Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

Afghanistan : La fugue des ONG en cas de guerre
--> Gino Strada, « Buskashì, Viaggio dentro la guerra » (2003)

Voici un passage tiré du livre de Gino Strada  (Feltrinelli, Milan) qui raconte tout ce qu’il a vécu pour rejoindre son hôpital à Kaboul, entre le 9 septembre 2001, jour de l’assassinat de Massoud en Afghanistan, et le 13 novembre 2001, jour de la conquête de Kaboul par les moudjahiddin de l’Alliance du Nord. Gino Strada est chirurgien de guerre et un des fondateurs d’Emergency, l’association humanitaire italienne qui soigne et rééduque les victimes de guerre et des mines antipersonnelles, en Afghanistan depuis près de 20 ans, mais aussi, en Somalie, au Cambodge, en Iraq, en Algérie et ailleurs. ("Fuite de Kaboul", traduction de l'italien ImpasseSud)

 

"Encore une nouvelle : « Attaque des USA : l’ONU est en train de prendre en considération le retrait de son personnel en Afghanistan. (Ansa-Reuters) – Kaboul, 12 sept. : Les Nations Unies sont en train de considérer l’hypothèse de faire rentrer leur personnel en Afghanistan, après que les attaques terroristes d’hier contre les Etats-Unis aient fait augmenter la peur d’une attaque américaine. Quelques organisations humanitaires ont fait savoir que leurs employés sont sur le point de quitter l’Afghanistan avec un vol spécial de l’ONU prévu aux alentours de midi. ».

Un grand nombre de personnes, même au sein des Nations Unies, est convaincu de l’imminence d’une attaque militaire, et leur réponse est l’évacuation.

Et pourtant, en Afghanistan, le 12 septembre est un jour comme un autre, misère et lutte quotidienne qui se répètent depuis un quart de siècle.

Et alors, pourquoi évacuer ?

 

Les besoins ne manquent pas.

Quand on tire et qu’on bombarde, les gens se sauvent, s’ils le peuvent et s’ils réussissent à le faire. Les gens, pas les terroristes. On ne connaît aucun acte de guerre sans réfugiés, sans dispersés, sans des gens qui fuient à pied et les mains nues. Alors pourquoi l’Unhcr et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés devrait-il évacuer ?

On ne rencontre jamais, dans les pays en guerre, des foules de gens bien portants ou obèses. Au contraire, les gens ont faim, tellement faim, un retard de faim. La faim a été utilisée comme arme, par beaucoup de monde, pour détruire l’ennemi. La faim – qu’on ne veuille pas garantir de la nourriture à tous les hommes est une des hontes de l’espèce humaine – accompagne toujours la guerre, elles vont bras dessus bras dessous. Alors pourquoi le WFP, ou Programme alimentaire mondiale, devrait-il évacuer ?

La guerre veut dire morts et blessés, mutilés et maladies, et épidémies. Combien de gens meurent à cause de la « maladie-guerre » ? Quels sont les effets de la guerre sur la santé des êtres humains ? La guerre est la plus dévastatrice des tragédies sanitaires. Alors pourquoi l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé devrait-il évacuer ?

Et les enfants? Les enfants pour qui on demande de l’argent à tout le monde, parce qu’ils représentent l’avenir. Combien d’enfants sont ruinés par la guerre, morts ou mutilés, orphelins ou enfants-soldats, mendiants ou esclaves, ou, plus simplement, sans aucune école ou un endroit pour jouer? Un nombre énorme ! Dans toutes les guerres, les enfants sont encore plus à risque que les adultes. Alors pourquoi l’UNICEF, la Fondation des Nations Unies pour l’enfance devrait-elle évacuer?

Et puis l’UNOCHA, cette agence d’invention récente? Il semblerait vraiment raisonnable de penser que les besoins humanitaires durant la guerre se font plus dramatiques, et qu’une meilleure coordination des aides devienne plus que jamais nécessaire, peut-être cruciale. Alors pourquoi l’UNOCHA, l’Office des Nations Unies pour la coordination des activités humanitaires devrait-elle évacuer?

Pourquoi se préparent-ils tous à évacuer?"

 

Il en va ainsi dans toutes les guerres : quel drôle de monde que le nôtre, où on parle de services humanitaires du matin au soir, mais où ceux qui sont réellement dans la mêlée, efficaces et désintéressés sont si peu nombreux ?

 

« Buskashi », c’est le nom du jeu national afghan : deux équipes de cavaliers se disputent la carcasse d’une chèvre décapitée. C’est un jeu violent et sans règles : la seule chose qui compte, c’est, à la fin du jeu, de posséder la carcasse ou tout du moins ce qu’il en reste. Tout comme le jeu tragique auquel participent les nombreux protagonistes du conflit afghan, seulement qu’à la place de la chèvre, il y a le peuple Afghan ». (4ème de couverture)

(AP Photo)

 

Mot-clef : , , , , ,

Ecrit par ImpasseSud, le Vendredi 8 Août 2003, 20:09 dans la rubrique "Les hommes de bonne volonté".

Commentaires et Mises à jour :

Lucanus
09-08-03 à 08:44

Je pense que les organisations comme l'ONU, l'OMS, l'UNICEF, etc… sont gérées par des personnels qui exécutent simplement un travail et non une œuvre humanitaire dans le sens où nous l'entendons. Ces personnels ne sont jamais en "première ligne" lors de conflit. Je comprends fort bien et partage l'étonnement et la déception de Gino Strada qui lui, vit au quotidien la misère des Afghans. Il lui serait impensable de quitter les lieux alors qu'une tragédie s'annonce. Sa conception de l'humanitaire est différente et complète ce qui est fait par ces organisations qui n'opèrent pas au même niveau. La question que l'on pourrait se poser (que d'autres ont déjà dû poser) c'est pourquoi donc toutes ces organisations et associations ne travaillent-elles pas en liaison très étroite afin de vraiment coordonner les actions et les secours ?

 
ImpasseSud
09-08-03 à 19:16

Re:

Non seulement elles ne travaillent pas du tout pour organiser actions et secours, mais elles mettent les batons dans les roues à qui veut se rendre sur place pour des raisons humanitaires. Alors que l'ONU avait encore des vols spéciaux VIDES à disposition d'Islamabad a Kabul, pour aller évacuer son personnel encore à Kaboul, ils ont refusé de prendre Gino Strada et son infirmière en chef, pour des motifs bureaucratiques. Idem avec la Croix-Rouge, qui elle aussi a évacué, et les a laissés à terre à Peshawar. Henry Dunant a du se retrouner dans sa tombe.  
Le chirurgien et son infirmière ont du continuer en voitures tous terrains puis à cheval à travers l'HinduKush (col Dorah, 4825 mètres) et le Panchir, et ensuite traverser le front avec la permission de l'alliance du Nord et l'appui d'un ministre Taliban (parmi les plus ouverts), mettant ainsi près de 2 mois pour arriver à Kaboul (c'est ce que raconte le livre), alors que quelques heures auraient suffi. Pendant ce temps-là, combien de personnes sont mortes faute de soin? Combien d'autres auraient pu etre opérées et soginées ?

L'ONU, telle qu'elle est actuellement, a fait bien piètre figure dans les deux dernières guerres. Telle quelle, elle répondait plus ou moins aux besoins de l'époque de la guerre froide. Je lisais l'autre jour dans un blog sur l'Espresso : Ajourd'hui nous sommes dans un monde nouveau qui a besoin d'une ONU plus souple, moins bureaucratique, dans laquelle le processus d'élaboration des décisions puisse etre très rapide, si nécessaire. Pour intervenir dans les crises qui comparaissent à l'improviste, un tel organisme devrait disposer de ses propres soldats, équipés, bien entendu, par les divers pays (membres). Une armée permanente de la paix qui, nous pouvons en etre surs, ne courrait pas le risque de rester au chomage.
Une ONU de ce genre enlèverait quelques prérogatives aux Etats nationaux. C'est peut-etre pour cela que tout le monde en parle, mais que personne ne la veut."


 
zeemzoom
09-08-03 à 19:43

Ca me rappelle...

... une image, des Africians, sur la route, qui fuient, qui emportent ce qu'ils peuvent c'est-à-dire pas grand-chose, des gens squelettiques, le journaliste qui va voir un de ces réfugiés qui marchent, qui l'interroge. L'homme parle un français sans accroc, il raconte qu'il est ingénieur chimiste, qu'il a du fuir avec sa famille, qu'il ne sait pas où il va, qu'il ne sait pas s'il pourra rentrer.

 
Incognito
01-10-04 à 16:39

Lien croisé

Excite - Search: gino strada : "35. Entre mer et maquis - La fugue des ONG en cas de guerreLa fugue des ONG en cas de guerre ... Voici un passage tiré du livre de Gino Strada " Buskashì"