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Australie : La victoire des vieilles dames aborigènes

J’adore les histoires de vieilles dames, de celles qui, sous une apparence d’impuissance et de vulnérabilité, ont conservé toute leur vivacité, toutes leurs facultés intellectuelles, et qui, encore pleines de bon sens, d’énergie et d’enthousiasme n’ont aucune envie de se laisser mener par le bout du nez, même par un gouvernement.

 

Quand, en 1998, le gouvernement australien annonça qu’il voulait créer une décharge pour les déchets nucléaires à Woomera, c’est-à-dire dans le territoire de leur tribu, les Kupa Piti Kungka Tjuta, ou « vieilles dames aborigènes » de Coober Pedy, South Australia se sont réunies et elles ont décidé d’en empêcher la construction. Eileen Kampakuta Brown, Eileen Wani Wingfield, Emily Munyungka Austin, Eileen Unkari Crombie, Ivy Makinti Stewart, Tjunmutja Myra Watson et Angelina Wonga ont toutes plus de soixante-dix ans, elles ne savent ni lire ni écrire, et elles n’ont ni argent ni revenus, c’est-à-dire rien de ce qui est nécessaire pour faire une campagne de pression. Mais le charisme, l’intelligence, l’expérience et la conviction ne peuvent-ils pas les remplacer ? 

 

« Nous, nous connaissons cette terre. (…) Le gouvernement parle de quelque chose qui empoisonnera la terre. Il s’agit d’un poison, et nous, nous n’en voulons pas. » L’argument officiel était qu’il n’y a rien de mieux qu’un désert pour construire, en toute securité, une décharge pour les déchets nucléaires à basse radioactivité. Mais nos vieilles dames ont répondu : « Peu importe s’il s’agit d’un désert, ce qui compte, c'est que c'est à lui que nous appartenons. (…) Le désert n’est pas aussi sec que vous croyez. Le gouvernement ne voit-il pas qu’ici il y a de l’eau ? Sans eau, il n’y a pas de vie. Ici il y a un grand fleuve souterrain. Nous, nous savons que le poison de la décharge radioactive pénétrera dans le sol et arrivera jusqu’à l’eau. Et nous, cette eau, nous la buvons. »  (voir le texte complet de leur déclaration)

 

L’expérience de l’arrogance, du manque de considération, nos vieilles dames l’ont acquise très jeunes, et elles savaient bien de quoi elles parlaient quand elles ont commencé leur lutte. Dans les années 50, elles avaient été les protagonistes d’un des épisodes les plus criminels de l’histoire nucléaire mondiale, celle des expériences nucléaires de la Grande-Bretagne, à ciel ouvert, dans le désert australien, avec l’accord implicite des tribus laissées dans l’ignorance.  Les vieilles dames se souviennent : « Nous étions toutes nées quand le gouvernement a utilisé notre région pour la Bombe. Certaines vivaient à Twelve Mile, près de Cooper Pedy. La fumée était drôle et tout était poussiéreux. Puis tout le monde est tombé malade. D’autres se trouvaient à Mabel Creek et eux aussi, ils sont tombés malades. D’autres encore vivaient à Wallatinna. D’autres sont partis. » Le gouvernement australien et les militaires avaient agi comme si ce désert était inhabité. Angelina Wonga raconte : « Nous avons vu une explosion au sud. Nous nous étions dit « Hé, qu’est-ce que c’est ? ». Puis nous avons vu le vent qui poussait tout ça vers l’endroit où nous étions assis. Personne n’avait été averti, personne. C’est comme ça que mon père et ma mère sont morts. J’ai enterré ma grand-mère. J’étais resté seule. »  Leur lettre continue : « Maintenant, on vient ici pour nous dire, à nous pauvres noirs : « Oh ! Il n’arrivera rien, personne ne vous tuera ». Mais tout se passe encore comme au temps des bombes ».

 

Les vieilles aborigènes n’avaient plus confiance dans les discours du  gouvernement. Elles disaient que la radioactivité contaminerait la Great Artesian Basin, la grande réserve d’eau qui se trouve sous le désert.  Et elles avaient raison : les détails techniques de la décharge projetée à Woomera n’ont jamais été communiqué, mais le Bureau of Science a dû reconnaître que le projet ne pouvait pas empêcher à la radioactivité de rejoindre les eaux souterraines. Les verts australiens se sont décidés : « les greeny nous aident avec des lettres, ils écrivent, leurs ordinateurs, ils nous ont aidé à parler au monde ». Elles ont commencé à faire des tournées dans tout le pays : Canberra, Sydney, Lucas Heights où il y a l’unique réacteur nucléaire expérimental australien (seule raison du gouvernement pour soutenir la nécessité d’une grande décharge nationale pour les déchets.)

 

Et en juin dernier le tribunal fédéral de Canberra a donné raison au gouvernement du South Australia, suite à son recours contre « l’acquisition  urgente et obligatoire » de terrains de la part du gouvernement central. Le gouvernement australien a dû renoncer, de façon définitive, au projet de construction d’une décharge nationale de déchets nucléaires près de Woomera, dans le désert sud. Pour nos vieilles dames, quelle  belle victoire !   


Sources : Irati Wanti, Il Manifesto.

 

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Ecrit par ImpasseSud, le Mardi 17 Août 2004, 15:00 dans la rubrique "Les hommes de bonne volonté".

Commentaires et Mises à jour :

tagliamento
18-08-04 à 08:41

!!

Extraordianaire ces petites "vieilles"!!
Me permets-tu de faire référence à ton article sur mon autre blog (La Cellule Anthropophage) et de citer l'une ou l'autre phrase de ces combattantes?
Car c'est aussi ces combats désespérés que j'adore!

 
ImpasseSud
18-08-04 à 13:09

Re: !!

Avec grand plaisir! :-)))

 
tagliamento
18-08-04 à 16:46

Re: Re: !!

C'est fait...

Merci!


 
ImpasseSud
18-08-04 à 17:15

Re: Re: Re: !!

Je vais aller voir! :-)))))

 
Incognito
06-09-05 à 08:14

Lien croisé

Sac à fouilles : "vulnérabilité, ont conservé toute leur vivacité, toutes leurs facultés intellectuelles, et qui, encore pleines de bon sens, d’énergie et d’enthousiasme n’ont aucune envie de se laisser mener par le bout du nez, même par un gouvernement. (+) "