Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

Aviez-vous déjà pensé à cette nostalgie-là?
--> Il y a des jours où j’ai envie d’écrire en sourdine, de susurrer à l’oreille de quelqu’un, comme aujourd’hui, pour lui raconter les secrets que je connais.

Emigrer n’est pas toujours une question de survie. Il arrive qu’on aille vivre à l’étranger pour tant d’autres raisons. Parce qu’on vous y envoie pour une raison de travail, parce qu’à un certain point de votre vie, lors d’un voyage, par exemple, quelque chose fait « tilt » et que vous décidez de rester, parce qu’à l’improviste vous rencontrez l’âme sœur ou que vous la suivez, parce qu’à un certain moment vous avez envie de changer d’air. De toute façon, pas de problèmes, vu que vous n’êtes pas un indigent, que vous avez une profession et une expérience, que vous ne mourez pas de faim. Vous pourrez rentrer chez vous quand vous voudrez, vu que vous y avez des parents et des amis et qu’aucune raison politique, révolution ou guerre ne vous en empêche. Les risques que vous prenez sont minimes car votre décision est réversible.

 

Cependant, quand vous vous décidez à expatrier (même dans un autre pays "occidental"), il y a une chose que vous n’imaginez pas, c’est qu’un jour vous ne serez plus d’ici ni de là, apatride en quelque sorte, confiné dans un espace mental où vous commencez à connaître votre pays d’adoption, sans rien avoir oublié de celui que vous avez quitté. Alors que l’intégration dans votre nouveau pays est en pleine élaboration, votre pays d’origine vous rejette déjà un petit peu, parce que de nouvelles expressions apparaissent dans votre langage, parce que vous n’avez pas été le témoin de tel ou tel évènement, parce que vos goûts se modifient, parce qu’il vous est tout à coup impossible d’être catégorique dans vos jugements. Et la nostalgie pointe d’on ne sait où, même si tout va bien.

Il y a aussi le cas des très jeunes, qui en tant que mineurs, ont été obligés d’émigrer à la suite de leur famille. Quand on est jeune, me direz-vous, on s’adapte à tout, on s’intègre facilement. Détrompez-vous, ce n’est pas aussi simple que cela ! Il arrive immanquablement le jour où ils sont déchirés quelque part. Il ne faut pas se faire d’illusions, ils n’y échappent pas. Habiter à l’étranger pendant plusieurs années signifie tout cela, et le compte arrive sans faute et à plusieurs reprises.

 

La raison ? L’élément qui déclanche la crise ? Des banalités, rien que des banalités. A l’origine, il peut y avoir des motifs graves, mais dans la plupart des cas, il ne s’agit pas de raisons d’état, pas de racisme, pas de mauvais traitements, pas d’émarginations, pas de coutumes différentes. Il s‘agit simplement d’une somme de banalités qui vous auraient fait rire si une toute petite dispute, ou peut-être un mot de trop, sans importance, sans poids, qui ne part de rien de précis, qui ne vous conduira jamais à une décision importante, drastique, de licenciement, de fuite ou de divorce, ne vous avait pas fait précipiter, justement, mettant à l’improviste à nu quelque chose d’enseveli mais d’essentiel. Et votre estomac se met à gronder aux heures des repas dans votre pays d'origine, vous recherchez une saveur introuvable, un parfum fugace, une sensation qui vous en rappelle une autre. La différence avec la simple nostalgie, c’est que tout ce qui vous manque existe bel et bien, ailleurs, pour tous vos concitoyens, mais pour vous, c’est devenu inaccessible.

 

Je sais tout cela pour l’avoir vécu. Pensez-y quand vous aurez affaire à un étranger. Un étranger, c’est une personne plus fragile qu’une autre. Il doit, sans cesse, et ceci jusqu’à ce que la mort ne le délivre de ce supplice de Tantale de l’adaptation, recommencer chaque jour à construire son équilibre précaire par rapport à ceux qui n'ont jamais bougé. On ne peut pas prétendre de lui qu’il s’intègre complètement dans une société qui n’accepte rien de celle dont il provient et qui l’a vu grandir, de celle qu’il a quittée. Lui demander de renier complètement ses coutumes, ses goûts, ses couleurs, c'est lui demander quelque chose d’impossible.

 

D'autre part, de quel droit lui reprocherait-on le choix qu'il a fait quand il est parti de chez lui ? Des choix, n’en faisons-nous pas tous? Surtout qu'il n’attend absolument pas de vous que vous changiez de mode de vie. Mais un brin d’intérêt pour son bagage et son vécu, une minute d’écoute à propos de ses coutumes, et l’étranger vous en saura gré et aimera un peu plus ce pays d’accueil qu'il a choisi mais qui n’est pas le sien.


Aviez-vous déjà pensé à cette nostalgie-là ? Non ? Si vous n’avez jamais vécu cette situation, c'est normal, vous ne pouviez pas le savoir. Mais maintenant que je vous en ai parlé...

 

Mot-clef :

 

Ecrit par ImpasseSud, le Lundi 22 Septembre 2003, 15:12 dans la rubrique "Bribes perso".

Commentaires et Mises à jour :

Lucanus
22-09-03 à 22:17

Je comprends bien cette notion de manque, sorte de mal du pays, je l'ai ressenti lors de mes voyages mais pour la personne expatriée, immigrée, cette perception doit être intense par moment. C'est pour cela que des déraciné-e-s vivant loin de leur pays ou de leur région d'origine se regroupent entre eux pour recréer et partager l'atmosphère du pays quitté ou du terroir lointain. De nombreuses associations de Portugais, Polonais, Italiens, Antillais, Bretons, etc . . ont vu le jour à cette intention dans le Nord de la France (mais aussi ailleurs probablement). De plus, il y a toujours un éventuel retour qui trotte dans la tête de l'exilé-e.


 
PierreDesiles
23-09-03 à 19:41

L'exil ?

Cela fait 30 ans que j'ai quitté ma terre natale parisienne et je me retrouve un peu, dans tout ce que tu as cité dans ton article ImpasseSud. Au fil des années, on est confronté plusieurs fois à des 'flash back' sur son passé et d'y voir une autre éventuelle évolution au travers des gens que l'on retrouve après de longues années de séparation. Quelle aurait été ma vie si je n'avais pas quitté ma région et mes amis? Aurai-je, moi aussi, été passionné de ski, car inexistant sous les tropiques? Aurai-je vécu dans un appartement ou une villa?, etc.etc.

Mais, je crois que la réponse à chaque fois a été la même et tellement évidente. Le bonheur est en soit quelque soit le lieu; et les racines ramifient d'elles-mêmes à l'endroit où l'on décide d'y poser ses valises. L'adaptation vient avec le temps. Il faut dire aussi que mon bonheur est partagé depuis trois décennies et que cela aussi conditionne l'existence.

C'est vrai aussi qu'on est jamais totalement intégré pour les autres et j'irai plus loin en disant qu'on perd ses origines, car il n'y a plus d'accent authentique, plus de référence de vie immédiate de son terroir; mais que de lointains souvenirs dont tout le monde se fout, car c'est du passé dépassé. Un an après mon arrivée sur cette île, j'étais retourné à Paris pour un stage et j'étais tellement content d'avoir fait le grand saut au bout du monde à 10000kms, que je prenais le métro avec un tee-shirt aux couleurs de l'île. Jusqu'au jour où j'ai croisé un groupe de filles bien colorées de cette même île qui n'avait pas besoin de marque d'origine sur elles, elles se sont mises à rires, la honte à montée sur moi et j'ai compris que je n'avais rien compris, j'ai vite retiré ce signe distinctif! 

Très rapidement, on est oublié et on devient étranger dans le quartier de son enfance. Les gens déménagent au profit d'autres, inconnus; des maisons sont rasées, ou même des bâtiments entiers que j'avais vu construire, au profit de la rénovation galopante et de l'humanisation de l'habitat. Donc, mes racines disparaissent au fil des années de plusieurs coups de gomme géante, avec ses habitants qui, pour certains, sont déjà dans l'au delà. Et après avoir perdu comme je le disais plus haut la trace de ses origines, on n'a pas acquis pour autant une nouvelle souche au bout du monde même après trente ans, car étant différent, on reste toujours celui qui vient d'ailleurs. C'est pourquoi, il est bon de vivre avec son univers intérieur qui est indépendant de tout. Quand on me demande d'où je viens, il me plait de répondre:"De partout et de nul part, je suis là et je suis bien..." La chose qui m'importe le plus c'est de vivre en harmonie avec le pays qui m'accueille, c'est à dire je vis ici, donc je mange comme ici, je consomme tout ici, je paie mes impôts ici, j'investis ici et même en cas d'indépendance, je n'ai rien ailleurs qu'ici. S'il le fallait, je n'hésiterai pas à continuer ce périple encore plus loin, mais malgré tout pour une île tropicale, car le soleil est une source d'énergie dont on ne se lasse pas.

 


 
ImpasseSud
24-09-03 à 06:35

Re: L'exil ?

Pierre, j'ai eu vraiment un immense plaisir à lire ton commentaire, car nous sommes sur la même longueur d'onde, et tu as parfaitement compris ce dont je parle. Je crois qu'il faut l'avoir vécu pour le comprendre.
Et puis pour le soleil, tu as raison, c'est une véritable source d'énergie. Je me demande souvent comment font ceux qui sont nés au soleil pour supporter une bonne partie de l'année une grisaille déprimante.

Lucanus, même si la nostalgie a des points communs, le point de vue de celui qui s'exile par choix et non pas temporairement pour un voyage ou parce qu'il s'agit d'une question de survie est différent. Le premier sait qu'il rentrera bientôt, et le second a une sorte d'excuse parce qu'il a été contraint à émigrer.
Celui qui choisit délibérément de s'exiler ne recherche pas ses compatriotes et ne songe pas à rentrer. En général il s'adapte assez vite car il aime le choix qu'il a fait, et il ne cherche pas (contrairement aux émigrés de la misère) à transplanter avec lui tout ce qui appartient à son pays d'origine. Mais cela n'empêche pas, comme le souligne Pierre, qu'il reste, à vie, un étranger sans autre souche que son univers intérieur... 


 
PierreDesiles
24-09-03 à 11:07

Lucanus, la nostalgie pour moi est quand je retourne sur ma terre natale et que je suis noyé de façon anonyme dans la masse populaire; à part mon bronzage devenu permanent qui peut me différencier quand je viens en hiver, mais que beaucoup maintenant, maintiennent par des lampes solaires chez eux ou dans des centres spécialisés; cette nostalgie me gagne rapidement pour retourner au bout du monde car j'ai peur de me réveiller d'un merveilleux rêve. Mon "chez moi" est ici où je vis et pourquoi pas, où je serai demain.

Nous avons un ami de longue date qui n'a jamais trouvé ce qu'il cherchait après cinq ans à la Réunion, puis cinq ans à Tahiti, puis de nouveau un an à la Réunion et maintenant il est retourné à Caen où il continu à chercher, bien qu'il ait un enfant avec une polynésienne et qu'ils sont ensemble. Je lui ai toujours dit: "Le jour où tu regarderas en toi ce que tu cherches, tu arrêteras de courir après l'impossible, car tu es en fuite avec toi-même!, Pose tes valises et vit!" . (C'était juste une anectode sur un fait réel).

Merci, ImpasseSud, d'avoir abordé ce sujet qui fait ressortir les émotions.


 
linkback
26-09-03 à 16:08

Lien croisé

Carnaval des vanités # 9 : "ânes vous dira que ce n'est déja pas mal de le dire! En attendant , pourriez-vous combattre les suites? En attendant Godot, Zeemzoom est parti voir la voie lactée (c'est un post du mois d'août, c'est normal, la voie est plus belle en août qu'en septembre) Aviez-vous déjà pensé à cette nostalgie-là? Entre mer et maquis, Impasse sud vous pose la question. Castor continuera les parodies des jouebeurs, blogeurs, carnet... (carnetiers) mais est-ce le bon mot? La formule consacrée : la p"

 
Incognito
14-01-06 à 10:03

Lien croisé

Carnaval des vanités # 9 : "re! En attendant , pourriez-vous combattre les suites? En attendant Godot, Zeemzoom est parti voir la voie lactée (c'est un post du mois d'août, c'est normal, la voie est plus belle en août qu'en septembre) Aviez-vous déjà pensé à cette nostalgie-là? Entre mer et maquis, Impasse sud vous pose la question. Castor continuera les parodies des jouebeurs, blogueurs, carnet... (carnetiers) mais est-ce le bon mot?"