Imaginez que quelqu’un vous parle de soi, vous raconte longuement son histoire et celle de ses ancêtres, mêlées des sentiments les plus contradictoires parce que faits d’amour et de ténèbres, et que vous, vous soyez obligés de vous taire et d’écouter jusqu’au bout. Avant de vous en rendre compte, vous seriez pris par vos propres émotions, en train de rire et de pleurer avec le narrateur, sans retenue, calcul, fausse pitié ou jugements hasardés. C’est exactement ce que j’ai éprouvé en lisant d’un trait ce très beau livre autobiographique d'Amos Oz, catalogué comme roman par l'auteur en personne parce que « tout [récit] est autobiographique » mais qu’il ne faut pas confondre autobiographie et confession. (chapitre 5). Je dois dire que j’ai tout de suite été séduite par cette mise au point initiale, cette annonce d'une profonde pudeur.
Au rythme capricieux du va-et-vient de la mémoire et dans un rapport d’amour et de haine envers l’Europe, la narration creuse dans cent vingt ans de tragi-comédie familiale mais aussi dans les vicissitudes d’un peuple, de l’Ukraine, de
De cette vaste galerie de personnages naît un fils unique, Amos, nourri de contes fantastiques, de culture intellectuelle et de l’amour des livres, seules richesses de ses parents, immigrés déçus contraints à l’indigence. Mais le climat difficile qui entoure la naissance de l’Etat d’Israël, une sensation grandissante d’étouffement et une douleur atroce, - lors du suicide de sa mère alors qu’il n’a que douze ans, évènement qui hante ce livre jusqu'à la dernière page -, le poussent tout à coup à rejeter violemment son passé et son présent (jusqu’à son nom de famille), et, à quinze ans, il part pour le kibboutz de Houlda pour acquérir bronzage, force, réserve et apprendre l’agriculture. Ce qui ne l’empêchera pas de devenir un merveilleux écrivain. Il y trouvera sa femme et y restera plus de trente ans.
Si vous ne devez lire qu’un seul livre cette année, que ce soit celui-là.
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