne qui a toujours été une des caractéristiques de tous ceux qui sont passés sur les bancs de l’école, faut-il avoir une boule de cristal pour prévoir que, cette frontière franchie, il est sûr qu’on sera lu par ses propres élèves, provoquant chez eux, à un âge où on tâtonne et où on est loin d’avoir les connaissances sexuelles indispensables pour faire la part des choses, gorges chaudes, médisances, vulgarités, déformations, etc., mais surtout la fin de l’autorité implicite et nécessaire à la fonction qu’on recouvre ? Faut-il être un saint pour comprendre que cela signifie qu’on déroge à une obligation ? Faut-il être un génie pour imaginer que cela ne plaira ni au rectorat ni à l’ensemble des parents d’élèves qui, l’un et l’autre, vous confient une partie de l’éducation de leurs enfants ? Notre proviseur, ne savait-il pas tout cela quand il a décidé d’entrer à l’Education nationale ? A 48 ans, ne sait-il toujours pas que chaque rôle qu’on accepte de jouer a automatiquement ses exigences, ses limites, ses réserves ?

 

Je suis contente que les nombreuses protestations aient réussi à obliger le ministre à revoir sa décision, mais je suis tout aussi contente que notre proviseur ait finalement compris le concept de vie privée, et que cet exemple incitera d'une part à la réflexion, mais aussi à un peu plus de pudeur et de réserve ceux ou celles de ses collègues tombés dans le même travers. Etre adulte, n’est-ce pas souvent devoir reconnaître qu’on ne peut pas avoir « tous les droits », mais qu’au contraire, on doit se montrer capables de faire soi-même et sans attendre que ce soit les autres qui vous y obligent, un discernement entre ce qu’on peut dire et faire et ce qu’il vaut mieux éviter ou garder pour soi ou pour un groupe restreint, suivant les contextes et les circonstances ? Et encore plus quand on s’occupe d’enfants et d’adolescents. N'est-ce pas ce sens de la réserve qu’il faut enseigner aux enfants et aux adolescents qui déjà, imitant l’inconscience de notre proviseur, pensent que leurs blogs sont l’endroit idéal pour raconter leurs secrets les plus intimes ou pour régler leurs comptes avec leurs professeurs ? 

 

Rien n’est jamais tout blanc ou tout noir, tout à fait bien ou tout à fait mal, mais les excès et les individualismes exacerbés portent souvent à définir comme entrave à la liberté d'expression ce qui, en fait, n’est qu’un rappel à l'ordre suite à un exhibitionnisme mal placé. Le véritable concept de « liberté d'expression », celui pour lequel bon nombre d'êtres humains se battent tous les jours parfois même au péril de leur vie, celui que nos médias piétinent déjà abondamment, est une affaire bien plus sérieuse.

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Samedi 28 Janvier 2006, 15:12 dans la rubrique "Actualité".
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Commentaires et Mises à jour :

ImpasseSud
28-01-06 à 15:14

Je tenais à dire ce que je pense de cette histoire. Par contre, la question ayant déjà été débattue plus qu’amplement dans la blogosphère, je ne vois pas la nécessité d’ouvrir ici un nouveau débat.


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Incognito
24-02-07 à 10:06

Lien croisé

"La vie palpitante d'un prof en ZEP" ne l'est plus... : "Là, Sarah, je ne te suivrai pas. Je n’ai jamais lu le blog dont tu parles ici, mais le fait que le professeur en question brandisse les mots « réserve » et « honnête », me ramène à ce que j’ai déjà écrit chez moi il y a plus d'un an, dans une circonstance analogue même si légèrement différente. A mon avis, on abuse de plus en plus de ces termes, sans parler de celui de « liberté d’expression » dont on semble avoir perdu la notion exacte. " rel="nofollow"

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