Le chaos calme dont parle ce film, c’est celui dans lequel se sent immergé Pietro Paladini (Nanni Moretti), manager de haut niveau, depuis la mort de sa femme Lara. Celle-ci est morte un jour d’été, alors qu’au bord de la mer avec son frère, il était justement en train de sauver une inconnue sur le point de se noyer. Resté seul avec Claudia, sa fillette de 10 ans, c’est lui qui l’accompagne à l’école le jour de la rentrée, et sans doute pour se faire pardonner de ne pas avoir été là au moment de la mort de Lara, il lui promet de l’attendre jusqu’à la sortie. C’est ce qu’il fait et continue à faire tous les jours, s’installant en quelque sorte sur le banc du petit square ombragé qui fait face à l’école, ou se réfugiant dans sa voiture si nécessaire. S’agit-il du besoin de faire une pause, de l’attente de la douleur qui tarde à venir ? Le fait est qu’il semble satisfait de son état. Un jour après l’autre, il observe le monde qui l’entoure, y établit même plusieurs relations d’une discrète sympathie, tandis qu’il reçoit les visites continuelles de parents, collègues, chefs, amis qui viennent pour le consoler, mais qui, face au chaos calme qui semble l’habiter, finissent par lui raconter leurs problèmes, par le prendre comme confident.
Il s’agit là de l’élaboration d’un deuil hors des sentiers battus de la tradition qui veut qu’à la mort d'un parent proche on affiche de la douleur, peu importe que ce soit avec ostentation ou avec réserve, et c'est ce qui rend ce film très intéressant. Pietro semble ne rien éprouver, pas plus que sa fille d’ailleurs, si ce n’est ce besoin de pause tandis qu’il donne la priorité au beau rapport qui naît entre eux.
Intéressante la leçon de la maîtresse de Claudia sur le palindrome, c’est-à-dire sur la différence entre les situations réversibles et irréversibles (1).
Un peu faux le tant attendu éclat en sanglot précédé d’évanouissement.
Tout à fait à sa place et dans la juste mesure la totalité du rapport sexuel entre Pietro et la femme qu’il a sauvée. Si je tiens à le préciser, c’est parce qu’en Italie, dans le pays où on excuse si facilement la vie très dissolue du Président du Conseil, on s’est tout à coup déclarés choqués par cette scène-là. C’est sur elle que se sont focalisées toutes les discussions et critiques, survolant tout le reste. A mon avis, au contraire, quand deux êtres frôlent la mort ensemble, la suite requiert une forme d'exorcisme libérateur, et ce rapport-là en est un, qu'il ne fallait surtout pas tronquer.
Trop abrupt le final, mais sans doute parce que réaliste.
Un beau film à voir, que j’avais simplement envie de signaler, ne serait-ce que pour le calme qu’il vous communique en cette période d’été. Pour le reste, ceux qui veulent en savoir plus peuvent cliquer ici.
(1) Petite curiosité de ma part : la phrase italienne étant « I topi non avevano nipoti » (= les souris n’avaient pas de neveux ou petits-enfants), quelqu’un pourrait-il me dire la phrase de la version française ?