1) Le portable « sensible » et 2) la grillade à la « tchatte ».

1) le portable « sensible » (ou portable « intelligent) : « Je suis désolé, je n’ai pas envie de parler parce que je suis de mauvaise humeur. Je vous prie de rappeler plus tard ». Voilà le message que vous entendrez bientôt si la personne que vous appelez possède un « portable intelligent » comme celui mis au point par des chercheurs américains. En effet, cette « nouvelle génération » de portable réussit à « sonder » l’état d’âme de son utilisateur, et donc, à filtrer, éventuellement, les appels non désirés.  Le prototype utilise la technologie « context aware », qui permet à certains dispositifs de réagir intelligemment sur la base du contexte extérieur. Il est doté d’une « boîte de contrôle » qu’on s’attache à la taille avec des senseurs appliqués au bras, capables de comprendre et traduire l’activité et l’humeur de celui qui l’utilise. Si au moment d’un appel le téléphone « sent » que vous êtes occupé ou que votre état d’âme n’est pas celui qu’il faudrait, il envoie sa réponse en spécifiant que s’il s’agit d’un appel urgent on peut rappeler dans les trois minutes qui suivent. Dans ce cas, l’appel ne sera pas « filtré ».

Les chercheurs sont en train d’essayer de programmer ce genre de portable afin qu’il  réagisse dans 4 situations–type : trop occupé pour être dérangé, activité physique en cours, moment de relax et normalité. Mais il paraît que nous changeons d’état d’âme de 6 à 12 fois par jours.

(Sources : The Independent)

2) la grillade à la tchatte :

Comment convaincre un employé taciturne à échanger quelques mots aimables durant la pause-repas ? Au Japon, où même la socialisation passe pas les voies toutes puissantes de la technologie, la réponse est un nouveau gadget électronique baptisé « Communication Grill Chang-tei ». Il comprend sans aucun doute un grill sur lequel on peut faire cuire des brochettes ou des légumes, mais celui-ci est relié à une série d’ordinateurs. Le principe est le suivant : les gens s’installent autour d’une table avec un grill au centre, et face à chaque convive il y a une assiette et un navigateur. Pour activer la cuisson des aliments déposés sur le grill, il faut participer avec décision à la tachtte. Si la conversation on-line tend à s’endormir ou cesse complètement, le grill s’éteint. Donc, pour pouvoir manger, il est préférable d’être  bavard.

Difficile à croire, mais en réalité, il s’agit d’un véritable projet commercial : il suffit de donner un coup d’œil sur ce site pour s’en rendre compte. En plus d’une série d’explications techniques sans aucunes notes d’humour, la page web propose une demo dans laquelle de jeunes couples japonais préfèrent un repas technologique au Cheng-tei, les doigts sur le clavier et le regard fixé sur le monitor de son propre ordinateur, plutôt qu’un dîner romantique traditionnel, les yeux dans les yeux et la main dans la main. L’absence de contact direct pourrait tout du moins être compensée par la puissance des mots écrits et la fébrilité de la tchatte, mais il n’en est rien : le grill est programmé pour une utilisation discrète et modérée. Se le système se rend compte que les convives dépassent le seuil de la simple conversation courtoise et bien élevée, la température du grill augmente et le dîner est terminé car la viande et les légumes brûlent.

Le nouveau produit lancé par la "Cyber Ching-Dong Ya" n’est-il pas le fruit de la schizophrénie d’un pays où la technologie essaie de remédier aux dégâts produits par la technologie en elle-même ? Le dépliant qui décrit le produit web assure des résultats enthousiasmants : « l’atmosphère de convivialité» créée par l’engin « cyber-culinaire » favorise la communication avec le propre partenaire ou avec un voisin de table. Un dîner chez Cheng-tei, par exemple, résultera vraiment parfait avec l’ajout de deux produits nouveaux : une couverture thermique dotée d’une connexion UBS, juste pour garder les genoux au chaud durant les longues heures de tchatte, et un chauffe-café qui utilise le même portail que votre ordinateur. Chauffe ici, chauffe là, mais il y a de grandes chances pour que la soirée reste plutôt fraîche.

(Sources : L’Espresso)

Vouloir un portable qui comprend vos états d’âme n’est-ce pas comme admettre que nous vivons dans un désert relationnel et que nous en sommes réduits à nous adresser à la technologie pour combler ce vide ? Jusqu’aux années 80 le téléphone était conçu comme un merveilleux moyen de communication capable de raccourcir les distances et de facilités les contacts, affectifs et fonctionnels. Puis, tout à coup, le répondeur est né, soi-disant pour répondre quand on est absent et prendre note des messages. Mais il nous oblige à parler seul, et il sert de plus en plus souvent pour permettre de choisir de ne pas répondre quand la personne qui appelle dérange. Il en est de même pour le portable. D’un instrument qui permettait d’être repérable n’importe où et n’importe quand, on a fait un engin qui  permet d’appeler de n’importe où, mais sans être ni repérable ni localisable. Et les disques permettent de confondre inaccessibilité et portables éteints, ajoutant un touche de stress aux relations téléphoniques.

Quand à la grillade à la tchatte, pour nous qui n’en sommes encore qu’aux cybercafés, elle peut évoquer un scénario ridicule et extrême. Mais il en faut tellement peu pour qu’une mode prenne, surtout si elle promet  (comme les Flash-mob )  l’intégration dans une communauté d’esprit supposée chaleureuse.

Il ne faut surtout pas croire que toutes ces inventions « fantaisistes » naissent de l’esprit excentrique de quelques chercheurs. Il semble bien, au contraire, qu’elles essaient de répondre à un besoin de notre société, mal exprimé et insatisfait, de relations réelles, de compréhension, de chaleur humaine. Mais chose étrange, on continue cependant à croire que pour être heureux, il suffit d’éloigner les ennuyeux, et on continue à créer des barrières, toutes sortes de barrières, éliminant de plus en plus les rapports personnels et directs. Et on en arrive là :   

Tant de solitude et plus un seul instant de paix !

Tant de communication, et si peu d’instants chaleureux !

Tant de technologie et aussi peu de bien-être réel !

Tant de foules, mais des relations qui n’a pas le temps de naître.

N’y a-t-il pas un problème quelque part ?