Quand les choses vont mal, tout le monde rêve d’avoir à ses côtés un chevalier « sans peur et sans reproche ». Entre Histoire et légende, je ne sais pas s’il y a encore beaucoup d’adultes qui savent qui était Bayard, mais ce que je sais, c’est qu’après l'ère Bush qui a précipité l’Occident dans un gouffre, Barack Obama apparaît, du fait de son vécu, de son intérêt déclaré pour les plus faibles et sans oublier son immense charisme, comme le chevalier moderne qui pourrait nous en sortir. Car n’est pas chevalier qui veut. Tout d’abord, il faut déjà disposer d'un certain pouvoir, et ensuite il faut avoir un idéal moralement élevé et être prêts à payer le prix de sa réalisation. Je crois que chaque époque a les siens, mais ce sont les circonstances difficiles qui les font sortir de l’ombre. Récemment l’un d’eux a traversé ma route sous l’apparence d’un patron de la bourgeoisie industrielle et j’ai envie de raconter son histoire.
Il y a encore quelques années, dans cette rue de Borgomanero, province de Novare en Italie, les usines de filatures se côtoyaient. Aujourd’hui elle est tristement calme parce que cette filature-ci a fermé en 2006 et licencié 30-35 personnes. De l’autre côté de la rue, celle-là aussi a fermé. En mai dernier, cette troisième usine employait encore 200-220 personnes, mais la direction a tout à coup annoncé qu’une partie de la production allait être donnée au dehors, et que le plus gros se ferait en Hongrie. Et cette entreprise, un peu plus loin, qui a plus de 100 ans et avait employé jusqu’à 1000 personnes : à un certain moment, elle a délocalisé vers la Tunisie et aujourd’hui il ne reste que 30 personnes. Etc.
« Plus assez rentable ! » est la ritournelle occidentale de ces vingt dernières années.
Mais Vittorio Giulini, président de Liolà (la prestigieuse marque italienne de vêtements en jersey) a vu les choses autrement :
« La maxime de ces dernières années, c’était de dire que seuls les grands banquiers étaient doués, les grands financiers, ceux qui optimisaient les profits en deux ans, qui achetaient et revendaient à 4 ou 5 fois plus en peu de temps. Aujourd’hui le mécanisme s’est enrayé, mais heureusement car ces profits étaient obtenus en détruisant tout, en massacrant les entreprises, en vendant les immeubles, en tenant seulement compte de l’argent pour l’argent. Il s’agit d’une vision à court terme qui m’a toujours et absolument trouvé contraire, parce que de cette manière, on fait du profit sur les larmes et le sang des autres.
« Je ne cache pas que cette tentation [la délocalisation], nous l’avons eu nous aussi parce que le chemin était plus facile : il nous aurait permis d’éviter les investissements en machines, la maintenance industrielle, et d’utiliser notre réseau de boutiques pour vendre tout en fabriquant au Bengladesh ou au Vietnam. (…) Mais nous avons pensé que cette façon de faire signifiait jeter aux orties toute la fatigue que nous avions investie dans notre marque, tout son capital humain, mais aussi celui des personnes qui ont travaillé avec nous, dans notre établissement, depuis des générations, et qu’à la fin nous allions nous retrouver face à des géants beaucoup plus gros que nous qui réussiraient à se procurer le même produit à un prix plus bas. Nous avons donc opté pour un choix complètement inverse. » (Sources)
Et en effet, la direction a repensé complètement le processus de fabrication, investissant chaque année en machines neuves, même si ces investissements grèvent lourdement sur les profits, et a revu de fond en comble le produit en pointant sur l’excellence de la qualité et sur le Made in Italy à 100%. Aujourd’hui, cette entreprise est encore saine et sans dettes, tout son personnel (de la production à la maintenance et à la cantine) est en CDI (de la dernière arrivée à 20 ans il y a un an à celles et ceux qui ont plus de 40 ans d’entreprise), correctement payé et sans menace de licenciement. Des vêtements et des boutiques Liolà, on en trouve dans le monde entier et la famille qui est à sa tête trouve encore le temps de mener à bien d’importantes activités parallèles, agricoles et culturelles, tout en poursuivant un large objectif de qualité environnemental.
Tiens, voilà un chevalier des temps modernes ! n’ai-je pas pu m’empêcher de penser après avoir écouté l’histoire de Vittorio Giulini, bel homme qui plus est. Rien d’étonnant à ce que cette famille d’industriels ait choisi pour devise la fameuse phrase de Bernard de Chartres (XIe siècle) : "Siamo nani issati sulle spalle dei giganti che ci hanno preceduto ed é solo per questo che riusciamo a vedere lontano" (Nous sommes des nains juchés sur les épaules des géants qui nous ont précédés, et c'est seulement grâce à cela que nous réussissons à voir plus loin.)
En ce qui concerne les chefs d’état, j'ai du mal à me faire une idée, mais pour le reste du monde, il me semble que nous attendons tous le chevalier Obama. Les États-Uniens seront-ils capables de l’élire massivement ? Et s'il est élu, saura-t-il redresser la barre du bon côté ? Wait and see...
Photo : "Le rêve du chevalier" Raphaël (1504)
Mots-clefs : Société, USA, Italie, Sujets brûlants, Hommes de bonne volonté
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Yes, he can !!!... They will change
Le texte intégral de son discours de vainqueur