« Aujourd’hui j’ai pédalé contre le vent pendant 110 kilomètres. Je n’en peux plus et il commence à pleuvoir. Une roue de charrette et une flèche en bois indiquent la présence d’une estencia, et quelques kilomètres plus loin je suis devant la porte. Je demande de l’eau et un endroit pour camper à un homme grand et jeune, mais dont les traits du visage sont extrêmement usés. Il s’appelle Juan Vargas, et il est gaucho. L’estancia, unique habitation dans un rayon de 200 kilomètres, regarde l’océan en s’appuyant sur une infinité de collines dorées balayées par le vent sur lesquelles courent quelques chevaux, libres.
- « De donde llegas ? venis con migo… ». Et avec ses larges pantalons de travail (bombacha) il se tourne et m’invite à le suivre.
Les gauchos sont le symbole de la Patagonie, personnages autour desquels mythes, histoire et légendes s’entremêlent. Des cavaliers libres et sauvages y sont présents depuis le XVIe siècle, quand les espagnols introduisirent les chevaux et les moutons. Aujourd’hui, ils travaillent dans les estancias comme « peon » et sont au service des latifundistes.
Juan m’offre un lit dans son humble demeure, il allume le fourneau pour moi, il me sourit, et retourne à ses chevaux. Pour dîner, il me cuisine le typique cordero asado (agneau) accompagné du pain qu’il fait lui-même. Dehors, le vent souffle, et la faible lumière d’une petite lampe crée des ombres magiques sur la table. A mes demandes, les réponses sont toujours sèches et concises, séparées par de longues minutes de silence interrompues seulement par le bruit du couteau sur l’assiette. Il vit seul. Une fois par mois il se rend dans un petit village, à une centaine de kilomètres, pour faire la fête après des journées sans fins occupées à rassembler des moutons. Comme le veut la tradition, il a un air sombre et taciturne. J’essaie de respecter sa nature et ses rythmes en pesant mes mots et en me laissant absorber par le silence. Il comprend que je ne suis pas et que je veux pas être l’habituel « touriste casuel », même si dans ses yeux brille une incompréhension pour un voyage dans un lieu inhospitalier comme sa terre, et, qui plus est, à bicyclette. Mon expérience exceptionnelle est son mélancolique quotidien de toujours.
A l’aube Juan est déjà sorti pour aller rejoindre en quelques jours ses moutons dans les pâturages d’hiver, me laissant du pain et de la confiture de « rudivarvo » pour le voyage.
Je recommence à pédaler, et grâce à Juan, aujourd’hui le soleil est plus chaud et le ciel plus bleu »
(Tiré de : "PATAGONIA 2000 & TIERRA DEL FUEGO, 3500 Km in solitaria verso la fine del mondo", traduction de l’italien par ImpasseSud)
Mots-clefs : Amérique latine
Commentaires et Mises à jour :
Re:
Merci GiGiDee :-) Le récit est bien en italien et c'est moi qui en ai fait la traduction :-)
Il s'agit d'un des épisodes du voyage à bicyclette d'un Italien en Patagonie. Si tu veux voir son parcours il te suffit de cliquer sur le lien.
Re: Re:
Deviné Mifmif :-))) C'est bien moi qui l'ai traduit et il me semble même l'avoir écrit :-)))))
c'est très intéressant, j'aime bien :)
mais tu es sur que ce n'est pas traduit de l'espagnol plutot?