Il ne s’agit ni d’une plaisanterie, ni de l’usurpation offensive d’un quelconque trio européen ou américain croyant avoir trouvé le filon ou une publicité incisive.
A Kaboul, il n’y a pas si longtemps, les femmes n’avaient pas le droit de chanter, de danser, ou de montrer leur visage en public. Sous la dictature des Talibans, la musique et la danse étaient interdites en tant qu’œuvres du diable. Ce temps est toujours en vigueur, la guerre a renversé le régime des Talibans, mais dans la société afghane persiste l’obéissance aux prescriptions fanatiques de la tradition, de l’idéologie, de la religion. Nargiz, une fille de Kaboul, a décidé de vivre hors de son temps, de ce temps noir et féroce qui a exilé les femmes et assombri leurs visages.
Il y a un peu plus de deux ans, le jour où un groupe de musiciens d’une bande allemande se présenta à son école pour enseigner la musique pop aux élèves, Nagiz oublia d’un seul coup ce que les Talibans avaient laissé comme héritage à leur pays. Elle décida d’apprendre à jouer de la batterie, de chanter et d’enregistrer une chanson. Un musicien local lui prêta ses instruments, une batterie cachée dans un grenier pendant six ans, durant ce temps muet qui avait effacé jusqu’à la musique. Nargiz apprit très vite, et elle transmit sa passion à deux de ses amies. C’est ainsi que naquit la « Burqa Band », premier complexe afghan tout au féminin.
Les trois filles, d'un peu plus d'une vingtaine d'années, ont transformé un costume social en un hit. « Burqa blue », c’est le titre du morceau, enregistré en 2002 et inspiré à l’habit traditionnel, symbole de l’intégrisme islamique et de la condition de marginalisation passée et présente des femmes en Afghanistan. Nargiz et ses compagnes apparaissent sous un burqa bleu, aussi bien en vidéo que sur la couverture du disque. « Pour rire », racontent-elles, « mais aussi par nécessité : si les gens savaient qui nous sommes, notre vie serait en danger. » Une dizaine de personnes tout au plus connait les visages de la « Burqa Band ». Le label allemand « Ata Tak » a lancé le « Burqa Blue » en Allemagne en 2003, et la chanson a immédiatement eu un tel succès qu’on demanda au complexe de venir se produire lors d’un grand concert à Cologne.
« Au début, je n’arrivais pas à y croire », raconte Nargiz. « Savoir qu’en Allemagne nous étions en tête du classement était une sensation fantastique. A cela, cependant, il fallait également ajouter la peur que, dans notre pays, quelqu’un découvre notre identité ».
C’est pour cela que la « Burqa band » n’a jamais pu jouer en Afghanistan.
« Je voudrais tant jouer dans mon pays », regrette Nargiz, « mais il y a deux ans, il y a eu un attentat au cours d’un concert, ici à Kaboul, et aujourd’hui encore beaucoup de monde est contraire au fait que les femmes chantent. Il faudra encore au moins dix ans avant qu’une véritable « girl band » puisse se montrer au grand jour ».
Jusque là, on devra se contenter d’écouter la « girl band » des filles sans visage. Nargiz et ses amies lancent un défi au retard de leur pays avec l’espoir et l’orgueil de leurs vingt ans, consacrés à la cause de l’émancipation féminine, mais avec ironie :
« We all now wear a burqa, you don’t know who is who, if you want to meet your sister it could be your uncle too, blueee, burqa blueee ».
(Cliquer ici pour écouter la chanson en format MP3)
(Traduction arrangée par ImpasseSud de “
Cette histoire m'a touchée, il y a tellement d'espoir! Je ne pouvais pas la laisser passer sans la raconter. Souhaitons à ces trois jeunes Afghanes de réaliser leur désir au plus tôt.
Commentaires et Mises à jour :
Re:
Ce n'est pas le mien non plus :-))), mais il faut peut-être être adolescent ou avoir vingt ans vu qu'en Allemagne elles ont fait un tabac. En attendant j'aime beaucoup leur décision, leur désir de vivre une vie qui leur plaît.
C'est pas tellement mon style de musique, mais il faut reconnaitre que la démarche est originale et courageuse...
Souhaitons-leur bonne continuation, et aussi de pouvoir un jour jouer dans leur pays... :-)