Que je dise tout de suite que je n’ai pas aimé ! Enfin, ce n’est pas tout à fait exact, car il y a deux livres bien distincts dans ce gros roman de 1109 pages.
D’une part, une histoire d’amour passionnel que certains ont comparé à Roméo et Juliette. Il n’en est rien, ici il n’y a aucune fraîcheur, mais un adultère avec tous les ingrédients d’un roman à l’eau de rose : le mari, Adrien, bourgeois ennuyeux et arriviste, tellement écoeurant qu’il mérite vraiment de devenir « cocu » ; sa jeune femme, Ariane, très belle et cultivée, issue d’une très vieille famille genevoise et calviniste, étouffée par un milieu qui n’est pas le sien, mais sans grande volonté d’en sortir ; l’amant, Solal, haut fonctionnaire à
Les futurs amants se rencontrent par défi, s’aiment et fuient ensemble à la recherche d’une passion absolue et esthétiquement parfaite. Mais comme la perfection n’est qu’un idéal, leur amour, qu’ils enferment en vase clos, commence très vite sa descente en enfer, à travers une maniaquerie perfectionniste, puis l’ennui qu’on essaie de chasser par de la jalousie ou par des stimulations plus ou moins perverses, jusqu’à l’issue finale. A la dernière page, j’avais franchement la nausée, et je n’ai pas pu retenir un cri de soulagement. Le seul personnage de ce livre qui ait trouvé grâce à mes yeux, c’est le vieil oncle Agrippa qui ne comparaît que le temps de quelques pages et n’a d’autre rôle que celui d’ultime « juste » calviniste, dans une opposition non agressive à la fantaisie chaleureuse des enfants d’Israël.
D’autre part, cependant, ce livre a un style si particulier, comme nulle autre, qui vous enchante, vous envoûte même (ce qui fait qu’on continue), en une fouille incessante dans les lieux les plus secrets des méandres du cerveau humain, à travers le cheminement fou des personnages qui se regardent de l’intérieur, bien au-delà de ce qu’on entend habituellement par monologue. Une suite d’idées mais aussi des idées sans suite, comme cela arrive continuellement et à tous propos, en pensées et phrases ébauchées mais aussitôt tronquées, pour passer à la suivante, sans ponctuation, apparemment privées de sens mais qui progressent inexorablement vers une signification achevée. Grâce à ces bribes de raisonnements apparemment décousues, on découvre l’histoire des années trente : les curieux systèmes de travail et d’avancement au sein d’une institution internationale, un aperçu du monde diplomatique, les mécanismes bien huilés de la diffusion de l’antisémitisme, et le regard favorable d’une certaine bourgeoisie française envers la montée du nazisme. Et là, c’est très intéressant.
Bref, je vais très vite remettre ce livre à sa place et je suis sûre de ne pas le ressortir avant longtemps. De nombreuses critiques sont bien meilleures que la mienne, mais moi, j’éprouve encore cette sensation d'écoeurement rien qu’en le regardant. Alors, à vous le choix.
Commentaires et Mises à jour :
Je le savais! :-))))... et je t'attendais.... :-)))
Te souviens-tu, l'année dernière, de la petite enquête Les blogueurs font leur palmarès du livre? Tu avais mis ce titre parmi tes préférés. Moi qui ne connaissais pas Albert Cohen, j'en avais pris note, et cet été je l'ai acheté.
Je l'ai donc lu.... en pensant à toi... :-))))) ... en me posant des questions (?), impatiente de faire ma critique car je savais que tu viendrais donner ton avis :-)))))!
Nous ne devons pas avoir le même sens de l'humour. C'est vrai, Adrien Deume à la SDN et sa mère sont comiques, mais pendant quelques pages seulement. Ensuite le comique vire au sordide comme pour tous les personnages de ce livre que je trouve profondément pessimiste en fait.... Peut-être est-ce pour cela que tu trouves qu'il vaut mieux en rire?
>le ridicule ne tue pas, c'est un livre casse orgueil... Non, il ne tue pas, mais je suis sûre que ce livre ne casse aucun orgueil. Le ridicule, personne ou presque ne le voit! Ni ceux qui le sont, ni ceux qui s'extasient face à la "beauté" de cet amour. Sur la Toile, et aussi bien en italien qu'en français, presque toutes les critiques (et j'en ai lu un grand nombre) allaient dans ce sens. Les gens s'arrêtaient presque tous sur l'histoire d'amour. Certains n'ont pas hésité à la comparer à celle de Roméo et Juliette! Alors qu'il s'agit d'une mauvaise telenovelas!!!! A tel point que j'ai eu l'impression d'être la seule à aller à contre-courant.
Je t'assure qu'à la fin, j'avais la nausée... j'ai dû aller me faire un petit bicarbonate :-)))))!
Désormais, chaque fois que je ferai un tour dans le C de ma bibliothèque, je ferai un clin-d'oeil à ce bouquin... en pensant à ta table de chevet! :-))))
enfin !
L'histoire d'amour est pathétique. On a envie de donner des gifles à Ariane tellement elle est courge, c'est un piètre portrait de femme. On a envie de mettre son poing sur la gueule de Solal tellement il est imbu de lui-même.
Détester à ce point la nature humaine me rend terriblement mal à l'aise.
Le fait aussi qu'il soit si difficile de critiquer ce livre et cet auteur n'a fait qu'accentuer mon malaise. Je crois que c'est le seul livre de ma bibliothèque que je serais incapable de trouver en moins de dix minutes dans le foutoir de mes étagères. Je n'ai aucune idée de l'endroit où il se trouve. Peut-être même l'ai-je donné. Je ne m'en souviens absolument pas.
M'enfin
L'histoire d'amour, on en voudrait pas pour cent balles tellement elle dégouline :-))))!
Bref! C'est un livre absolument formidable :-)))!
Et Mangeclou, vous avez lu Mangeclous :-) ?????
Re: Dans mon emportement et mon débordement
Dans mon emportement et mon débordement
Je te l'accorde Impasse, les inconditionnels de l'histoire d'amour, c'est un peu difficile à comprendre..
Oui! Pour moi aussi, c'est un livre pessimiste........ la tragi comédie de la vie
Racontars, Albert Cohen ne méprise pas ses personnages, ça n'existe pas un auteur qui méprise ses personnages, quelle drôle d'idée ???
En revanche, il a très bien su parler des travers de ses contemporains.
Re: Dans mon emportement et mon débordement
Ayant travaillé à Genève pendant neuf ans, en lisant ce livre j'ai retrouvé une ambiance que je connais bien, des tas de détails si bien rendus, et en ce qui concerne le statut privilégié des gens qui travaillent dans les organisations internationales, je ne sais pas ce qu'il en était en 1935, mais je sais ce qu'il en était quand j'y étais, et d'après le scandale à l'ONU, il semble que rien ne change.
Alors voilà!
C'est mon livre de chevet, le livre que j'emporterai dans l'au delà.........(pour rigoler parce que c'est long l'au delà)
C'est du Albert Cohen, tout craché (mieux que les Max brothers)
Des torrents de mauvais goûts.
Pendant plus de mille pages, Cohen mélange les genres: l'hymne à l'amour, la satire, le monologue avant-gardiste, la tragicomédie, la critique de mœurs, l'humour "Il hausse le ton, il force sa voix, il imite les accents les plus divers, il s'expose à tous les dangers", y compris au ridicule et le ridicule ne tue pas...........c'est ça que j'ai appris dans ce livre!
le ridicule ne tue pas, c'est un livre casse orgueil...
Je me souviens encore de Adrien Deume à la SDN et j'en rigole encore.....Et la grosse Deume avec ses mions (millions)
Et les autre amants...
"..elle lui tendit les mains. Il les prit, et il plia le genou devant elle. Inspirée, elle plia le genou devant lui, et si noblement qu'elle renversa la théière, les tasses, le pot à lait et toutes les rondelles de citron. Agenouillés, ils se souriaient, dents éclatantes, dents de jeunesse. Agenouillés, ils étaient ridicules, ils étaient fiers et beaux, et vivre était sublime."
Je suis une inconditionnelle de belle du seigneur
(je pense que tu auras remarqué, j' y suis allée avec mes gros sabots):-)))