"La première fois, à Tolar Grande, je ne m’en suis pas aperçu. Je l'ai traversé à soixante kilomètres à l’heure, seul sur mon pick-up, laissant un grand nuage de poussière et de terre. Une erreur facile à commettre, à tel point que le long de la piste de terre rouge qui évite le « pueblo », la municipalité a eu l'idée de planter un beau panneau en bois avec l’inscription "Tolar Grande Centro", comme s’il s’agissait d’une grande ville. Pour un village de cent cinquante âmes, perdu à 3.600 mètres d’altitude entre les lacs salés et les volcans, planter un panneau est un motif de grande fierté. Peu importe si Tolar ne reçoit qu’une centaine de visiteurs par an, c’est un signe de vie, vie au milieu d’un des coins les plus arides de
Rares sont les villages qui vous font cadeau d’autant de sérénité et d’énergie que Tolar Grande. La lumière est peut-être son secret. Un jour d’été, quand le soleil vous agresse, j’avais observé à travers l’ouverture d’une porte les images qui filtraient d’un paysage si lumineux qu’il avait l’apparence d’un mirage blanc, une lumière intense qui obscurcissait l’intérieur de la pièce. Ici, où le ciel et la terre sont plus proches, le soleil n’est pas réfléchi, toutes les pierres de ce désert brillent de leur propre lumière, comme si la force du vent y avait compressé un coin de ciel à l’intérieur.
C’est un lieu de frontière où l’homme a été relégué malgré les immenses efforts prodigués durant des années de travail pénible, dans la tentative de coloniser une terre dure et rebelle. Mais, sur le haut plateau, certains sont restés et d’autres sont revenus. Tout comme la « tola », la plante dont Tolar tire son nom, l’unique plante du haut plateau (Puna) suffisamment haute pour donner du bois, ses habitants ont appris à planter leurs racines en profondeur pour éviter d’être balayés par le vent de l’histoire.
Une histoire qui commence, comme toutes les installations dans le département de Los Andes, dans la province de Salta, au nord-ouest de l’Argentine, par la construction d’une voie ferrée qui, depuis les années 50, relie Salta à Antofagasta au Chili. Œuvre hors du commun née de la folie de quelques ingénieurs, le train servait à approvisionner les riches cités minières chiliennes qui avaient poussé au milieu du désert d’Atacama et à transporter les marchandises argentines vers les ports chiliens d’où elles étaient ensuite exportées dans tout le Pacifique.
Malgré les difficultés environnementales et grâce à l’industrie dérivant de la présence d’une des mines les plus grandes de l’Amérique du Sud, la mine de soufre de
« Au début, ça a été très dur », raconte Leopoldo Salva, 29 ans, ancien maire de Tolar et désormais jeune député de
Cepndant, Tolar Grande a résisté. Ses habitants ont compris l’importance du tourisme et l’intérêt d’adopter un simple projet de développement. Ces dernières années, ils ont commencé à s’organiser. Des petits riens mais qui témoignent du désir de vivre de Tolar : des circuits et des guides touristiques pour les rares voyageurs à l’esprit aventureux, et deux dames, Elsa et Delia, qui s’occupent des repas des hôtes en les recevant chez elles. « Fondamentalement, c’est dû à la récolte de fonds, tous étrangers », me dit Leopoldo. « Grâce à la contribution de l’ancien ambassadeur de France, on a construit un refuge fantastique et acheté une antenne satellitaire qui nous permet de nous connecter à Internet. Pour nous, voir comment fonctionne le monde, cela a été une révolution."
Le refuge franco-argentin est géré par une jeune femme. Elle s’appelle Azucena, elle a 24 ans, elle est seule avec sa fille de deux ans qui est à San Antonio des Cobres. Elle est splendide, lucide et curieuse.
Un jour, j’ai amené un couple d’amis en voyage de noce. A Tolar, c’était le première fois que cela se produisait, et Azucena a fait une sorte de miracle. Au centre de la chambre à coucher des femmes, nous avons trouvé un lit matrimonial, et sur les oreillers, deux statuettes représentant des époux, fabriquées par deux fillettes. Le refuge leur éait réservé, dans le village tout le monde le savait et les gens semblaient encore plus heureux que d’habitude.
Tolar Grande, la mairie vert pois, la maison du docteur, l’énorme hangar-salle de gymnastique à côté de l’école, le siège de la radio locale "Virgin del Valle" (ce sont les gens du village qui l’écoutent, mais aussi les quelques chercheurs dispersés dans les montagnes), le générateur diesel pour l’énergie électrique d’une heure de l’après-midi à une heure du matin, les routes en terre, la petite église en pierre blanche et, derrière, un modeste chemin de croix, un sentier blanc qui sillonne une collinette rouge, une jetée vers l’abîme qui s’ouvre un peu plus loin, "el Salar de Arzaro", la deuxième saline du monde par ordre de grandeur. Puis, les locaux de l’infirmerie avec, à l’intérieur, Doc et l’assistant sanitaire, « Pinocchio », parce qu’il ment continuellement. Leurs patients marchent parfois pendant deux jours pour arriver à Tolar. Cachés dans les montagnes, jaloux de leur solitude, ils vivent en petits groupes de personnes, souvent mari et femme, habitués aux rythmes de
En hiver, c’est le vent qui amène le froid. La nuit, on l’entend qui tape contre les étroites fenêtres des maisons réchauffées par un poêle à bois, comme s’il était en mesure d’arracher les étoiles du ciel noir. Quelqu’un ouvre sa porte et sort dehors pour se soustraire aux réverbères du village. A quarante mètres du refuge vous tombez dans la nuit. Au-dessus de vous il y a encore de la lumière, fragmentée, Orion et
De loin Tolar ressemble à une base lunaire, enfermé entre un lac salé, le Cerro Macon (sur le sommet duquel se trouve le premier d’un système de sanctuaires d’altitude inca), et un désert de cônes de terre rouge. Nous sommes grimpé jusqu’au sommet du plus haut, mais il n’y avait que les montagnes qui nous regardaient.
« Fixe le ciel et tu verras un univers de points blancs qui se meuvent dans l’air ; c’est ça l’énergie qui entoure Tolar », me dit Doc, passionné de médecine alternative. Energie ou lumière, on peut rester à Tolar pendant des jours et se sentir vivant sans rien faire. Mais ça, les habitants de Tolar sont sans doute mieux en mesure de le raconter que quiconque.
La matinée est pleine de lumière. Je pars avec mon pick-up. On me demande si je vais à San Antonio, mais moi je continue vers le sud. « Bueno gracias, peu importe », me dit-on en souriant, « on attendra ». »
Fabrizio Ghilardi, « Il Pueblo della Luce », Peacereporter
Traduction de l’italien par ImpasseSud.
Mots-clefs : Amérique latine, Internet, Voyages
Commentaires et Mises à jour :
Re:
Fabrizio,
Grazie per la tua visita ma soprattutto per questo tuo raconto. E' meraviglioso e vorrei avere la possibilità di andare in quel posto :-).
Di questo passo è con grande piacere che vado a visitare il tuo sito.
Cordialmente
Ciao
Je sui l'auteur de cet ecrit....si tu veu puex visite mon web site www.socompa.com
Merci!
Au revuor
Fabrizio Ghilardi