Lasse jusqu’à la nausée d’entendre jour après jour les JT qui nous distillent, goutte à goutte, le compte des soldats américains ou anglais tués en Iraq, j’ai arrêté de les regarder. Vu que le peuple américain continue à dormir, je ne vois pas pourquoi, moi qui ne suis pas américaine, je devrais continuer à tenir le décompte de ce drame largement annoncé. J’ai honte pour lui, c’est tout. Par contre, j’essaie de ne pas perdre une occasion pour avoir une information de première main. Ici, je ne rapporterai pas tout ce que j’ai lu sur le blog de River, Iraquienne, 24 ans, dans son post du 24 septembre (For sale : Iraq), car ce serait trop long, mais je conseille à qui lit ces lignes et comprend l’anglais de le faire, c’est terriblement instructif sur la vie d'aujourd'hui à Bagdad. Et ne faut-il pas, de temps en temps, prendre une bouffée de vérité ?
Le passage suivant illustre la façon dont les pays "démocratiques", par le biais des multinationales, « aident » l’Iraq à se remettre sur pieds en procurant (!?) des emplois.
« Mon père a un ami qui a une femme et trois enfants. Pour l’instant il travaille pour une compagnie internet italienne. Il communique, « on-line », avec son boss qui se trouve à des milliers de kilomètres d’ici, à Rome, sain et sauf, persuadé qu’il y a des gens qui ont besoin de nourrir leur familles en faisant ce travail à Bagdad. Cet ami et une équipe de techniciens travaillent 10 heures par jours et 6 jours par semaine. Ils voyagent dans toute la zone de Bagdad, installant des networks. Ils voyagent dans une SUV déglinguée armés de câbles, fils, pinces, cartes de Network, installations avec CD, et d'un kalachnikov pour… vous savez …. les urgences techniques.
Chacun des 20 gars qui travaillent pour cette compagnie gagne 100 $ par mois. 100 dollars pour 260 heures pas mois, cela signifie qu’ils gagnent 0,38 $ de l’heure. Ma baby-sitter de 16 ans avait l'habitude de gagner plus que ça. La compagnie italienne, comme de nombreuses compagnies étrangères, semble croire que 100 $ est un salaire normal dans la situation actuelle. On se demande quel est le prix du contrat original souscrit par la compagnie italienne… combien d’innombrables millions sont dépensés afin que 20 gars puissent gagner 100 $ par mois pour installer des networks ? »
(Traduction ImpasseSud)
En effet, comment peut-on avoir le courage de payer des techniciens spécialisés 100$ par mois ? Comment ose-t-on profiter de façon aussi honteuse du moment difficile que ce pays traverse ? J’imagine le sourire réjoui du « boss » de la multinationale qui a signé le contrat, après avoir fait « l’affaire de sa vie ». Est-ce notre type de société qui a élevé tous ces gens-là, que l’on dit honnêtes, avec de tels principes ? Ne leur a-t-on jamais enseigné ce qu’est le bien et ce qu’est le mal ?
Chaque fois que je lis ce qu’écrit River je suis bouleversée. Non pas tellement parce qu’il s’agit d’un récit de guerre, mais à cause de son raisonnement, de sa façon de voir la situation, de son absence de haine gratuite, et à cause du bon sens dont elle fait preuve même dans l’insécurité, la peur, et les conditions difficiles dans lesquelles elle est contrainte à vivre.
Moi qui vis dans un pays en paix, je ressens les mêmes émotions, les mêmes colères, le même sens de l’injustice. Et pourtant nous n’avons pas le même âge, pas la même expérience. Nous n’avons pas reçu la même éducation, nous n’avons pas été élevées dans la même religion, nous n’avons pas les mêmes traditions ni la même culture. Alors comment expliquer ces réactions communes ? N’est-ce pas une preuve que le bon sens est universel, une preuve qu'il n'est pas si difficile que cela de faire la différence entre le juste et l'injuste?
Mot-clef : Iraq
