« J’ai bien essayé de suivre un cours de couturière, mais c’est celui de plombier qui m’a plu. » C’est la raison pour laquelle Seham Mughazy, Egyptienne de 52 ans, tourne dans le quartier populaire de Darb el Ahmar (la rue rouge, NdR), au coeur du Caire islamique, en cotte bleue et chaussures de travail, hidjab et casque de protection jaune.
Une présence qu’on remarque
Il y a cinq mois, elle s’est inscrite à un cours de formation pour aspirants plombiers avec quatre autres femmes, mais c’est la seule qui a continué. Les cours comprennent des heures de cours avec des notions de mathématique, de dessin technique et de construction du bâtiment, et un stage pratique. Son expérience sur le champ, elle est en train de la faire derrière les murs antiques, où une équipe internationale d’architectes et de restaurateurs est au travail depuis cinq ans pour restructurer l’ensemble de la zone. Un projet cyclopéen financé par l’Aga Khan.
La présence de Seham ne passe pas inaperçue : « Où que j’aille, la première semaine, les gens pensent que c’est bizarre que j’aie envie de devenir plombier », raconte-t-elle en alternant l’arabe et l’anglais, le tout assaisonné avec un éclat de rire sonnant, « mais ensuite ils changent d’avis. Parce que je suis douée, vraiment douée ».
Compagnons de classe et enseignants, tous des hommes, ne lui posent aucun problème : « Ils se comportent tous comme des enfants ou des frères. Somme toute, j’ai cinquante ans, je suis mère et grand-mère », souligne Seham entre gêne et fierté, consciente que son visage rond, gracieusement maquillé avec des tonalités de bleu, trompe le temps.
Entre passé et futur
Avant, Seham a déjà travaillé comme restauratrice, enseignante, brodeuse. Ses enfants et petits-enfants ne s'étonnent plus : « Dans ma famille, on sait que ma mère est capable d’exercer n’importe quel métier, tout le monde le sait. » Pas un mot de son mari. Dans le quartier, les langues vont bon train, mais veuve, divorcée ou répudiée, peu importe. Dès qu’elle aura terminé ce cours, elle ne restera pas sans travail : « Aujourd’hui, beaucoup de femmes portent le voile ou le niqab qui les recouvrent complètement et aucun homme n’a le droit d’entrer chez elles. C’est là que je deviens parfaite, j’ai vraiment eu une grande idée en décidant de devenir plombier ».
A propos de voile, si on regarde les photos qui la reprennent entre tuyaux et tournevis, on ne peut s’empêcher de se demander : « mais le voile, elle le porte où elle ne le porte pas. Une illusion d’optique ? » « Disons que quand j’ai les cheveux en désordre, c’est bien commode, autrement... » répond Seham Mughazy avec un clin d’œil. »
Federica Soja, « L’idraulica d’Egitto », Peacereporter
Traduction de l’italien ImpasseSud
Mots-clefs : Femmes, Afrique, Religions, Méditerranée
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Super article, Impasse !