Rafiullah a deux mois. Il est né prématuré. Depuis quelques jours il a une grosse fièvre et il refuse de manger. Ses parents décident de l’emmener à l’hôpital pédiatrique Indira Gandhi. Ils montent en voiture et ils partent. Sur la route, rendue boueuse par la neige, un tank canadien de l’ISAF (le contingent international) arrive à grande vitesse et tamponne violemment la voiture, la démolissant presque. Mais au lieu de s’arrêter et de secourir Rafiullah et ses parents qui sont blessés, un des soldats lance au père médusé une feuille de papier sur laquellle est imprimé un texte en anglais et en farsi, et le tank repart à toute vitesse, en les laissant là, au milieu de la route.

L’hôpital le plus proche est celui d’Emergency (qui s’occupe des victimes de guerre). Le père prend son fils dans ses bras, et sa femme et lui-même réussissent à rejoindre les urgences. Ils sont l’un et l’autre couverts de coupures, et lui a de vilaines blessures au ventre. Le petit, par chance, n’a pas subi de traumatismes, mais son état est grave. Il est déshydraté et il respire mal avec de longues pauses en apnée. Les parents racontent qu’ils étaient en train d’aller à l’hôpital pédiatrique. On demande donc à un médecin de cet hôpital de donner un coup d’œil à l’enfant pour, éventuellement, le faire transférer, car il devrait être bien équipé vu que ces dernières années il a reçu des financements substantiels. Théoriquement, à Kaboul, ce devrait être l’hôpital de référence en matière de néonatalogie. Le médecin va le voir, mais il dit que son hôpital n’est pas équipé pour recevoir ce genre de patient. Il conseille d’envoyer les parents acheter certains médicaments et il s’en va.

Alors, les Médecins d’Emergency décident d’intuber le bébé avec ce qu’ils ont sous la main, un petit tube d’aspiration transformé en tube endotrachéal. Après une mauvaise nuit en soins intensifs, l’état du petit donne cependant quelques signes d’amélioration, mais son état est encore très critique. Un médecin de l’hôpital explose : « C’est un comble ! Les militaires de l’ISAF qui sont à Kaboul pour protéger la population, ne s’arrêtent même pas quand ils tamponnent les voitures des civils! Et comment se fait-il que le seul hôpital pédiatrique de la ville ne réussisse pas à fournir une véritable assistance malgré les gros investissements effectués par les ONG dont les logos tapissent ses corridors ? A Kaboul, pourquoi la santé n’est–elle pas un droit, pourquoi les gens doivent-ils payer l’assistance et les médicaments ? »

Au père de Raffiullah qui ne sait ni lire ni écrire, on a ensuite lu le papier que lui avaient lancé les Canadiens : « C’est écrit que si quelqu’un est en possession d’un de ces papiers, ça signifie qu’il a été tamponné par un véhicule de l’ISAF dans un accident de la route dont la plaque minéralogique est…. Ici, il y a un espace à remplir. Adressez-vous au commandement canadien pour voir ce qu’on peut faire ».

A Kaboul, en février 2004, c’est comme ça que ça se passe, et c’est même la norme, parce que les militaires de la civilisation occidentale, les plus forts du monde, qui sont venus en bombardant pour « libérer » des Talibans le peuple Afghan, pour lutter contre l'axe du mal, prennent la fuite en cas d’accident de la route, car ils ont peur de la population. Ici comme en Iraq… ce ne sont que des troupes d’occupation. Mais cela intéresse-t-il encore quelqu’un ?

(Sources : Peacereporter)

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