Je me demande si je ne vais pas faire une pause. Sporadique, intermittente, prolongée, sélective? Pour l’instant je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est que bien qu’aimant toujours autant le face à face avec mon écran, le cliquetis de mon clavier et le bonheur de découvrir le nombre de mes lecteurs, bien qu’une myriade d’idées m’assaillent en permanence, je n’arrive plus à écrire et j’abandonne bien souvent au bout de dix lignes la plupart des billets que je commence, ou encore, et c’est cela le pire, quand j’arrive à les écrire, je ne peux pas les publier. Pourquoi ? Pour un ensemble de raisons qui n’ont pas toutes lieu d’apparaître ici, mais dont je voudrais malgré tout tracer les grandes lignes.
Si j’ai ouvert ce blog c’était avant tout pour commenter l’actualité, donner corps à des réflexions, chose que dans la vie on n’a pas toujours l’opportunité de faire. L’écriture, elle, permet de prendre son temps, vous donne la possibilité d’envisager un évènement sous toutes ses facettes. Elle vous oblige à approfondir les questions et à élargir vos opinions, à comprendre tous les tenants et les aboutissants. Les satisfactions que l’on retire de cette gymnastique intellectuelle sont on ne peut plus gratifiantes.
Aujourd’hui, cependant, la baisse notoire de la qualité de l’information asservie au monde de la finance, la diminution des sources qui la nourrissent, le recours de plus en plus courant aux « versions officielles » ou de complaisance, ont rendu terriblement monotones, ennuyeuses, écœurantes l’écoute des JT, la consultation de la presse, de gauche comme de droite, à tel point qu’un journal comme « Le Canard enchaîné » ne me réjouit même plus, car sa satire et ses dénonciations tombant à vide sur une société privée de pluralisme et d’identités distinctes, ne peut que déclancher l’ébauche d’un sourire ou un soupir d’impuissance.
Nous vivons dans un monde où ceux qui sont au pouvoir ont toutes les arrogances et voient affluer des flopés d’opportunistes, et où ceux qui n’y sont pas ne savent même pas être à l’opposition, cherchant seulement à manger les miettes qui tombent d’une table de nantis, peu importe si les plats qui sont servis sont indigestes voire mortels pour ceux qu’ils représentent. Sur Place-des-fêtes, j’ai recommandé la lecture d’un bel article où on tente de démontrer que l’Europe va dans le mur si on ne renégocie pas le TCE, mais, en même temps, j’ai découvert que cet article avait quatre co-signataires dont un député de gauche italien, qui, en Italie, n’a même pas voté NON lors de sa ratification par le Parlement (sur 617 députés, 216 OUI et 2 votes nuls). Apparemment, il ne s'est même pas dérangé. Quand on accepte de faire partie d'un système où le vote est le mode d'expression, l'absention n'est qu'une preuve d'indifférence ou de lâcheté, et je me demande quelle crédibilité peut bien avoir l'avis d'un représentant du peuple qui s'arrête quand il s'agit de passer aux actes. Tout à coup, je n'en peux plus de cet air vicié, de cette corruption mentale uniformisée sans aucune rébellion. J'ai besoin d'air pur, de signes de bonne volonté, d'honnêteté.
Aujourd’hui, également, il y a des tas de sujets dont on ne peut plus parler, qu’on ne peut plus aborder. Une mauvaise extension des termes « tolérance » et « intolérance » a fini par brouiller toutes les cartes, vous repoussant dans un no man’s land bâtard où on se sent bâillonné. Si la tolérance consiste essentiellement à se taire et à laisser faire, je dois dire qu’elle ne me plaît plus beaucoup. Ici je voudrais citer une phrase de Ayaan Hirsi Ali, l’Insoumise de
« La colonisation et l'esclavage ont créé en Occident un sentiment de culpabilité qui conduit à trouver formidables les traditions venues d'ailleurs, analyse-t-elle. C'est une attitude paresseuse, voire raciste. »
Moi aussi je pense qu’il s’agit d’une attitude paresseuse. Si le sort des immigrés (contraints à émigrer par la guerre et la misère) qui débarquent par barcasses entières (si elles ne coulent pas avant) à Lampedusa, l'une des deux principales portes d’entrée en Europe, m’inspirent une pitié infinie qui va parfois jusqu’aux larmes, surtout parce que je sais l’horreur et les difficultés qui les attendent et que leur chemin de croix est loin d’être terminé (« Si c’est un homme », dirait Primo Levi), je ne vois pas du tout du même œil ces communautés d’immigrés ou de fils d’immigrés arrogantes et rétrogrades, qui, au nom d'une tradition, de leur dieu, de leur nombre, du colonialisme, d’une discrimination, d’un trop grand laxisme, que sais-je encore… cherchent à détruire les acquits laïques et démocratiques, résultats de plusieurs siècles de lutte. Mais puis-je l’écrire ?
Puis-je écrire, jour après jour, que les tendances, les orientations de la société actuelle ne me plaisent pas? Si le seul but de la société dans laquelle nous vivons est de tirer la couverture à soi avec les arguments les plus malhonnêtes, à quoi bon continuer à discuter ? Pour le plaisir de la rhétorique ? Heureusement, je crois qu’il y a plein de gens comme moi qui commencent, eux aussi, à ne plus être d’accord, comme les syndicats qui, à bout de souffle et désorientés réclament un peu à tort et à travers pour essayer de faire face à une violente offensive économique, mais aussi les citoyens lambda qui, loin de toute appartenance politique ou de leur foi religieuse, sont encore capables de réfuter le bien-fondé de la guerre et de ses horreurs, de voir que le libéralisme actuel nous conduit « dans le mur », que l'intégrisme porte à la haine et au terrorisme et qu'on nous vole peu à peu les beautés de notre unique planète. Qu’on ne les critique pas trop, même si parfois ils semblent anachroniques, incohérents, excessifs, car ce sont les ultimes barrières qui nous restent avant le grand plongeon.
Mots-clefs : Société, Union Européenne, Immigration, Médias, Religions, Planète Terre.
Commentaires et Mises à jour :
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Le retour sera peut-être envisagé autrement....
Profite bien de cette pause!!! :-)
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Non, ce n'est pas que j'aie envie de changer de genre, mais je me sens frustrée parce que je n'arrive plus à écrire ce que je veux écrire.
Je vais peut-être m'en tenir aux bouquins, enfin, je ne sais pas...
Re: Re: Re:
C'est un peu cette "solitude" (individualisme ? mot connoté...) que je trouve "extrême" dans le blog. Faire un site tout seul, surtout mis à jour quotidiennement, moi je n'aurais jamais la force.
Mais tu n'es pas la seule à savoir ouvrir les yeux (ex : la divergence entre l'opinion partagée des français sur le TCE et la propagande officielle du OUI partout. Dans le même ordre d'idée, le soutien majoritaire aux grèves de décembre 1995 quand tous les médias, si vous vous en souvenez, en étaient presque au "salauds de grévistes!"). Les résistances sont malgré tout (bien que souvent limitées) nombreuses, et des avis personnels éclairés peuvent se lire un peu partout, notamment sur le ouaibe.
Donc si tu veux mettre à profit ta pause de blog pour venir écrire chez nous, tu es la bienvenue (quoi quoi, c'est honteux de profiter d'une faiblesse passagère pour raccoler pour ma chapelle ? :D). L'ambiance est bonne, et les jours de déprime on se serre les coudes, ça aide.
En espérant continuer à te lire, ici ou ailleurs.
Re: Re: Re: Re:
La solitude du blogueur dont tu parles est très ambigue, mais bien réelle : sans interaction de la part des lecteurs, même si ceux-ci sont nombreux, on a par moment l'impression d'écrire dans le désert.
Bouteille à la mer
Comme je te comprends, il m'arrive souvent de choisir le ton léger pour ne pas tout écrire. Et la solitude de l'expatriée s'unit à celle de la blogueuse. Je prends mes blogs favoris comme des bouteilles à la mer, la preuve qu'il existe encore bien des humanités qui pensent différemment. J'espère de tout coeur pouvoir te relire un jour...
Bonne pause
Sophie
Re:
Lien croisé
Re: Bouteille à la mer
wait and see
Le wait and see est une bonne attitude, je trouve, en tout cas c'est celle que j'adopte.
Je comprends tout à fait, cette solitude Impasse........c'est un drôle d'endroit la toile en fait.
Je ne me suis jamais sentie libre sur cette espace, jamais sentie libre de dire ce que je pensais vraiment des choses qui me tenaient à coeur.
C'est un drôle d'endroit!
Re: wait and see
Re: Message égocentrique.
Re: Message centrique.
Au départ, on écrit plus pour les autres que pour soi, quelque soit le sujet, et c'est facile, puisque les idées sont là, les "sources" aussi, et puis, petit à petit, on finit par se rendre compte que finalement, on écrit aussi bien pour soi que pour les autres, et quand on a quasiment épuisé tous les sujets (tu en es encore loin, je sais), on se met en mode "wait and see", parce que la page blanche est là, ou encore parce que l'on voudrait faire ressentir une impression voire une émotion mais que l'on ne sais pas comment on doit l'écrire... C'est le temps de la pause...
Quoiqu'il en soit, même si je laisse rarement de commentaires, je viens toujours lire ce que tu écris, mais il est vrai que je ne me tiens pas assez au courant de l'actualité (damned !! je me suis vendu... dis rien, hein, t'as rien lu !! ) et que par conséquent, j'aurais certainement du mal à réagir bien à propos à tes billets...
Profite donc de cette pause pour te "recentrer", et reviens-nous avec des idées toutes neuves et toutes fraîches !! ;-))
Bizzzzz
Re:
Gamin, merci pour ce commentaire très sympa accompagné d'une description très très bien vue. :-) Ce qui me fait rire, cependant, c'est que dans mon billet je ne dis pas que je vais faire une pause, je me demande si je vais faire une pause. Et pourtant, tout le monde me souhaite une bonne pause !!!:-))))
Mon problème, ce n'est pas vraiment que je me retrouve face à une page blanche, c'est que j'ai l'impression que dans notre société que je trouve très violente (même si on n'en vient pas aux mains) parce que tout le monde croit avoir tous les droits, j'ai l'impression qu'il y a des sujets qu'on ne peut plus aborder sous peine d'être mal compris. J'ai plusieurs brouillons déjà prêts... mais je me sens comme "contrainte" à les laisser en attente et c'est cela qui me dérange.
De toute façon, dans tout ce qu'on fait, il y a des étapes. J'ai envie de continuer, cela ne fait aucun doute. Il faut donc que je retrouve une sorte de ... tranquillité.
Bizzzz à toi aussi :-)
Quoi! Quoi!
On avait sans doute remarqué que" tu te le demandais" mais on est montés tout de suite au créneau pour t'en dissuader (hi, hi, hi).
Re: Quoi! Quoi!
C'est-y pas beau la nature humaine !?!?! :-))))
Par contre, je viens de découvrir une petite nouvelle très sympa.... et je sens que, si j'ai un petit moment, je ne vais pas résister. En tout cas, un grand merci pour la dissuasion! :-)
Mais tu es évidemment seule face à tes écrits. Bon repos, alors.