Chose impensable sous le règne des talibans. Et pourtant, aujourd’hui en Afghanistan, c’est l’idéal qui anime les élèves de l’Aina Photo Agency, la première agence de photos née en 2002 d’après une idée du photoreporter iranien Reza et d’une ONG déjà existente pour la promotion de la liberté de l’information. Parmi les 400 candidats qui, à Kaboul, ont immédiatement postulé, on a retenu une vingtaine de candidats de 13 à 40 ans, dont 2 femmes. L'une d'elles, Farzana Wahidi, 21 ans, est aujourd'hui photoreporter freelance pour l'AFP.
Au siège, - une ancienne prison des talibans -, les aspirants reporters ont suivi une série de cours intensifs : bases de journalisme, utilisation d’Internet, anglais, et techniques photographiques. Ils sont partis des boites traditionnelles utilisées pour faire des photos d’identité dans les rues de Kaboul, puis ils sont passés au 35mm pour arriver ensuite à la photo digitale. Ils ont appris à développer et à imprimer les images dans une chambre obscure et à faire des retouches avec Photoshop. Cette galerie de photo montre les résultats.
Tous les élèves sont animés par le même désir. D’une part, montrer la beauté de l’Afghanistan et de la société afghane à travers les images, mais aussi raconter la vérité.
Il s’agit encore d’une profession dangereuse. Le plus ancien du groupe, Najibullah Musafer, 40 ans, a passé 7 mois en prison à cause de ses photos et a même bravé la mort en tournant un documentaire sur le régime des talibans.
Le projet de Reza est soutenu par le Programme des Nations Unis pour le développement (UNDP), par les ONG USAID et Free Voice, avec un partenariat avec de nombreux périodiques et agences de presse comme Paris-Match, Le Monde 2, National Geographic, The Sunday Times, Day Japan, La vie, Reuters. Contacté par Reza, Dimitri Beck, plein d’enthousiasme en est devenu le rédacteur en chef : « On ne peut pas avoir une démocratie complète sans médias indépendants ». Sans parler de l’apport plus que substantiel de matériel d’avant-garde afin de permettre à l’agence d’égaler les standards internationaux.
Aujourd’hui, l’Aina Photo Agency a une réseau de collaborateurs dans les principales villes du pays, le noyau organisateur étant désormais dans les mains des premiers élèves formés il y a trois ans. « Pour chacun d’entre nous, c’est le début de ce qui s’annonce comme une grande aventure », conclut Beck.
(Sources : Peacereporter)
Un conseil : cliquer sur tous les liens, c’est un vrai régal pour les yeux et pour le moral !
Commentaires et Mises à jour :
Un appel à l'aide de REZA depuis Kaboul
Suite à mon billet, ce matin, j'ai trouvé cet appel de Reza dans ma poste électronique :
Kaboul, le 5 juillet 2005
Chers amis,
Je vous écris de Kaboul.
Nombreuses sont les routes qui mènent à Kaboul, ville symbole d'un pays dont on ne sort pas sans y avoir laissé une partie intime de soi. Sans doute il y a de cette attirance particulière dans cette route que j'ai tracée depuis 25 ans en Afghanistan, témoin que je suis des combats de ce peuple pris dans la tourmente des guerres et des répressions. Sans doute, c'est cette attirance là qui me pousse à y être aujourd'hui encore, alors que l'intérêt de la communauté internationale est déjà ailleurs.
Aux lendemains de la libération de Kaboul en 2001, fort des conflits que j'ai couverts dans le monde, sachant que les blessures ineffables sont celles de l'âme, sachant que les guerres brisent l'identité culturelle d'un peuple, sachant que les répressions emprisonnent la liberté de dire et de penser, j'ai compris l'importance de créer Aïna , organisation humanitaire. ONG de la troisième génération, elle participe au développement des médias indépendants et de l'expression culturelle, fondements des démocraties naissantes et de l'émergence des sociétés civiles.
Que restera-t-il des maisons reconstruites, des routes asphaltées, des écoles et des hôpitaux bâtis, sans société civile animée par un peuple en marche vers la démocratie, et éduqué à la paix ?
Vous avez été sensibles à cette idée.
Depuis 4 ans, au sein de ses 8 centres des médias et de la culture installés en provinces et à Kaboul, Aïna forme des professionnels (femmes et hommes) et soutient des initiatives locales de médias indépendants, dans des domaines aussi différents que le documentaire vidéo, le photo-reportage, la radio, la presse, le cinéma itinérant éducatif dans les provinces les plus reculées...Jusqu'à un passé récent, quelques 300 afghans bénéficiaient de formations et participaient à la production de films, d'émissions radio, de reportages photos, de magazines et touchaient ainsi quelques millions d'auditeurs, de spectateurs ou de lecteurs...
Aujourd'hui, je vous écris afin de ne pas réduire à néant la volonté de ces journalistes qui ont perdu leur travail et leur espoir de participer à l'émergence d'un Afghanistan pacifié et libre, et ce, par manque de fonds.
Quant aux enfants...Ceux-là même qui, grâce au soutien d'Aïna espéraient que la mendicité dont ils vivaient était bien derrière eux ...! Ceux-là même qui survivaient en vendant à la criée les publications soutenues par Aïna, tout en s'alphabétisant par la même occasion... !!! Beaucoup de ces enfants-là sont retournés à leur collecte d'ordures et au geste humiliant de la main tendue, car nombre des publications qu'ils vendaient n'existent plus.
Quant au magazine Parvaz (l'Envol), ce bijou de la presse afghane de tous les temps, l'unique magazine pour enfants lancé par Aïna et distribué gratuitement dans tout le pays, véritable fenêtre sur le monde, éducatif, ludique, pédagogique ; cette pierre à l'édifice d'un futur Afghanistan où les acteurs de demain (que sont les enfants d'aujourd'hui) seront ouverts, tolérants et démocratiques, cessera de paraître.
Une obligation morale envers les afghans, au nom des citoyens d'un monde libre que nous sommes, me pousse à partager cette situation alarmante, voire désespérée, pour l'ensemble de ces projets qui manquent de financement pour accéder à une autonomie nécessaire.
Aujourd'hui toute l'équipe d'Aïna, de Kaboul à Paris se bat pour préserver le souffle de la liberté...à répandre partout.
Je vous écris de Kaboul puisque aujourd'hui vous êtes les seuls à pouvoir aider Aïna par votre réaction et votre implication.
Ces projets ont besoin de vous parce qu'ils nourrissent l'âme meurtrie et bâillonnée d'un peuple en marche vers la paix.
Je reste dans l'attente de vos nouvelles, de vos actions et je vous en remercie.
Reza
Aidez Aïna en adressant cette lettre à tous vos amis
et en leur demandant de la faire circuler à leur tour.
Soutenez Aïna, les média independants, la liberté de la presse et les journalistes afghans.
www.ainaworld.org
Courrier de Christophe de Ponfilly
Lettre aux membres du Jury Albert Londres
Chers Amis,
Je rentre d'Afghanistan où je suis allé ouvrir le chantier de mon film de fiction ( L'Etoile du soldat), dont le tournage va enfin se dérouler dans la vallée du Panjshir en août et septembre prochains.
En Afghanistan, comme vous le savez, la paix demeure fragile.
A la suite de manipulations diverses et variées, du jeu malsain des Pakistanais, de l'étonnante capacité des Américains à cumuler les erreurs, les Taliban reviennent, souvent en costumes cravates, la même folie nichée dans leurs cervelles. On en trouve jusque dans les nouveaux Ministères...
Partout, pourtant, une démocratie tente d'exister. Le 18 septembre prochain, pour la première fois, des élections législatives vont se dérouler à travers toutes les provinces du pays.
Si je m'adresse à vous tous aujourd'hui, c'est pour vous transmettre l'appel au secours de notre confrère Reza Deghati, photographe ô combien célèbre et talentueux qui, comme je l'ai été, s'est trouvé proche de Massoud et des Afghans. Après l'assassinat de Massoud, Reza s'est engagé dans la reconstruction de cet Afghanistan dont rêvait cet homme pour qui nous avions tant d'estime.
Reza, en2001, a donc créé Aïna, une ONG de développement de média. Grâce à cette initiative, et à son énergie, il a pu rassembler autour de lui des Afghanes et Afghans qui ont pu donner vie à des journaux (pour enfants, pour femmes et pour tous publics), mais aussi des radios et quantité d'autres initiatives utiles pour le développement d'une démocratie (voir les documents ci-joints).
Aujourd'hui, à la suite de plusieurs difficultés, Aïna est menacée de disparition. Les seuls journaux libres d'Afghanistan risquent alors de mourir, les radios de céder la place au silence et, pire, aux imprécations de fous d'Allah bien décidés à prendre leur revanche sur les Américains et notre monde occidental qu'ils vomissent.
Il faut aider Aïna afin que rien de ce qui a été créé ne meure. J'ai rencontré Reza, il y a quelques jours à Kaboul. Il ne baisse pas les bras. Si, les uns et les autres avez des idées pour faire parler de ce qui se trame, Reza vous dira comment le soutenir. L'Afghanistan a besoin d'une presse indépendante, avec des journalistes afghans dignes de notre métier, témoins privilégiés de l'évolution de leur société sorti d'un long cauchemar qu'ils ne souhaitent pas vivre à nouveau. Les aider, c'est nous aider aussi.
Florence Aubenas est libre. Les soutiens ont été précieux.
Aïna doit continuer à vivre. Je laisse à chacun de voir comment soutenir Reza et son magnifique engagement.
Je m'étais engagé à vous transmettre son appel. Si vous le désirez, si vous en avez les moyens, je vous passe le relais. Merci.
Confraternellement.
Christophe de Ponfilly
Courrier d’Olivier Weber
Chers Amis,
2001, a beaucoup fait pour l’Afghanistan. Formations, camerawomen, journaux, radios. Reza s’est lancé avec noblesse de coeur et succès dans un nouveau combat et nous le croisions aux pieds des falaises aux bouddhas assassinés comme dans les villages reculés du Panchir.
Ne laissons pas tomber l’Afghanistan, ne laissons pas tomber ceux qui n’ont jamais oublié le pays de Massoud, jamais. Reza, témoin engagé, est de ceux-là.
Dès les temps héroïques de résistance afghane, il a emprunté les sentiers minés pour rejoindre les moudjahiddins et raconter leurs drames, appareil photo en bandoulière. Son association Aïna, créée en
Aujourd’hui le pays demeure fragile.
Les manœuvres persistent.
Et Aïna en souffre.
Je vous demande de relayer son appel à l’aide.
Pour que ceux qui ont beaucoup appris avec Aïna, le Miroir, puissent sourire encore.
Olivier Weber