Certes, vu de près, le village n’est pas beau, avec ses rues mal tracées, ses maisons rarement terminées, les briques encore à nu ou recouvertes d'un crépi fade, les tiges rouillées des colonnes de ciment armé pointées vers le ciel. Heureusement que la végétation est là, vite luxuriante à la moindre goutte d'eau. Ce n’est qu’une de ces excroissances satellite des communes de l’intérieur, cachées dans l'Aspromonte pendant des siècles pour échapper aux incursions sarrasines : « Mamma li turchi ! » s’écrie-t-on encore parfois en riant pour simuler la peur. Probablement nées de la tendance à se rapprocher de la côte, aujourd'hui sûre et plus accessible, et de l’affranchissement progressif de la pauvreté grâce aux émigrés des années 50 et 60 de retour au pays, ne serait-ce qu’un seul mois par an, elles s'égrainent sur cette partie du littoral de la Mer Ionienne où on parle encore un grec local. Ici, nous sommes vraiment au centre de
C’est ainsi que, sur cette côte brûlée par le soleil et les vents du sud, finement sertie des taches nuancées des verts des pins, des eucalytus, des oliviers, des figuiers de barbarie, entre le bleu cobalt de la mer et le liseré violet des montagnes, les noms de village sont souvent précédés ou accompagnés par les termes de « marina » ou « nuovo ». Ce qui signifie qu’à plus d’une dizaine de kilomètres d’une route en montée, aux lacets étroits et parfois dangereuse, d’où on peut apercevoir, en contrebas, le large lit d’un fleuve à sec, il y a ce qu’on pourrait appeler le village-père, dans un repli ou accroché à quelque pente escarpée à l'abris d’un château aujourd’hui en ruine, mais dont le nom est accompagné de « superiore », ce qui le pose en chef. Mais chacun d'eux ayant son ou ses églises, il arrive donc qu’on se baigne presque sous un clocher.
Par contre, isolée du pays par la voie ferrée qu’il faut franchir en passant sous un pont minuscule qui vous pousse presque instinctivement à baisser la tête et à la rentrer dans les épaules, la plage est belle. D’un gris perle velouté, caressant, parfois nacré sous la lumière, large, sablonneuse, peu fréquentée sauf en août, on peut encore y jouir de la nature à l’état brut, surtout le matin : observer le rassemblement des mouettes, toutes le bec au vent, entendre leurs cris, suivre leurs empreintes palmées et leur envol ; se laisser bercer par le chant rythmé du flux et du reflux ; nager ou se baigner pendant des heures dans une eau cristalline et douce avec l'Etna en toile de fond, en rider délicatement la surface et sourire de l'humble clapotis ; se brûler les pieds sur le sable chauffé à blanc si on en a envie ; installer son parasol où on veut ou jouir d’une ombre épaisse à côté d’une fontaine fraîche ; observer, immobile et dans le silence, le pêcheur qui, de la rive, répète inlassablement son lancer, une barque de pêche d'où on tire un filet, un voilier tendu ou un navire de croisière qui traversent l'horizon…. Pendant que du clocher, qui seul a été repeint à côté de son église au crépi lézardé, vous parviennent comme dans un rêve, les coups de l’heure et de la demie, non pas esclaves du temps qui court, mais vestiges rassurants d'un temps infini.
(Ici, une belle galerie de photos où j'ai prélevé une partie de mes liens)
Mots-clefs : Méditerranée, Italie, Europe, Eau, Planète Terre