Lu dans le quotidien italien Il Manifesto : « L’homme est le meilleur ami du chien, mais le pire ennemi de soi-même, tout du moins d’après la nouvelle qui arrive des Etats-Unis à propos des dernières volontés de Madame Leona Helmsley, morte l’année dernière au bel âge de 87 ans. D’après les indiscrétions d’hier, la milliardaire a laissé la belle somme de 11 millions de dollars à son chien Trouble (problème), mais ce n’est qu’une bricole par rapport à ce que la magnate des hôtels a dévolu au genre canin en tant qu’espèce ou essence. Dans une directive précise, Leona Helmsley a en effet confié à sa fondation évaluée à 5 à 8 milliards de dollars une seule mission exclusive: soigner les chiens et veiller à leur bien-être.
D’après des données datant de 2005, derrière année où les statistiques internationales sont comparables, 5 milliards de dollars correspondent au quadruple du PIB d’un pays comme
Ici, nous ne sommes pas en train de parler d’un fait curieux comme du classique « homme qui mord un chien », mais d’un évènement de macroéconomie : en effet, il a la mesure et l’aspect tragique du destin de millions et millions d’êtres humains.
Certes, il s’agit d’une extravagance, mais dans notre système, le capitalisme de marché, non seulement cette extravagance est possible (c’est-à-dire qu’une seule personne peut accumuler une fortune pareille dans une seule vie), mais elle est licite (chacun peut faire ce qu’il veut de ce qui lui appartient), et, moralement parlant, elle est même légitime. Cette destination d’usage des 5 à 8 milliards de dollars est l’exemple parfait de la « rationalité du marché », ou plutôt « des marchés » (au pluriel), selon l’aguichante expression à la mode.
On a tout en coup envie de rêver de ce qu’on pourrait faire avec 5 à 8 milliards de dollars, chiffre qui [dans l’Italie d’aujourd’hui en grosses difficultés économiques, NdT] équivaut plus ou moins au « tesoretto » (1) sur lequel la gauche italienne a joué sa défaite en mai dernier, ou en mesure de sauver [de la faillite, NdT] trois ou quatre fois la compagnie Alitalia en déconfiture. Il faut même se congratuler du choix de Madame Helmsley : imaginez un peu qu’elle se soit prise d’affection pour les tarentules ou les iguanes.
Plaisanterie à part, il faudra citer la donation de l’ineffable Leona à chaque fois que quelqu’un nous posera, à nous ou à notre journal, la question suivante : « Mais pourquoi donc êtes-vous anticapitalistes ? » Parce que nous sommes contre un monde, un système, qui rend possible et légitime un pareil affront envers l’humanité.
Derrière ces milliards de dollars, ce sont tous les bipèdes pouilleux de notre espèce qu'on envoie au diable par interposition de quadrupèdes caudés. Il y a la volonté de « déshériter » l’espèce humaine. Ce n’est pas par hasard que la première version de cette déclaration d’intentions de
Marco d’Eramo, « Capitalismo da cani », publié dans Il Manifesto du
(Traduction de l’italien par ImpasseSud)
Moi, je ne vois riens à ajouter.
(1) Il « tesoretto » ou petit trésor, c’est ce que le gouvernement de Prodi, par l’intermédiaire de son ministre des finances Tommaso Padoa-Schioppa, affirmait avoir mis de côté pendant les 18 mois de sa durée, « tesoretto » qui aurait dû servir à rembourser partiellement les classes basse et moyenne auxquelles il s’était empressé d’augmenter les impôts directs. Ce « Tesoretto » était inexistant, bien entendu.
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