Qu’on imagine la séquence suivante : en toile de fond, une mer argentée sous un ciel en feu, trois eucalyptus sombres sur la droite. Juste devant, une bretelle d’autoroute parallèle à la mer, avec deux raccords en amont. La bretelle n’est qu’une longue voie grise, anonyme, à cinq mètres de hauteur, posée sur des piliers en béton d'un blanc sale. Encore devant, à gauche, étroite et en descente, une voie de sortie qui va s'enfiler sous le petit pont de la voie d'entrée, étroite et en montée. Tout est clair ?

Dans le triangle que taille les deux raccords, un contrefort exigu, pentu, pointu, autrefois herbu, vert ou jaune suivant la saison, mais qu’un petit homme sec et sans âge a décidé, il y a quelques années et sans que personne ne s’en surprenne ou vienne l’inquiéter (ça fait partie des miracles à l’italienne), de transformer en potager personnel. Après avoir longuement défriché et partiellement aplani environ 15m2, après l’avoir clôturé sur deux côtés avec une jolie barrière verte nantie d'un petit portail, le troisième, désormais très raide étant recouvert de cactus, il y plante tour à tour des fèves, des tomates, des poivrons, des petits pois, des haricots, des pommes de terre, etc. et deux arbustes sont en train de prendre de la hauteur. De ces luxuriances à la fois frêles et arrogantes qui naissent de nulle part.

Donc, dans ce cadre et de bas en haut : un raccord qui descend, une flaque de verdure, un raccord qui monte, et, au-dessus.... un éléphant qui passe devant la mer, juché sur un plateau que tire lentement un semi-remorque. Tranquille, la trompe et les oreilles souples, pas de chaînes, pas de cornac…. Juste un éléphant gris qui passe au-dessus d'un jardinet d'émeraude devant une mer d'argent sous un ciel de sang.

C'est ce que j'ai vu hier soir et j'ai immédiatement pensé à Federico Fellini.

La photo, avec Federico Fellini sur la gauche, est prise dans les studios romains de Cinecittà, au cour du tournage d'Intervista (1987).

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