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Bugul Ken, « Riwan ou le chemin de sable » (1999)

« Dans un récit bouleversant et puisé aux sources d'un vécu authentique, ce livre raconte des destins croisés de femmes africaines prises dans des relations monogamiques "modernes", ou "polygamiques traditionnelles". (...) Qu’il soit ravi ou offusqué, aucun lecteur ne sort intact de cette lecture, car jamais une romancière africaine n’est allée aussi loin dans l’assomption totale de sa féminité », peut-on lire de la plume d’Hamidou Dia* sur la quatrième de couverture. Mais quelle douceur dans ce magnifique roman autobiographique ! Quel style chaleureux !

 

Dans un village au centre du Sénégal, un riche marabout – le Serigne -, règne dans le respect des traditions. Il s’agit d’un saint homme vieillissant, mais non moins d’un homme, d’une grande intelligence et d’une grande bonté, et son aura de paix finit par toucher tous ceux qui l’approchent. C’est ainsi qu’on lui amène Riwan, le fou qu’on a dû enchaîner parce que personne n’arrive à le dompter, mais qui se calme à son contact et reste même à son service, balayant tous les jours le chemin de sable qu’empruntent les épouses qu’il fait appeler ; puis Rama pour qu’elle devienne sa 27e épouse. Les épouses vivent toutes ensembles, sans manquer de rien, dans une grande maison inaccessible aux hommes mais sans autre gardien que le « Ndigueul », entre une soumission volontaire et l’abondance des rires.

Intellectuelle « évoluée » sans vraiment être heureuse de l’être, malgré de longs séjours en Europe et de grandes illusions initiales, la Narratrice-Personnage devient la 28e épouse de cet homme avec lequel elle s’était tout d’abord prise d’une véritable amitié. Mariage qui ne sera rompu que par la mort de ce dernier et qui lui permet enfin de « retrouver une identité reconstruite, apaisée et réconciliée avec elle-même ».

 

Ce livre, il faut le lire avec les yeux, le regard, l’intelligence, la perception et l’expérience de l’écrivaine, sans aucune barrière mentale. Sinon, à quoi bon ? Et surtout ne pas le confiner à un éloge de la polygamie comme on a tendance à le faire. Ici, bien sûr, on aborde cette question directement et sans ambages, mais la véritable confrontation ne se trouve pas entre la monogamie et la polygamie, mais entre le contexte toujours enveloppant (mais aussi rassurant et confortable) des traditions africaines et le désert relationnel occidental du tout permis ; entre féminité et féminisme ; entre désir de séduction et jalousie ; entre les respectives conceptions de la vie et de la mort. Intégrer deux cultures si différentes n’est pas facile et porte parfois à la perte de soi-même. A travers un roman où chacun des personnages principaux est peut-être l’image d’un des différents aspects de sa dissociation intérieure, l’auteur nous raconte sa propre recherche d’un équilibre psychologique, équilibre qu’on ne peut atteindre qu’à travers un retour en soi-même. Et c’est ce que finit par lui enseigner sa vie avec les autres femmes du harem, après l’arrivée de la 29e épouse, et qui lui permettra de recouvrer l'ensemble de son potentiel personnel.

 

C’est vraiment un très beau livre dont je conseille vivement la lecture à tous ceux qui rejettent volontiers les œillères.

Lire ici une belle interview à Ken Bugul à propos de ce livre.


* Hamidou Dia
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Ecrit par ImpasseSud, le Lundi 5 Mars 2007, 10:18 dans la rubrique "J'ai lu".