Hajime Matsui, compositeur et guitariste, est retourné vivre à Nagasaki après une longue absence. Son travail est dédié à l’harmonie entre les hommes, la nature et la paix. La ville et l’histoire de Nagasaki sont présentes dans ses chansons. Par exemple, dans son CD Waon, il parle de la mer de Nagasaki, et, d’après ce qu’il dit, c’est sa façon d’être contre la guerre, pour la paix et contre la bombe atomique, mais il n’en parle pas directement. « Je commence tous mes concerts par : « Je viens de Nagasaki. Vous savez, l’endroit où on a lâché la bombe…. »
« Tout d’abord, je veux comprendre si on sait de quoi je parle, parce que beaucoup de monde ne sait pas bien ce qui s’est passé. Dans les livres d'école, l’explication relative à cet évènement tient de moins en moins de place, et les générations les plus jeunes sont de moins en moins au courant.
« Moi, j’ai 38 ans et certains de mes copains d’école sont morts de leucémie parce que leurs parents avaient été exposés aux radiations. La bombe atomique est encore présente autour de nous et ceci est valable aussi bien pour Nagasaki que pour Hiroshima qui a vécu la même histoire. Mais en dehors de ces deux villes, déjà à Fukuoka, par exemple, qui se trouve un peu plus loin, pour les habitants c’est comme s’il s’agissait de quelque chose qui s’est passé ailleurs, même si cela semble étrange. C’est la raison pour laquelle un de mes amis est mort de leucémie. Il aimait beaucoup la musique, et je suis allé jouer pour lui, même à l’hôpital, jusqu’à la fin. Moi, je veux créer une musique qui fait qu’on se sente bien et qui incite à la paix.
Il y a des musiciens qui font des chansons plus explicites ou plus critiques, mais pour moi ce qui compte, c’est le message pacifiste. J’ai écrit une chanson qui s’appelle « le son de la terre ». Ce qui m’a inspiré, c’est la nouvelle qu’un satellite peut capter les sons de la planète. Alors j’ai pensé à comment pouvait être un son global. Il y a le son du désert, le son de la guerre…. Et ma chanson dit « combien ce serait beau si ce son était un son de paix ». Nagasaki est un des points de cette terre, et s’il y avait la paix, il pourrait partir d’ici et se répandre dans le monde entier. Tout dépend de la façon dont on choisit de dire les choses, de la propre personnalité. La mienne est pacifique, d’autres personnes s’expriment avec des paroles fortes, directes. Moi, par contre, je préfère que la violence des choses apparaisse en contraste avec cette façon de communiquer non violente. A mon avis, ceux qui expriment leurs opinions avec force reçoivent de l’agressivité en retour. Avec cette méthode plus douce, je crois que j’arrive aux gens d’une façon plus légère mais plus durable. Tout du moins, c’est ce que je pense. Bien sûr, quand on parle, il vaut mieux dire les choses directement, mais une chanson doit être chantable par tout le monde, des enfants aux adultes. Il faut la transformer en un texte, et je me demande si un slogan peut être efficace si on le met en chanson.
A la base de ma musique, il y a sans doute un monde utopique et j’aimerais mettre en musique un libre de fables et le faire jouer. J’aime beaucoup écouter Mozart et toute la musique qui réussit à évoquer des images. Fondamentalement, je crois que j’ai été influencée par les rythmes des chansons populaires d’Okinawa, où une série de taiko (tambours) interviennent ensemble, avec une alternance de sons lourds et légers. »
(Tiré de l’interview relâchée à Il Manifesto)
Une mémoire sans oubli, une interview aux paroles douces, une façon poétique de s’exprimer. Le « son de la paix » ? Bien sûr, la guerre n'est pas dans nos murs, mais l'information est globale et j’ai du mal à l’imaginer…
Mots-clefs : Asie, Société, Planète Terre, Guerres
Commentaires et Mises à jour :
Re:
Je crois qu'on ne comprend la guerre que si on est touché personnellement ou à travers ses proches. Sans douleur personnelle, la mémoire s'efface. En gros, c'est ce que dit notre chanteur et c'est ce qui est en train de se passer au Japon.
J'ai un souvenir bien précis à ce sujet. En 1986, je ne sais pas si tu t'en souviens, Kadhafi, qui aidait et finançait l'OLP et les mouvements terroristes internationaux, était particulièrement aggressif au grand jour. Suite à un attentat contre un local fréquenté par des militaires américains, Reagan fait bombarder sa résidence dans une caserne de Tripoli. Lui-même est blessé et sa fille est tuée. En représaille, il lance un missible vers l'île italienne de Lampedusa (c'est pour cela qu'en Italie tout le monde se souvient de cet évènments), soi-disant pour toucher la 7ème flotte. Il n'en reste pas moins que ce coup dur a changé ce personnage. Bien sûr, il aime toujours jouer un rôle de protagoniste sur les scènes politiques africaines et arabes, mais depuis cet évènement son arrogance guerrière est tombée, d'un seul coup.
Je pense que les choses seraient peut-être différentes si tous les va-t-en-guerre en subissaient tout autant, même si cela ne servait que sur une génération à la fois.
Merci pour ton lien. Comme le montre si bien ton article sur CTC, le chantage à la force nucléaire est reparti pour un tour :( !
""A la base de ma musique, il y a sans doute un monde utopique et j’aimerais mettre en musique un libre de fables et le faire jouer""
Comme on aimerait que le monde soit fait d'utopies...! Quand on voit ce qui se déssine actuellement! Le Pakistan après l'Iran, fait un nouveau pied de nez à l'Inde et au reste du monde lien !
Merci encore pour ce beau texte, très explicite sur les concéquences de la folie humaine et qui n'a pas pour autant servi de leçon à la génération suivante!
Peut-être n'y a t-il pas assez de Hajime Matsui pour raisonner le monde les hommes au pouvoir, et aux pouvoirs dévastateurs?