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« L’Esquive » Abdellatif Kechiche (2004)
--> 4 César® 2005

Dans une cité HLM de banlieue, Krimo (diminutif d’Abdelkrim), 15 ans, traîne son ennui. Il rencontre une de ses copines de classe, Lydia, la seule blonde aux yeux bleus du film, alors qu’elle est en train de s’acheter une belle robe pour mieux entrer dans le personnage de Sylvia qu’elle interprète à l’école, dans la pièce de Marivaux (« Les jeux de l’amour et du hasard ») qu'on prépare pour la fête de fin d'année, et finit par en tomber amoureux. Si la pièce de Marivaux retrace les multiples cheminements d’une histoire d’amour au XVIIIe siècle, cette histoire d’amour entre deux adolescents, au XXIe siècle et dans un cadre qui semble hermétiquement clos, est tout aussi compliquée avec ses intrigues, ses coups de théâtre, ses retournements et sa fatalité, tout aussi conditionnée par les habitudes et l’entourage.

 

Il faut absolument voir ce film, à la fois dur et tendre. A mon humble avis, c’est un chef d’œuvre qui mérite largement tous les prix qu’il a reçus. Non pas seulement à cause  de l’idée originale qui sert de cadre à cet amour d’adolescents, ou parce que le scénario sociologique est bien conçu et bien orchestré et qu’il reflète d'aussi près une réalité existante, et pas même pour l’excellence époustouflante du jeu de ses acteurs, mais parce qu’en évitant systématiquement la lourdeur qu’apporterait l’exaspération des situations difficiles, une froide dénonciation à travers une critique partisane ou une recherche de « la » solution, Abdellatif Kechiche laisse de l’espace à l’imagination et suggère, presque avec légèreté, une foule de questions et de réflexions. Les miennes se résument ainsi :

Comment est-il possible que notre société, sans s’en rendre compte et parfois même avec de bonnes intentions, ait créé des milieux aussi fermés ? Ici, on va bien au-delà des singularités de l’adolescence, au-delà d’un accent passager. Il s’agit d’un Etat dans l’Etat, avec non pas un langage mais presque une langue, dure, à la limite de l’incompréhensible, et des règles de comportement sévèrement codifiées. La figure de l’Etat, - la République Française -, n’y pénètre qu’en sourdine, à travers un groupe d'immeubles dortoirs, l’ombre de la prison au-delà de la toile de fond, les merveilleux efforts d’une prof de français qui, en 4ème, doit encore expliquer le rôle de la virgule, et celui de la figure menaçante et même carrément agressive de sa police.

Quant aux émotions, à côté des sourires qui m'ont échappés, au milieu d’un sentiment permanent de tendresse qu’ici personne n’oserait exprimer et ni même mentionner, j’ai eu tour à tour la gorge serrée, la tête douloureuse et froid dans le dos. A la fin du film, le verdict est clair, le mien en tout cas, mais, bien entendu, je n’en dirai rien, pour ne pas gâcher le suspens.

 

S'il n'est plus dans les salles, achetez ou louez donc ce très beau film ! Surtout maintenant que nous sommes en pleine campagne électorale. A ceux qui l’auraient déjà vu, mais seulement à ceux-là car les autres perdraient l'effet-surprise, je suggère d’aller faire un tour ici : une belle analyse dont je partage les vues, et qui m'a même rassurée, car je me demandais si mon statut d’expat au long cours était la raison pour laquelle j'avais autant de mal à comprendre.

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Mardi 20 Février 2007, 13:46 dans la rubrique "J'ai vu".

Commentaires et Mises à jour :

ImpasseSud
22-02-07 à 15:34

En comparaison ...

.... un autre film sur le rôle de l'enseignement : lire ce billet sur « Le sourire de Mona Lisa », accompagné d'une réflexion sur le milieu de L'esquive.